Le patriarche maronite, Béchara Raï, se prépare pour annoncer, incessamment, la tenue d’un minisommet chrétien à Bkerké dans une ultime tentative visant à faire pression pour débloquer la formation du gouvernement.Depuis l’apparition du nœud dit des sunnites antihaririens qu’aucune initiative ou médiation n’a pu résoudre à ce jour, le processus de la mise sur pied du cabinet s’est engouffré, une fois de plus, dans une impasse qui s’avère de plus en plus inextricable. Une stagnation à laquelle le chef de l’Église maronite souhaiterait mettre fin par une nouvelle initiative dont l’objectif serait notamment de tirer la sonnette d’alarme, à l’heure où l’État est menacé d’effondrement. Prévu la semaine prochaine en principe, soit quelques jours avant le départ de Mgr Raï aux États-Unis le 21 janvier, ce minisommet serait en quelque sorte le fruit d’une réflexion qui aurait mûri à Bkerké après le défilé des responsables politiques au siège de l’Église maronite à l’occasion des fêtes de fin d’année et qui, presque unanimement, ont exprimé le danger qui guette le pays si, entre-temps, la réactivation de l’exécutif n’a pas eu lieu.
C’est le chef du Mouvement de l’indépendance, Michel Moawad, qui a révélé l’intention du prélat maronite d’entreprendre cette nouvelle initiative « pour faire pression en vue de finaliser la formation du gouvernement », a précisé à la presse M. Moawad, qui s’est entretenu hier avec le patriarche autour de cette question. « Il est clair qu’il existe une volonté patente chez certains acteurs régionaux de bloquer la formation du cabinet », a encore dit M. Moawad dont la visite à Bkerké est intervenue peu après celle du ministre sortant des Travaux publics, Youssef Fenianos, et celle du directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim.
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« Des ramifications régionales à la crise gouvernementale »
Un avis que semble également partager, semble-t-il, le prélat maronite qui, selon des sources informées proches de ce dossier, a récemment évoqué « des ramifications régionales à la crise gouvernementale », sans pour autant préciser le pays pourfendeur qui en serait à l’origine. D’où ses craintes de voir l’État pris de nouveau au jeu des intérêts régionaux qui se règlent par procuration en terrain libanais, soulignent ces sources.
La reconnaissance indirecte du patriarche de l’existence de facteurs externes liés à la crise vient remettre en cause les multiples déclarations politiques, notamment celle du Hezbollah qui insiste à conférer un caractère purement interne au blocage actuel.
C’est dès aujourd’hui, probablement, et parallèlement à la réunion traditionnelle des évêques maronites qui se tiendra à Bkerké, dont le communiqué final sera « extrêmement important » comme le prévoient des sources citées par l’agence al-Markaziya, que le patriarche entreprendra ses contacts avec les formations chrétiennes qu’il entend convier, à savoir le CPL, les FL, les Kataëb, les Marada et le Mouvement de l’indépendance.
En réunissant les leaders maronites dans une sorte de groupe de pression, le patriarche espère, précisent certains de ses visiteurs, enclencher une nouvelle dynamique pour mettre un terme à la paralysie actuelle, un peu comme il l’avait fait il y a quelques années lorsqu’il avait réuni les principaux chefs de file chrétiens dans l’espoir de mettre un terme au vide présidentiel qui perdurait à l’époque.
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Interrogations
Sondée par L’Orient-Le Jour, une source proche d’un parti chrétien s’interroge sur l’efficacité d’une telle réunion et se demande à quoi elle servirait concrètement. Selon cette source, Bkerké aurait mieux fait d’initier un sommet qui regroupe l’ensemble des partis libanais, et non seulement les formations chrétiennes, pour faire pression sur les deux responsables chargés de la formation du cabinet, le chef de l’État et le Premier ministre. Lorsque le pays faisait face à un vide présidentiel, Bkerké avait réuni le leadership chrétien pour tenter d’amener les chefs de file concernés à unifier leur position et à s’entendre sur le nom d’un candidat. « Cette crise était marquée d’un sceau chrétien, le chef de l’État qu’il fallait élire étant lui-même chrétien, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui avec le blocage de la formation du cabinet, un problème qui, en définitive, concerne plutôt la communauté sunnite », commente la source. Celle-ci estime que le déblocage n’est pas nécessairement aux mains des chrétiens, « à moins que l’objectif du patriarche soit d’utiliser cette plateforme pour exprimer un ras-le-bol et pointer du doigt les responsabilités respectives ».
Un autre avis consiste à dire que Bkerké voudrait probablement réunir les chrétiens pour parvenir à une décision concertée avant le départ du patriarche aux États-Unis pour une tournée à caractères pastoral et politique.
« Faire preuve d’un front commun »
Pour les Kataëb, la proposition du patriarche est d’autant plus louable que les Kataëb avaient déjà exprimé plus d’une fois leur souhait de briser le statu quo par une nouvelle initiative qui « sorte du commun pour mettre un terme à la logique politicienne qui prévaut depuis quelque temps », comme le souligne le vice-président du parti Kataëb, l’ancien ministre Salim Sayegh.
Les Kataëb avaient suggéré de réunir au sein du Parlement tous les chefs des partis représentés au sein de l’hémicycle et préconisé de mettre un terme à la crise en formant un gouvernement restreint de technocrates, une idée largement soutenue par Bkerké.
M. Sayegh a salué favorablement la tenue de ce sommet chrétien ainsi que tout autre plan de sauvetage « pouvant nous sortir des tiraillements qui risquent de sonner le glas de la Constitution et de l’État libanais ». L’ancien ministre a saisi l’occasion pour critiquer au passage l’insistance du chef de l’État, Michel Aoun, à avoir avec le parti dont il est issu le tiers de blocage au sein du gouvernement. « Il est parvenu à la présidence à la faveur d’un compromis politique rendu possible grâce à une coalition qui a avalisé sa candidature. C’est avec cette coalition qu’il devrait aspirer au tiers de blocage, et non avec le CPL », dit-il dans une allusion à peine voilée à la responsabilité du président dans le blocage.
Une source proche des visiteurs de Bkerké souligne pour sa part que l’efficacité d’un tel sommet dépendra largement de la capacité des participants à « harmoniser leurs points de vue et à faire preuve d’un front commun en ce qui concerne la formation du gouvernement ».
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commentaires (5)
Du cinéma qui ne servira qu'aux importateurs de café et peut être Doueihi, sea sweet ou encore Hallab...
Pierre Hadjigeorgiou
14 h 20, le 09 janvier 2019