Le ministre libanais sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil (2e à droite), prenant la parole lors de la séance préparatoire des ministres arabes de l'Economie et des Affaires étrangères, dans le cadre des travaux du Sommet économique et social arabe, le 18 janvier 2019. Photo Dalati et Nohra
Le ministre libanais sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, a plaidé vendredi pour le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe, lors d'un discours dans le cadre de la réunion préparatoire des ministres arabes de l'Economie et des Affaires étrangères, avant le sommet de dimanche. Mais la réponse de l'organisation panarabe n'a pas tardé, son secrétaire général Ahmad Aboul Ghait affirmant que les pays membres n'étaient pas encore d'accord sur cette question.
La capitale libanaise accueille dimanche le quatrième sommet économique de la Ligue arabe, un évènement qui s'annonce déjà marqué par l'absentéisme de la plupart des chefs d'Etat des pays membres. Seuls les présidents de Somalie et de Mauritanie sont attendus. Ce sommet fait traditionnellement moins recette que le sommet de la Ligue arabe, qui se tiendra en mars en Tunisie. Le dernier en date, en 2013 en Arabie saoudite, avait néanmoins attiré de nombreux chefs d'Etats. A Beyrouth, les 20 participants ont préféré pour la plupart dépêcher leur Premier ministre, leur ministre des Affaires étrangères ou des Finances. Une assistance qui justifie difficilement aux yeux des Libanais la quasi-paralysie du centre de la capitale, où de nombreux commerces, écoles et rues ont été fermées, mais dont les organisateurs assurent qu'elle ne remet pas en question "l'importance des décisions qui seront prises", selon les mots du secrétaire général adjoint de la Ligue, Houssam Zaki.
Outre le dossier de la Syrie, l'absence de la Libye a terni l'image de ce sommet. La participation de la Libye, que le Liban tient pour responsable de la disparition en 1978 de l'imam Moussa Sadr, a provoqué de vives polémiques à Beyrouth. Finalement, Tripoli ne participera pas au sommet, après les protestations du président du Parlement libanais, Nabih Berry, qui dirige le mouvement Amal fondé par l'imam Sadr, et les agissements de certains de ses partisans dans la rue.
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La Syrie, "grand absent"
Lors de la réunion de vendredi, M. Bassil, en sa qualité de dirigeant de la délégation libanaise, a demandé, avant son allocution, une minute de silence en hommage à l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, assassiné en 2005, et à tous "les martyrs libanais et arabes, citoyens et dirigeants", notamment ceux tués "par le terrorisme". Il a ensuite fustigé l'absence des chefs d'Etat arabes au sommet, sachant que jusqu'à présent, seuls deux d'entre eux, le Somalien et le Mauritanien, ont confirmé leur présence à Beyrouth. "Nous regrettons l'absence des (chefs d') Etats qui n'assistent pas au sommet car en tant qu'Arabes, nous ne savons pas comment préserver notre solidarité, nous œuvrons à notre division", a regretté le chef de la diplomatie libanaise.
"La Syrie est le grand absent aujourd'hui à notre conférence, et nous ressentons ce poids. La Syrie doit revenir dans notre giron au lieu d'être jetée dans les bras du terrorisme", a plaidé M. Bassil. "La Syrie doit être parmi nous, sans attendre une quelconque autorisation pour son retour. Et ce, afin de ne pas nous couvrir d'une honte historique en l'ayant suspendue sur un ordre étranger et en la réintégrant sur autorisation étrangère", a-t-il souligné, sans dire à qui il faisait référence. A l'issue d'un entretien avec M. Bassil, le chef de la diplomatie irakienne, Mohammad Hakim a déclaré que la suspension de la Syrie de la Ligue arabe était une "erreur".
