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Liban - Exécutif

Planification, droits de l’homme et lutte contre la corruption... Ces ministères qui ont disparu

Pourquoi certains postes ont-ils été remplacés par d’autres, malgré l’importance des enjeux ? Cette question se pose depuis l’annonce de la formation du nouveau cabinet.

Michel Pharaon, ancien ministre d’État à la Planification.

Il existe plusieurs ministres d’État dans le nouveau gouvernement de Saad Hariri, qui a vu le jour jeudi. Il est remarquable toutefois que certains postes ont tout simplement disparu, notamment la planification, les droits de l’homme et la lutte contre la corruption… pour des raisons diverses que L’Orient-Le Jour a essayé d’analyser avec les ministres concernés.

L’ancien ministre d’État à la Planification, Michel Pharaon, dit avoir constaté que ce ministère « n’arrangeait pas grand monde ». Son argument ? Deux projets de grande envergure présentés en Conseil des ministres, sans suite. « J’avais développé le premier projet avec le Programme des Nations unies pour le développement, explique M. Pharaon à L’Orient-Le Jour. Il s’agissait d’activer le travail de révision politique et technique de tous les projets de planification. Or une grande partie de ce travail est effectué par le Conseil du développement et de la reconstruction, qui avait en quelque sorte pris la place d’un ministère de la Planification durant toutes ces années. »


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Afin de contourner le problème politique que causerait une telle transition, le ministre et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ont proposé, dans ce projet, de transférer tout le volet révision et planification à une haute autorité de la planification, et, en attendant, de créer un secrétariat général dans ce même objectif. « Ce secrétariat aurait alors eu pour tâche de suivre tous ces projets et d’apporter une expertise technique, poursuit M. Pharaon. Le projet a été présenté une première fois en Conseil des ministres, suite à quoi des clarifications ont été demandées sur certains points. Le projet a été présenté une seconde fois, après avoir été favorablement accueilli par le CDR et le Premier ministre. Mais rien n’a été fait. »

Sur ce point, l’ancien ministre pense que certains de ses collègues auraient eu de l’appréhension à partager leurs projets avec son ministère ou, le cas échéant, le secrétariat. « Il n’y a pas de volonté politique de mettre en avant un tel projet », estime-t-il.

Suite à cela, M. Pharaon dit avoir « présenté un second grand projet sur la planification urbaine, élaboré avec ONU-Habitat, étant donné que 85 % des personnes au Liban vivent dans les villes, que les frontières de celles-ci ne sont plus très bien délimitées, que le milieu urbain peut être grandement amélioré, ainsi que ses relations avec les municipalités voisines ». Ce projet a également été présenté en Conseil des ministres, et il est en cours puisque l’ONU-Habitat le finance. Mais quel suivi alors que le ministère d’État n’existe plus ? « Je pense que le suivi sera effectué par le Premier ministre », souligne-t-il.


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Les droits de l’homme, un sujet transversal

Sur la question des droits de l’homme, L’OLJ a tenté de joindre l’ancien ministre Ayman Choucair, sans succès. Pour sa part, l’ancien député Ghassan Moukheiber, qui avait milité pour la création d’un tel ministère, « déplore son absence dans l’actuel gouvernement », même s’il dit ignorer la raison de sa suppression. « Si la raison en est la création d’une Commission nationale des droits de l’homme, il faut savoir qu’il n’y a aucun double emploi avec un ministère, explique-t-il. Un ministère d’État sur un sujet aussi transversal doit être chargé d’intégrer l’impératif du respect des droits de l’homme dans le travail de tous les autres ministères. »

Selon l’ancien député, il n’y avait pas non plus de double emploi entre ce ministère et d’autres, « alors que le ministère d’État au Commerce extérieur, qui vient d’être créé, fait double emploi avec le ministère de l’Économie, par exemple ».

Certains militants du domaine avaient eu affaire au ministère d’État des Droits de l’homme, et se posent des questions sur sa disparition. Georges Ghali, directeur exécutif d’Alef, estime que ce ministère d’État avait été à l’origine d’avancées non négligeables, malgré ses faibles moyens. « À titre d’exemple, ce ministère a fait adopter un décret pour la création du comité chargé de superviser les rapports que doit présenter le Liban aux conventions internationales, ce qui était très utile, explique-t-il. Pour nous, il devenait plus facile de repérer les points focaux dans les différents ministères concernés. Et le ministère avait pu faire des réalisations avec le peu de moyens dont il disposait, comme au niveau de la formation de la Commission nationale des droits de l’homme. »

Georges Ghali est convaincu qu’une problématique aussi transversale que les droits de l’homme ne se règle pas nécessairement par la création d’un ministère spécifique. « Mais l’indicateur négatif selon nous, c’est qu’un tel ministère ait été créé, puis annulé », dit-il.


