Comme prévu, les contacts pour la mise sur pied du prochain gouvernement ont repris de plus belle après les fêtes. D’autant que les protagonistes concernés sont engagés dans une course contre la montre et semblent déterminés à mettre sur pied une équipe ministérielle avant la tenue du sommet économique arabe, prévu à Beyrouth le 20 janvier. C’est dans ce cadre qu’il conviendrait de placer les propos tenus hier par Mahmoud Komati, vice-président du conseil politique du Hezbollah, à Bkerké.
À la tête d’une délégation du parti chiite, M. Komati s’est rendu à Bkerké pour présenter ses vœux au patriarche Béchara Raï. Étaient présents l’évêque Samir Mazloum et Harès Chéhab, coprésident du comité national pour le dialogue islamo-chrétien.
S’exprimant à l’issue de la rencontre, M. Komati a assuré que le cadeau des fêtes (un gouvernement) tient toujours, en dépit du léger retard. « Tous les protagonistes concernés sont sérieux quant à la formation du cabinet. Et il n’y a aucune entrave extérieure. Ainsi, nous nous attendons à une proche mise sur pied de l’équipe ministérielle, parce que les intentions sont bonnes, et vont dans le sens des intérêts du pays, au vu des dangers israéliens et de la douleur du peuple qui ne peut plus attendre », a ajouté le responsable du parti chiite, avant de poursuivre : « Le gouvernement verra le jour prochainement. » « Actuellement, des efforts sont déployés pour remédier à la faille qui a entravé la genèse du cabinet dans une phase précédente », a-t-il dit, sans donner plus de détails sur la nature des contacts en cours.
Soulignant que son parti « n’a jamais pris le gouvernement en otage pour qu’il le libère aujourd’hui », Mahmoud Komati a rappelé que « plusieurs us et coutumes ont eu cours dans le cadre de tractations gouvernementales antérieures et à l’initiative de plusieurs protagonistes ». À travers ces propos M. Komati répondait indirectement au président de la République Michel Aoun, qui avait accusé implicitement le Hezbollah depuis Bkerké d’entraver le processus ministériel par de nouvelles démarches. M. Aoun avait ainsi suscité de sérieuses craintes quant à la pérennité de son alliance avec la formation de Hassan Nasrallah et de l’entente de Mar Mikhaël (6 février 2006), liant le Courant patriotique libre au Hezbollah. D’ailleurs, M. Komati s’est montré soucieux d’assurer que les rapports entre son parti et le tandem CPL-Baabda est « plus solide que jamais », affirmant que « l’entente de Mar Mikhaël tient toujours », et que « son parti n’a aucun problème à ce que le chef de l’État obtienne onze, douze ou treize ministres ». Une façon pour le parti chiite de répondre à ceux qui l’ont récemment accusé de vouloir empêcher le chef du CPL de détenir le tiers de blocage dans la future équipe ministérielle.
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Hariri-Bassil
Toujours dans le cadre des efforts pour la formation du cabinet, le Premier ministre désigné Saad Hariri a reçu hier à la Maison du centre le chef du CPL Gebran Bassil. À l’issue de l’entretien – poursuivi autour d’un déjeuner –, M. Bassil a déclaré avoir proposé au chef du gouvernement « plusieurs idées » concernant la formation du cabinet, réitérant son insistance à examiner « toutes les éventualités » à même de débloquer la crise actuelle. « Chaque jour, nous avons des idées nouvelles conformes aux normes de la formation des gouvernements, respectant le critère d’une juste représentation », a-t-il souligné, précisant s’être entendu avec Saad Hariri pour poursuivre les contacts nécessaires avec toute personne concernée.
D’ailleurs, des sources politiques informées ont confié à L’Orient-Le Jour que le chef du CPL devrait tenir des réunions qualifiées d’« importantes » aujourd’hui loin des feux de la rampe, avec plusieurs parties politiques, afin de faire progresser les choses dans le sens d’un déblocage.