La Syrie du président Bachar el-Assad avait été suspendue de la Ligue en 2011 après le début de la révolte contre son régime et qui a été réprimée dans le sang, se transformant en guerre civile qui ravage jusqu'à ce jour ce pays. Les Etats arabes ne sont toujours pas parvenus à un consensus autour de la réintégration de Damas au sein de la Ligue. L'Irak s'est récemment montré favorable à ce retour et les Emirats arabes unis ont rouvert en décembre leur ambassade à Damas, après avoir coupé en 2012 leurs relations diplomatiques avec le régime. L'Arabie saoudite, poids lourd régional opposé à Damas, semble encore réticente à une normalisation avec la Syrie et à sa réintégration au sein de l'organisation panarabe.
Avant le début de la réunion, le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Houssam Zaki, avait tenu un point de presse dans lequel il avait rappelé que la Syrie "n'a pas été chassée" de la Ligue arabe, mais uniquement "suspendue". "La question de la reconstruction de la Syrie ne figure pas à l'ordre du jour", avait-il précisé. Et à l'issue de la réunion, lors d'une conférence de presse commune avec Gebran Bassil, c'est Ahmad Aboul Ghait qui a réitéré la position de la Ligue, en affirmant que ses membres "n'étaient pas encore d'accord sur un retour de la Syrie" au sein de l'organisation panarabe. M. Bassil a, lui, déclaré que le Liban allait œuvrer "en interne et à l'étranger pour parvenir à un accord" sur ce sujet.
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"Vision économique commune"
Lors de son allocution dans le cadre de la réunion ministérielle, Gebran Bassil a par ailleurs appelé à la solidarité arabe. "Je ne suis pas ici pour lancer des accusations mais pour demander : N'est-il pas temps pour une prise de conscience et pour instaurer l'esprit de solidarité? (...) Si nous avons lancé des guerres entre nous, n'est-il pas temps de mettre un terme à ces conflits? Ne devrions-nous pas penser à la reconstruction? Est-il acceptable que ceux qui le font soient punis, au lieu d'être encouragés? (...)", a lancé le chef de la diplomatie libanaise, en référence à la reconstruction en Syrie.
"Si nous ne nous ressaisissons pas, (...) nous perdrons ce qu'il nous reste. (...) Elaborons ensemble une vision économique arabe commune, a-t-il ajouté. Je ne vous cache pas que je suis favorable à la mise en place d'un marché économique levantin commun qui se développera grâce à la reconstruction en Syrie et en Irak, et à la redynamisation du Liban et le développement de la Jordanie et de l'Egypte, et la construction de la Palestine".
Et Gebran Bassil de conclure : "Le Liban, indépendamment de son succès ou de son échec, reste votre petit frère et un grand message pour vous. Accueillez-le et ne l'abandonnez pas, car il n'a jamais poignardé quiconque d'entre vous et n'a jamais porté atteinte à un citoyen arabe, mais a été un refuge, un protecteur de vos populations, et a contribué à la construction de vos Etats. Prenez-soin du Liban, car il est l'un des vôtres, et n'a été que source de bien pour vous."
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"Affronter les défis"
Prenant ensuite la parole, le secrétaire général de la Ligue arabe a souligné que la tenue de ce sommet intervient dans des circonstances "d'une extrême importance, car les questions de développement, dans toutes leurs dimensions, sont la principale préoccupation des Etats arabes".
"Les défis auxquels fait face la région arabe sont énormes et nous imposent d'élaborer une nouvelle vision et de nouvelles idées dirigées vers l'avenir et les avancées technologiques, scientifiques et économiques (...)", a souligné M. Aboul Ghait. "Aucun Etat arabe ne peut affronter seul ces défis. La complémentarité économique et la coordination des politiques est une nécessité, pas un luxe", a-t-il insisté.
Les chefs de délégation des Etats arabes ont ensuite pris la parole. Le ministre jordanien des Affaires étrangères, Ayman Safadi, a appelé à "une plus grande coordination garantissant un plus grand rôle arabe pour affronter les défis". De son côté, son homologue mauritanien, Ismaïl Ould el-Cheikh Ahmad, a insisté sur l'importance de "mettre l'accent sur le renforcement des efforts en faveur des investissements arabes sur les infrastructures". Le chef de la diplomatie palestinienne, Riyad Maliki, a, lui, insisté sur l'attachement de la Palestine au droit au retour des réfugiés. Pour sa part, son homologue irakien, Mohammad Ali Hakim, a appelé les détenteurs de fonds arabes à soutenir les projets de développement en Irak. De son côté, le ministre yéménite de l'Industrie et du Commerce, Mohammad al-Maytami, a plaidé pour une "stratégie arabe commune pour soutenir la croissance de notre pays". Le ministre somalien des Finances, Abdel Rahman Bili, a insisté sur le "soutien des frères arabes" au développement de son pays.
