C’est un boycott qui n’ose pas dire son nom ! C’est ainsi qu’un diplomate libanais chevronné a expliqué le feuilleton des regrets transmis par des dirigeants arabes expliquant ne pas pouvoir participer en personne au sommet économique pour le développement qui doit se tenir dimanche à Beyrouth. Jusqu’à hier matin, seulement deux dirigeants arabes ne s’étaient pas (encore) désistés, les présidents mauritanien et somalien, sur les huit qui avaient confirmé leur présence il y a une semaine. Il s’agissait des présidents égyptien, irakien, palestinien et tunisien, ainsi que des émirs du Koweït et du Qatar. En ce qui concerne les autres dirigeants membres de la Ligue arabe, ils n’avaient, à aucun moment, déclaré leur intention de participer personnellement. Plus même, les dirigeants saoudiens ont retardé au maximum la date de visite du ministre libanais Jamal Jarrah chargé de leur remettre l’invitation à participer au sommet. Il était ainsi clair pour les organisateurs libanais que la tenue de ce sommet ne suscitait pas un grand enthousiasme chez les dirigeants arabes, d’abord parce qu’il s’agit d’un sommet non politique, qui mobilise forcément moins les autorités, et ensuite parce qu’il se tient au Liban, un pays qui dérange pour plus d’une raison.
Selon le diplomate précité, le Liban a toujours occupé une place particulière au sein du monde arabe, de par sa diversité religieuse et communautaire, ainsi qu’en raison du climat de liberté qui y règne, et enfin parce qu’il est le seul pays arabe à avoir un président chrétien. Mais depuis quelque temps, il a fallu ajouter deux nouvelles particularités se résumant à la présence du Hezbollah qui a remporté des victoires sur les Israéliens, tout en devenant au fil des années une force régionale dont il faut tenir compte, et à l’arrivée au pouvoir de Michel Aoun qui ne cesse de rappeler sur toutes les tribunes du monde la nécessité de régler équitablement le conflit israélo-arabe en préservant notamment l’identité de Jérusalem.
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Au moment où plusieurs pays arabes se préparent à établir des relations avec Israël, ou au moins à participer au sommet de Varsovie organisé par les États-Unis et dirigé contre l’Iran (qui doit regrouper des dirigeants du monde entier dont le Premier ministre israélien), la position de principe du Liban, sur la Palestine et sur l’Iran, ne peut que déranger certains dirigeants arabes qui préféraient ne pas avoir à l’entendre, mais cherchaient un prétexte convaincant pour ne pas se rendre au sommet de Beyrouth. Pendant quelque temps, il a été question d’invoquer des questions sécuritaires, mais heureusement pour les Libanais, la sécurité est assurée dans le pays et cet argument n’est pas crédible, au moment où tous reconnaissent que le Liban est l’un des rares pays à avoir totalement vaincu militairement les terroristes.
C’est alors que s’est déroulé l’incident du drapeau libyen brûlé en pleine rue par les partisans du mouvement Amal – avec les manifestations de protestation contre la participation de la délégation libyenne et les menaces de fermer la route de l’aéroport – qui a fourni à de nombreux dirigeants arabes le bon prétexte pour ne pas faire le voyage à Beyrouth. La Libye a commencé par annoncer son boycott du sommet en raison de l’atteinte qui lui a été portée, et plusieurs dirigeants arabes se sont déclarés solidaires avec elle. S’en est suivie la série d’excuses des dirigeants arabes de ne pouvoir participer au sommet de Beyrouth.Les partisans du mouvement Amal ont-ils agi sur un simple coup de colère ou sur la base d’un mort d’ordre qui leur a été donné ? Le président de la Chambre, qui a subi une rapide intervention chirurgicale pendant ce laps de temps, a en tout cas condamné les agissements de ses partisans et a rejeté toute atteinte à la dignité d’un pays arabe.
Certains milieux diplomatiques attribuent donc aux agissements des partisans du mouvement Amal la responsabilité du niveau réduit de représentation d’un grand nombre de délégations arabes au sommet de Beyrouth. Mais d’autres sources, proches du 8 Mars, laissent plutôt entendre qu’il s’agit d’un prétexte invoqué à la hâte. S’il n’avait pas existé, il aurait probablement fallu trouver autre chose, car, selon ces mêmes sources, le fond du problème serait ailleurs. Il serait, selon ces mêmes sources, lié au positionnement régional et international du Liban.
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L’administration américaine actuelle ne cache pas sa volonté d’affaiblir et d’isoler le Hezbollah, considéré comme l’instrument le plus puissant de l’influence iranienne dans la région. Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a consacré une partie importante de ses déclarations, lors de sa dernière tournée dans la région il y a une semaine, à la condamnation du Hezbollah. Son adjoint David Hale a aussi fait une déclaration hostile à cette formation à partir de Beyrouth, sachant que lors de ses entretiens avec certains dirigeants libanais, notamment le chef de l’État, le président de la Chambre et le ministre des Affaires étrangères, il n’a pas pu les convaincre de sa thèse. De même, l’administration américaine souhaiterait ralentir le retour de la Syrie dans le giron arabe, et M. Pompeo aurait aussi évoqué cette question au cours de sa tournée dans la région. Mais le Liban souhaite au contraire accélérer le processus, et c’est une raison de plus, selon les sources précitées, pour pousser les dirigeants arabes à ne pas se rendre à Beyrouth. Toutefois, en dépit de l’absence de la plupart des dirigeants arabes de haut rang, le sommet se tiendra comme prévu avec un ordre du jour important sur le plan de la coordination économique et du développement des pays arabes. Sa réussite dépendra des décisions qui seront prises dans le communiqué final et qui devraient engager la responsabilité des États représentés dans ce sommet, c’est-à-dire tous les pays de la Ligue arabe sauf la Libye.
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commentaires (10)
D accords écartons le Liban du giron arabe madame pas de pb vous voulez essayez sans le soutien arabe ?! Faite donc mais après SVP laissez nous recoller les morceaux en nous laissant faire sans intervention
Bery tus
07 h 49, le 20 janvier 2019