Outre le fait de relancer les tractations ministérielles, l’entretien Hariri-Bassil est important dans la mesure où il intervient au lendemain d’une réunion entre M. Hariri et le chef de l’État Michel Aoun à Baabda. Contactés par L’OLJ, des milieux proches de la présidence ont souligné que cette rencontre a brisé la léthargie gouvernementale. Les deux pôles de l’exécutif se sont entendus pour accélérer le processus gouvernemental, a-t-on assuré, laissant entendre que l’optimisme affiché par plusieurs protagonistes attend toujours des actes concrets. C’est d’ailleurs ce même optimisme qu’a tenté d’exprimer Saad Hariri depuis Baabda. « Je suis sûr que toutes les parties veulent voir le gouvernement mis sur pied le plus rapidement possible. Il devrait d’ailleurs voir le jour et nous avons tardé à accomplir cette tâche », a-t-il déclaré mardi, appelant tout le monde à « faire preuve de modestie ». Il a en outre fait savoir qu’il poursuivra ses réunions avec Michel Aoun afin de régler la crise ministérielle une fois pour toutes. « D’autant que plusieurs projets devraient être exécutés, et que la situation économique est difficile, mais pas impossible à régler », a-t-il noté, espérant une naissance du cabinet avant le sommet économique de Beyrouth.
En attendant l’issue de cette nouvelle phase de contacts, plusieurs projets de solution continuent de circuler dans certains milieux politiques. C’est dans ce cadre qu’il conviendrait de placer les spéculations médiatiques articulées autour d’une éventuelle distinction entre la quote-part du CPL et celle du chef de l’État. Celle-ci devrait inclure le représentant des six députés sunnites hostiles au courant du Futur, regroupés sous la houlette de la Rencontre consultative sunnite. Il va sans dire que les initiateurs de ce projet de solution visent à faire barrage à toute tentative du tandem Baabda-CPL de s’assurer le tiers de blocage (11 ministres). Sauf que cette sortie de crise ne semble pas viable, dans la mesure où elle ne paraît pas satisfaire la Maison du Centre, peu convaincue d’une réelle distinction entre le chef de l’État et le parti qu’il a fondé. Un proche de M. Hariri assure toutefois à L’OLJ que le cabinet naîtra prochainement, à la faveur de l’intégration du représentant des sunnites du 8 Mars au lot du chef de l’État.
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Les sunnites du 8 Mars insistent
En face, la Rencontre consultative persiste et signe : elle tient à nommer une personnalité qui la représenterait exclusivement au sein de la future équipe. C’est ce point de vue que présente à L’OLJ Abdel Rahim Mrad, député de la Békaa-Ouest. « Nous insistons pour que notre ministrable soit l’un des trois candidats dont nous avons déjà présenté les noms », affirme-t-il. Il s’agit de Taha Naji, candidat malheureux à Tripoli appuyé par les Ahbache, Osman Majzoub, directeur du cabinet de Fayçal Karamé, et Hassan Mrad, fils de Abdel Rahim Mrad. « Le futur ministre sera le 7e membre de la Rencontre consultative », souligne le député de la Békaa-Ouest, qui indique que personne n’est entré en contact avec le groupement auquel il appartient depuis l’échec de l’initiative du général Abbas Ibrahim, peu avant Noël. « Il n’est pas question que le futur ministre relève de la quote-part du président de la République », conclut Abdel Rahim Mrad. Une prise de position à même de doucher l’optimisme qui a prévalu durant 48 heures. D’ailleurs, le chef du législatif Nabih Berry a exhorté le Premier ministre – avec qui il est entré en contact mardi soir – à tenir une séance du Conseil des ministres pour approuver le budget 2019 (à la faveur d’un précédent enregistré en 1969 sous le gouvernement Rachid Karamé, qui en période d’expédition des affaires courantes s’était réuni pour avaliser le budget). Une façon pour M. Berry d’affirmer que l’éclaircie n’est pas pour demain…
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22 h 45, le 03 janvier 2019