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Réfugiés syriens
Lors de la conférence de presse ayant suivi la réunion ministérielle qui s'est tenue à huis clos, le secrétaire général de la Ligue arabe a indiqué que 29 projets de décision avaient été adoptés au cours de cette réunion. Le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Houssam Zaki, avait auparavant expliqué qu'à l'ordre du jour figurent notamment la gestion des déchets solides, le marché arabe commun pour le courant électrique, l'économie numérique, ainsi que d'autres points concernant les questions des femmes, des enfants, et de la pauvreté.
M. Zaki avait également reconnu que la question des plus d'un million de réfugiés syriens qui se trouvent au Liban divisait les responsables arabes présents. "L'article portant sur la question des réfugiés syriens figure toujours à l'ordre du jour du sommet, mais les points de vue sur cette question divergent", avait-il expliqué.
Le chef de la diplomatie libanaise a pour sa part estimé que ce dossier devrait être au centre des discussions. "Nous ne pouvons pas organiser un sommet économique arabe et oublier la grande crise humanitaire, si ce n'est pas la plus grande de l'époque, des réfugiés, dont les réfugiés syriens", a déclaré M. Bassil. Le ministre libanais sortant de l'Economie, Raëd Khoury, a lui aussi souligné que "le sujet qui nous concerne est l'encouragement au retour sûr et digne des réfugiés syriens dans leur pays". "Nous devons trouver un mécanisme pour financer les Etats arabes qui ont connu des conflits armés et des destructions depuis 2013", a ajouté le ministre.
Le chef de l'Etat libanais, Michel Aoun, réclame le retour de ces réfugiés syriens chez eux sans attendre une solution politique à la guerre qui ravage la Syrie depuis 2011. Mais la communauté internationale s'inquiète d'un tel retour qu'elle juge non sécurisé et prématuré dans les circonstances actuelles.
Toutefois, le chef de la diplomatie égyptienne, Sameh Choucri, qui est arrivé aujourd'hui au Liban pour représenter son pays, a promis au président Aoun qu'il allait "œuvrer pour le succès de ce sommet". Dans la soirée, M. Choucri s'est entretenu avec le Premier ministre désigné Saad Hariri à la Maison du Centre. "Ce sommet revêt une grande importance pour les pays arabes", a assuré M. Choucri à l'issue de cet entretien, insistant sur la volonté de l’Egypte de voir ce sommet réussir. "Le Liban a la responsabilité de contribuer à la stabilité du monde arabe en assurant sa propre stabilité, et cela ne peut être fait sans la formation d'un nouveau gouvernement", a par ailleurs déclaré le ministre égyptien.
M. Hariri a par la suite reçu le secrétaire général de la Ligue arabe. "La formation d'un gouvernement confirmera la stabilité du Liban et nous sentons que nous nous rapprochons de la fin de ce dossier", a déclaré M. Aboul Ghait à l'issue de cet entretien.
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commentaires (11)
IMPOSSIBLE D'Y REMEDIER. ET J'OSAIS EN VOULOIR AUX AUTRES COMPOSANTES /CONFESSIONNELLES DE NOTRE SOCIETE, J'OSAIS LES ACCUSER D'ALLEGEANCE A DES PAYS ETRANGERS .... MEA CULPA, MEA MAXIMA CULPA ( TARDIF MAIS BON ) ! LE VOILA T IL LE GENDRE HEROS CPL MINISTRE DES AE LUI-MEME QUI FAIT PAREIL(PR NE PAS DIRE PIRE ) .......
Gaby SIOUFI
14 h 21, le 19 janvier 2019