Le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, qui présidait hier une réunion préparatoire des ministres des Affaires étrangères, de l’Économie et des Finances des pays de la Ligue arabe à l’hôtel Phoenicia, a quasiment dressé un constat de l’échec du 4e sommet économique de la Ligue arabe, prévu dimanche à Beyrouth, affirmant « comprendre » la décision de la quasi-totalité des chefs d’État de boycotter l’événement, se contentant d’y déléguer des ministres, à l’exception des présidents somalien et mauritanien. « Chaque pays a le droit de décider de son niveau de représentation. En toute franchise, je comprends que certains présidents aient pris cette décision. Le Liban doit assumer ses responsabilités dans ce qui s’est passé. Il y a des façons de donner son avis », a déclaré hier M. Bassil, lors d’une conférence de presse à l’hôtel Monroe, après la réunion des ministres, dans une critique à peine voilée à l’égard du comportement des miliciens du mouvement Amal, dont l’action à l’encontre de la Libye a clairement précipité la débandade.
Les pressions du président de la Chambre et chef d’Amal Nabih Berry – avec le clair soutien du Hezbollah – et les agissements des partisans d’Amal dans la rue le week-end dernier ont poussé la délégation libyenne à se désister. M. Berry, dont la formation reproche à la Libye d’être responsable de la disparition de l’imam Moussa Sadr en 1978, a fait savoir qu’il n’assistera pas au sommet, dans un énième camouflet à la présidence de la République. Le Hezbollah a pour sa part indiqué que son ministre de l’Industrie, Hussein Hajj Hassan, sera présent.Le sommet, qui se tient dimanche au Seaside Arena (ex-BIEL), restera sûrement dans les annales pour avoir sans doute été l’une des rencontres du genre où il y aura eu le moins de représentants de haut niveau, ce qui a laissé le Liban face à un sentiment d’échec cuisant. « L’importance du sommet est dans les thèmes et les décisions », a toutefois tempéré le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Houssam Zaki, lors d’un point de presse avant la réunion ministérielle. Il ne fait pas de doutes que la présence des chefs d’État donne plus d’importance à l’événement, mais leur absence n’amoindrit pas l’importance des sujets traités car ils concernent tous les pays arabes », a-t-il dit, avant d’ajouter que la reconstruction de la Syrie ne sera pas abordée durant le sommet.
Lors de la conférence de presse ayant suivi la réunion ministérielle, le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmad Aboul Ghait, a indiqué que 29 points avaient été adoptées au cours de cette réunion. Houssam Zaki avait auparavant expliqué qu’à l’ordre du jour figurent notamment la gestion des déchets solides, le marché arabe commun pour le courant électrique, l’économie numérique, ainsi que d’autres points concernant les questions des femmes, des enfants et de la pauvreté.
Le président de la République Michel Aoun devrait pour sa part présenter, dimanche, une initiative pour la mise en place d’un système de financement des pays arabes détruits à cause d’affrontements armés survenus durant les sept dernières années.
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Retour des réfugiés syriens
La question du retour des réfugiés syriens a été évoquée par Gebran Bassil qui a exprimé le souhait « de pouvoir arriver à un plan pour le retour de ces réfugiés, en dépit de la volonté de ceux qui les ont poussés à l’exode ». « Ceux-là veulent qu’ils restent (dans les pays d’accueil). Alors que nous, les pays hôtes, nous voulons qu’ils rentrent dignement, et personne ne peut nous en empêcher si ce retour est digne et bénéfique pour l’économie de leur pays », a-t-il dit dans un discours prononcé peu avant la tenue de la réunion.
Des propos qui n’ont pas plu à l’Arabie saoudite. Selon la chaîne LBCI, cette dernière n’est pas d’accord sur les modalités du retour des réfugiés telles que proposées par le Liban. Ce dernier refuse que le mot « retour volontaire » soit utilisé dans la version finale qui sera adoptée sur ce point. Un débat qui sera tranché d’ici à la rédaction du rapport final du sommet, de façon à satisfaire tout le monde, selon Houssam Zaki.
La thématique du retour de la Syrie au sein de la Ligue a également été abordée, d’abord par M. Bassil dans son discours d’ouverture. « La Syrie doit retourner parmi nous au lieu d’être jetée dans les bras du terrorisme. Nous n’avons pas besoin d’attendre qu’on nous donne la permission pour son retour », a-t-il dit, faisant ainsi écho, au moins verbalement, aux tentatives du Hezbollah et des figures du 8 Mars de redonner une légitimité au régime syrien.
« Ce qui s’est passé en 2011, c’est une suspension de la Syrie de la Ligue arabe (…) mais le retour est inéluctable car la Syrie n’a pas perdu son siège et n’a pas été chassée de la Ligue arabe », a pour sa part expliqué M. Zaki lors de son point de presse. M. Aboul Ghait a lui indiqué qu’« il n’y a pas encore de consensus arabe par rapport à cette question ».
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« Ne laissez pas tomber le Liban »
Gebran Bassil a par ailleurs appelé à la solidarité arabe et demandé aux pays arabes de « ne pas laisser tomber le Liban ». « Le Liban n’a jamais poignardé aucun d’entre vous dans le dos (…) Malheureusement, en tant qu’Arabes, nous ne savons pas nous préserver les uns les autres », a-t-il dit lors de son allocution dans le cadre de la réunion ministérielle.
« Ne devrions-nous pas penser à la reconstruction ? Est-il acceptable que ceux qui le font soient punis, au lieu d’être encouragés ? (...) » a lancé le chef de la diplomatie, en référence à la reconstruction en Syrie. « Si nous ne nous ressaisissons pas, (...) nous perdrons ce qu’il nous reste. (...) Élaborons ensemble une vision économique arabe commune, a-t-il ajouté. Je ne vous cache pas que je suis favorable à la mise en place d’un marché économique levantin commun qui se développera grâce à la reconstruction en Syrie et en Irak, à la redynamisation du Liban, au développement de la Jordanie et de l’Égypte et à la construction de la Palestine. »
Les chefs de délégation des États arabes ont ensuite pris la parole. Le ministre jordanien des Affaires étrangères, Ayman Safadi, a appelé à « une plus grande coordination garantissant un plus grand rôle arabe pour affronter les défis ». De son côté, son homologue mauritanien, Ismaïl Ould el-Cheikh Ahmad, a insisté sur l’importance de « mettre l’accent sur le renforcement des efforts en faveur des investissements arabes sur les infrastructures ». Le chef de la diplomatie palestinienne, Riyad Maliki, a, lui, insisté sur l’attachement de la Palestine au droit au retour des réfugiés. Pour sa part, son homologue irakien, Mohammad Ali Hakim, a appelé les détenteurs de fonds arabes à soutenir les projets de développement en Irak.
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14 h 02, le 21 janvier 2019