La mésentente entre le Courant patriotique libre et ses alliés gravitant dans l’orbite de la moumanaa ne cesse de s’amplifier. C’est ainsi que l’on pourrait interpréter l’échange verbal ayant opposé le leader des Marada, allié du Hezbollah, au chef du CPL, lors de la réunion des pôles maronites, tenue mercredi à Bkerké.
Lors de ce meeting tenu sous la houlette du patriarche Béchara Raï, l’ancien député de Zghorta s’était adressé au leader du CPL en ces termes : « Nous ne sommes pas réunis ici pour soutenir l’octroi du tiers de blocage au chef de l’État. » M. Frangié a fait savoir, en substance, que le Hezbollah tient à ce que les députés sunnites du 8 Mars soient représentés au sein de la future équipe ministérielle et qu’il ne permettra pas au tandem Baabda-CPL de détenir le tiers de blocage.
Au lendemain de la rencontre de Bkerké, Sleiman Frangié s’en est de nouveau pris hier, implicitement, au chef du CPL. « Si (le Premier ministre désigné) Saad Hariri tient vraiment à octroyer le tiers au président de la République, il devrait se désister d’un ministre sunnite (relevant de son propre lot) au profit de la “Rencontre consultative” (regroupant les députés sunnites hostiles à Saad Hariri). Le problème serait alors résolu », a écrit M. Frangié sur son compte Twitter, avant de supprimer ce tweet. Et d’ajouter : « Nous n’avons pas dit que le Hezbollah était contre l’octroi du tiers de blocage au chef de l’État. Mais en tant que partie chrétienne, nous refusons de l’accorder à ceux qui veulent (l’utiliser) à l’encontre des autres chrétiens. »
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« Jusqu’à quand garderons-nous le silence ? »
Des propos auxquels M. Bassil a violemment réagi, allant jusqu’à accuser le chef des Marada, lui aussi implicitement, de le poignarder dans le dos. « La distinction entre indépendants et suiveurs est à nouveau claire. Il y a ceux qui se battent pour recouvrer des droits et ceux qui ont baissé les bras. On nous poignarde dans le dos. Jusqu’à quand garderons-nous le silence ? » a-t-il écrit sur son compte Twitter.
Il va sans dire que cette nouvelle querelle entre les Marada et le CPL ne peut aucunement être dissociée du bras de fer qui oppose les deux partis depuis l’adoption, par Saad Hariri, de la candidature de M. Frangié à la présidentielle de 2016, avant de se prononcer en faveur de Michel Aoun.
Il n’en reste pas moins que cette nouvelle escalade verbale entre les deux partis revêt une importance certaine dans la mesure où elle est à même d’accentuer la léthargie actuelle du processus de formation du cabinet. Les tractations n’en finissent pas de buter sur « l’obstacle sunnite » articulé autour de la représentation des députés sunnites du 8 Mars, bénéficiant de l’appui décisif du parti de Hassan Nasrallah. Un nœud qui aurait dû être défait depuis plus d’un mois. Sauf que ces efforts ont échoué à la dernière minute. Certains observateurs en ont imputé la responsabilité à Gebran Bassil, l’accusant de vouloir obtenir… le tiers de blocage. D’ailleurs, lors de la rencontre de Bkerké, M. Bassil aurait déclaré : « Nous n’avons pas demandé le tiers de blocage. C’est notre droit, notamment en matière de nombre de ministres », à en croire plusieurs médias.
C’est également ce point de vue que présente naturellement à L’Orient-Le Jour un proche de M. Bassil. « Nous avons le droit d’obtenir onze ministres, c’est-à-dire le tiers de blocage, dans la mesure où cette quote-part est conforme aux critères appliqués dans le processus de formation du cabinet », souligne-t-il, avant d’ajouter sur un ton déterminé : « Nous n’allons pas nous désister de nos droits pour satisfaire M. Frangié, dans la mesure où cela représente une tentative d’affaiblir le président Aoun et cela est inacceptable. »
Certains observateurs rappellent dans ce cadre que le CPL, et par la bouche de son fondateur, n’a jamais caché son opposition quant à l’octroi du tiers de blocage aux ex-chefs de l’État, alors qu’il le demande aujourd’hui ouvertement. Mais dans les milieux proches de Gebran Bassil, on se contente d’expliquer cette contradiction par le fait que « c’est là que réside toute la différence entre les présidents “forts”, disposant d’une large assise démocratique, et les chefs d’État “ordinaires” ».
Quant au Hezbollah, dont le bloc a qualifié la mise sur pied du cabinet de « prioritaire » à l’issue de sa réunion hebdomadaire, il semble déterminé à ne pas alimenter la polémique qui l’oppose actuellement au parti de Gebran Bassil, à cause des divergences concernant la représentation ministérielle des sunnites du 8 Mars. Une source proche du parti chiite souligne à L’OLJ que ce qui importe le plus au Hezbollah reste l’intégration au gouvernement du groupe de la « Rencontre consultative » (les sunnites antihaririens), quelles qu’en soient les modalités, insistant malgré tout sur le fait que ce sont le président de la République et le Premier ministre qui forment le cabinet.
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Le niet de Hariri
À ce sujet, le leader du CPL avait tenu à Bkerké des propos particulièrement significatifs. Il a appelé le Premier ministre désigné à intégrer le sunnite du 8 Mars dans son propre lot, dans la mesure où MM. Aoun et Hariri s’étaient échangé un ministre maronite (de la quote-part du chef de l’État) contre un autre sunnite relevant du lot du chef de gouvernement. Sauf que contrairement à ce qu’aurait pu espérer M. Bassil, les milieux de la Maison du Centre écartent la possibilité de faire de nouvelles concessions. Interrogé à ce sujet par L’OLJ, un proche de M. Hariri assure que le problème réside dans la mésentente entre Gebran Bassil et l’axe irano-syrien. Et de poursuivre : « Nous attendons que ce problème soit réglé. Mais il n’est pas question de concessions supplémentaires. D’autant qu’on nous en demande trop. »
En attendant l’issue de cette nouvelle escalade verbale entre les anciens alliés, Saad Hariri s’est entretenu hier avec le leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, et son fils Teymour, député du Chouf, à la Maison du Centre. Était présent le ministre sortant de la Culture, Ghattas Khoury. La discussion a porté sur la situation politique locale et la formation du gouvernement.
Notons enfin que le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, a affirmé hier qu’il n’était plus concerné par le processus de formation du gouvernement de Saad Hariri, après l’échec de la médiation qu’il avait menée entre les partis politiques à la demande du chef de l’État, fin 2018. « Je ne suis plus du tout concerné par cette question », a déclaré le général Ibrahim à sa sortie d’une réunion à Aïn el-Tiné avec le président du Parlement, Nabih Berry.
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commentaires (7)
C’est quoi cette formule « président fort » ? On demande un président tout simplement, qui signe un décret de nomination du gouvernement tout simplement , pour qu’il fasse enfin son travail en toute simplicité au regard des attentes des libanais uniquement. Pour synthétiser , ça n’est qu’un slogan vide à deux balles .
L’azuréen
22 h 59, le 18 janvier 2019