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Et la corruption ?

Si la disparition des ministères d’État à la Planification et aux Droits de l’homme est étonnante, celle du ministère pour la Lutte contre la corruption l’est tout autant, surtout que les responsables politiques affirment à cor et à cri que celle-ci sera leur priorité. Contacté par L’OLJ, l’ancien ministre d’État pour la Lutte contre la corruption, Nicolas Tuéni, déclare d’emblée ne pas être au courant de la cuisine interne de la formation du gouvernement. « J’aurais aimé qu’il y ait une continuité, dit-il. Mais si la cause de cette suppression est due à la création d’une future Commission internationale de lutte contre la corruption, ce serait compréhensible. »

M. Tuéni ne croit pas que la suppression de ce ministère soit un indicateur d’un relâchement dans la lutte contre la corruption, affirmant que le président de la République est « sérieux à ce niveau ». Il assure par ailleurs que le bilan de son ministère est positif à plus d’un plan, citant notamment l’obtention d’un don de 2,75 millions d’euros de la part de l’Union européenne il y a deux mois seulement, pour en financer les projets. Qu’est-ce qui en adviendra ? « Le don a été reçu par le ministère des Finances, et il devrait être redirigé suite à des négociations avec l’UE », précise-t-il. En ce qui concerne le fait qu’aucun responsable corrompu n’ait vraiment été poursuivi durant son mandat, M. Tuéni fait remarquer que « poursuivre les personnes n’est pas de notre ressort, mais de celui de la justice ».


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Par ailleurs, une source bien informée des circonstances de la formation du gouvernement nie que la suppression de ce ministère soit un indicateur d’un manque d’intérêt ou de volonté, rappelant que le président de la République « vient de renouveler l’engagement de l’État dans la lutte contre la corruption et de réaffirmer qu’il s’agit d’une priorité ». « Peut-être qu’on n’avait pas donné assez de moyens à ce ministère, ou que la nouvelle stratégie vise à renforcer les instances de contrôle », selon cette source.


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commentaires (7)

droits de l’homme et lutte contre la corruption... hum !!! pourquoi des ministères, pour des choses, qui n'est pas dans les moeurs des hommes politiques libanais ?

Talaat Dominique

00 h 29, le 04 février 2019

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Commentaires (7)

  • droits de l’homme et lutte contre la corruption... hum !!! pourquoi des ministères, pour des choses, qui n'est pas dans les moeurs des hommes politiques libanais ?

    Talaat Dominique

    00 h 29, le 04 février 2019

  • Il suffit de se poser la question suivante: ces ministères permettent-ils de détourner des fonds pour bénéfice personnel? Non? Voilà, vous avez répondu à la question de leur utilité...

    Gros Gnon

    09 h 14, le 03 février 2019

  • Disparition du ministère pour la lutte contre la corruption... Je ne m'autorise pas de parler de la gabegie et de la corruption, mais je prie Nicolas Tuéni de lire la lettre ouverte du député Anouar Khalil au chef de l'Etat sur les 5 milliards de dollars puisés dans le Trésor public et atterris dans les poches de certains... dans An-Nahar du 27/1/2019.

    Un Libanais

    13 h 50, le 02 février 2019

  • Ce sont les conditions dans lesquelles nous vivons au Liban, nécessitent la création des ministères des droits de l'homme et de la lutte contre la corruption. Leur absence dans le nouveau gouvernement est incontestablement un recul de la démocratie et la qualité de vie du citoyen.

    Sarkis Serge Tateossian

    13 h 40, le 02 février 2019

  • TRÈS SIMPLE, POUR RADIER LA CORRUPTION, ON DONNE LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLIC À QUI ? DEVINEZ ? AU MARADA QUI ONT SACCAGÉ LE PAYS DU TEMPS DE SLEIMAN PREMIER.

    Gebran Eid

    13 h 07, le 02 février 2019

  • ABOU 3ABDO VA S,EN OCCUPER. IL EST IMPALPABLE ET INVISIBLE ET LES FESTIVITES INCONTROLEES CONTINUERONT SANS ARRET... SURTOUT LA CORRUPTION !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 06, le 02 février 2019

  • Il est regrettable que le Conseil du développement et de la reconstruction remplace parfois un ou deux ministères et sans aucune objection ni des responsables ni du peuple .

    Antoine Sabbagha

    09 h 32, le 02 février 2019

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