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Tout nouveau, tout beau ?

En ces temps de famine institutionnelle que vit le Liban, on serait bien malvenu de faire la fine bouche. Armons-nous donc d’optimisme (après tout, nous avons vu bien pire) et saluons la formation d’un gouvernement guère idéal mais qui, pour changer, n’est pas dépourvu de particularités plutôt positives.

Premier et naturel motif de réjouissance, ce gouvernement est enfin là, au terme d’une gestation de près de neuf mois marquée par d’âpres marchandages de marchands de tapis entre les diverses forces politiques. Sa seule existence peut en effet atténuer le sentiment d’abandon qui habite une population gravement atteinte dans ses besoins et ressources par la crise ; dans le même temps, elle rehausse une image du pays passablement ternie, comme le montrent la hausse aussitôt enregistrée par l’eurobond libanais sur les marchés internationaux et l’avalanche de bravos aimablement lancés par les capitales étrangères.


Heureuse innovation, ce cabinet de trente inclut quatre femmes dont l’une se voit confier, pour la première fois dans les annales, le portefeuille de l’Intérieur. Il est composé, presque à moitié de ses pléthoriques effectifs, de figures nouvelles. Bien qu’inévitablement parrainés par l’un ou l’autre des partis en lice, ces débutants comptent dans leurs rangs plus d’une compétence très honorablement diplômée. Ce sont des technocrates, du même type que l’on aurait souhaité voir investir en nombre, en masse, le pouvoir, en lieu et place des professionnels de la politique à la médiocrité éprouvée, patentée. Est-ce la raison pour laquelle on n’a dévolu à maints d’entre eux que des ministères d’État aux noms ronflants certes, mais dont la vocation précise demeure des plus floues ?


Encore plus artistique est le flou entourant le rapport de force au sein de l’organe exécutif. Pour avoir étoffé ses troupes de deux fantomatiques ministres d’allégeance variable, occasionnelle, circonstancielle, le chef du courant présidentiel se targue ainsi, avec son insupportable mégalomanie, d’avoir satisfait sa quête obstinée d’une minorité de blocage (blocage de qui et de quoi, on se le demande, cette invention du diable étant en effet responsable de la paralysie qui a frappé les gouvernements des dernières années).


Si ces intempestifs cris de victoire choquent tant, ce n’est pas seulement parce qu’ils émanent d’une formation politique se disant vouée à la réforme et au changement. C’est surtout parce que l’heure n’est plus au blocage mais à une solidarité ministérielle allant de soi partout ailleurs dans le vaste monde, mais devenue introuvable dans notre démocratie dévoyée : cela à l’ombre d’une république fragmentée en zones quasiment autonomes dotées parfois de leur propre armée. Les propos rassurants tenus hier par le nouveau ministre de la Santé, proche mais non membre du Hezbollah, laissent tout de même espérer que ce département vital ne sera pas l’objet de mesures de rétorsion américaines, menace qu’agitait ces derniers jours l’adjoint du secrétaire US au Trésor en visite à Beyrouth.


Énormes demeurent néanmoins les défis qu’est tenu de relever le nouveau gouvernement : les moindres n’étant pas, précisément, les réformes structurelles exigées par la conférence internationale CEDRE désireuse de venir en aide à notre pays. Or qu’il s’agisse de bonne gouvernance, d’assainissement des finances publiques ou encore d’une solution rationnelle au problème endémique de l’électricité, c’est sans doute par pure charité que les nations prêteuses ou donatrices ne prononcent pas les mots infamants de malversations et de gabegie, ces fléaux qui, non contents de plomber notre vie politique et économique, ne nous font pas une bien belle réputation.


D’avoir eu la décence de supprimer cette fumisterie de ministère de la lutte anticorruption qu’abritait le précédent gouvernement ne fera pas disparaître dans la trappe la honteuse question.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

En ces temps de famine institutionnelle que vit le Liban, on serait bien malvenu de faire la fine bouche. Armons-nous donc d’optimisme (après tout, nous avons vu bien pire) et saluons la formation d’un gouvernement guère idéal mais qui, pour changer, n’est pas dépourvu de particularités plutôt positives. Premier et naturel motif de réjouissance, ce gouvernement est enfin là, au...