Contrairement à ce qu’auraient pu espérer les plus optimistes, le prochain gouvernement ne verra pas le jour avant le sommet économique arabe prévu à Beyrouth, les 19 et 20 janvier courant. D’autant que certains observateurs s’attendaient à un déblocage ministériel à la faveur de la récente réouverture de certaines ambassades arabes en Syrie, voire à une éventuelle participation de Damas à cette réunion.
À ce sujet, un tweet posté durant le week-end dernier par le leader du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt est particulièrement significatif. « On ne peut plus rien cacher à personne. Les porte-voix du régime syrien mènent une campagne orchestrée pour bloquer la formation du gouvernement, soit au moyen de concertations, soit par le biais de l’ajout de ministres et autres prétextes infondés. Tout cela afin d’entraver la tenue du sommet économique, et d’anéantir l’immunité du corps libanais », a-t-il écrit.
C’est également une impression pessimiste que l’on peut dégager des propos tenus hier par le président de la République, Michel Aoun. Devant le représentant personnel du président tunisien, al-Azhar al-Chabbi – venu lui confirmer la présence du chef de l’État tunisien, Béji Caïd Essebsi, au meeting économique de Beyrouth –, le président de la République a assuré que le sommet arabe se tiendra en temps voulu. « Le fait que le gouvernement soit en phase d’expédition des affaires courantes n’est pas une raison valable pour reporter le sommet », a-t-il souligné, rappelant que « le pouvoir est une continuité ». « Le cabinet sortant exerce ses prérogatives conformément aux règles constitutionnelles en vigueur », a assuré Michel Aoun.
(Lire aussi : Les "porte-voix de Damas" entravent la formation du gouvernement, selon Joumblatt)
Il va sans dire qu’à travers ces propos, le chef de l’État répondait aux informations ayant circulé récemment dans certains médias et selon lesquelles le meeting qui se tiendra à l’initiative de la Ligue arabe serait menacé de report, si le cabinet n’est pas formé d’ici au 19 janvier. Il n’en reste pas moins que les déclarations du chef de l’État revêtent une certaine importance politique. Après avoir longtemps exercé un forcing dans le sens de la mise sur pied du cabinet dans les plus brefs délais, le voilà tentant de « renflouer » le cabinet chargé de l’expédition des affaires courantes, comme le soulignent des observateurs. Dans certains milieux politiques, on va même jusqu’à estimer que par ces propos, Michel Aoun a implicitement confirmé que la mise sur pied de la future équipe ministérielle est reportée sine die.
D’ailleurs, le timing des déclarations de Michel Aoun est certainement à prendre en considération. Et pour cause : elles interviennent quelques jours après l’appel lancé par le président de la Chambre Nabih Berry au Premier ministre désigné Saad Hariri pour tenir une séance du Conseil des ministres afin d’approuver le budget 2019, et de l’envoyer au Parlement pour adoption. Un appel qu’a réitéré hier Anouar el-Khalil, député Amal de Hasbaya. Dans une déclaration à la Voix du Liban, M. Khalil a mis l’accent sur l’importance de la dernière prise de position de M. Berry sur ce plan, dans la mesure où « elle porte sur la réalité socio-économique, qui va beaucoup plus loin que les problèmes liés à la formation du cabinet ». « Cela ne porte aucunement préjudice au fait que la mise sur pied du cabinet relève de la responsabilité du président de la République », a insisté le député de Hasbaya.
Quant à la Maison du Centre, ses milieux semblent favorables à une telle proposition. Interrogé par L’Orient-Le Jour, un proche de Saad Hariri la qualifie de « logique », dans la mesure où « il faut dynamiser le cabinet sortant pour expédier les dossiers les plus importants, notamment le budget », explique-t-il, estimant que Saad Hariri n’entraverait pas une telle démarche.
Quoi qu’il en soit, les milieux proches de Baabda préfèrent rester loin des interprétations politiques des propos du chef de l’État, les confinant à la stricte dimension liée au sommet économique prévu dans deux semaines. Contacté par L’Orient-Le Jour, un proche de la présidence met les points sur les « i » : « Le président n’a fait qu’assurer que le sommet économique arabe aura lieu en temps voulu, même si le gouvernement (sortant) est en période d’expédition des affaires courantes », dit-il.
(Lire aussi : Les haririens se disent déterminés à ne pas céder aux diktats du Hezbollah)
L’obstacle sunnite
En attendant, le processus gouvernemental continue de buter indéfiniment sur le fameux obstacle sunnite, né de l’insistance des six députés hostiles au courant du Futur – et bénéficiant d’un appui indéfectible du Hezbollah – pour prendre part au cabinet. Quelques jours après la toute dernière rencontre entre Saad Hariri et le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil mercredi dernier, Fayçal Karamé, député de Tripoli, a opté de nouveau pour l’escalade face à M. Bassil, soulignant que le groupe auquel il appartient demande à nouveau à être représenté au gouvernement par un de ses membres, et que leur ministrable occupe un portefeuille et non un ministère d’État. Sauf que Abdel Rahim Mrad, député de la Békaa-Ouest, présente à L’OLJ un autre son de cloche. « La question du portefeuille de notre ministrable est susceptible d’étude et d’examen », souligne-t-il. Et d’ajouter : « Depuis l’échec de l’initiative Ibrahim, personne n’est entré en contact avec les députés proches de l’ex-8 Mars. Nous tiendrons une réunion après le retour prévu dans quelques jours de Fayçal Karamé, en déplacement à l’étranger. » Et de conclure : « Ce qui nous importe le plus, c’est que notre ministre nous représente exclusivement au sein du cabinet. » Une façon pour M. Mrad de faire barrage à toute tentative de M. Bassil d’intégrer le ministre en question à la quote-part de son parti, assurant ainsi au tandem Baabda-CPL le tiers de blocage, à même de causer une éventuelle paralysie de l’équipe ministérielle. Une impression que M. Bassil a confirmée lui-même implicitement depuis Bkerké vendredi dernier, en déclarant que le Hezbollah « n’a pas de problème » à ce que son camp détienne le tiers de blocage.
Sauf que les aounistes persistent et signent : le CPL n’est pas en quête du tiers. Joint par L’OLJ, un proche du CPL rappelle que le chef de l’État peut geler l’action du cabinet, en ne tenant pas de séances du Conseil des ministres.
Pour ce qui est de l’obstacle sunnite, le proche du CPL est catégorique : « Il n’est pas question que ce problème soit réglé aux dépens du chef de l’État, dans la mesure où il s’agirait là d’une tentative d’affaiblir son mandat », souligne-t-il tout en renvoyant la balle dans le camp de Saad Hariri. « D’autant qu’il est de son devoir de régler cette question », ajoute-t-il.
Lire aussi
Raï : Les responsables s’arrachent le cadavre de la patrie
L’État veut-il « éradiquer le sunnisme modéré ? », s’interroge Ahdab
Gouvernement : le Hezbollah continue de distiller le chaud et le froid
Salamé : Le blocage gouvernemental rend difficile le maintien de la stabilité monétaire
Raï juge « impossible » qu’un cabinet ordinaire de 30 sauve le pays
Gouvernement : le Hezbollah promet un proche déblocage
Aujourd’hui et c’est une évidence, L’Iran et ses acolytes veulent détruire à coups de masse et de marteau piqueur l’un des plus anciens pays de la région , le Liban.
20 h 00, le 08 janvier 2019