En l’absence de l’ambassadeur Bruno Foucher, qui se prépare à la réunion annuelle des ambassadeurs de France dans la région, c’est le chargé d’affaires Arnaud Pescheux qui a pris la parole, mercredi à Aïn Saadé, au cours du repas qui a suivi la messe traditionnelle de l’Assomption célébrée par l’archevêque maronite de Beyrouth, Mgr Paul Matar, aux intentions de la France.
C’est ainsi qu’au nom de son gouvernement, le diplomate français, qui doit quitter bientôt le Liban, a souhaité qu’un gouvernement « incarnant l’unité nationale et en mesure d’agir efficacement » soit formé « rapidement ». Il a par ailleurs annoncé que le président français signera à Beyrouth, où il est attendu en visite officielle en février 2019, « une feuille de route pour la francophonie » dont il espère que « le Liban sera le pays-pilote ». « La France a pris des engagements pour renforcer l’armée et les Forces de sécurité intérieure, et aider le Liban à consolider sa sécurité, sa stabilité, son indépendance et sa souveraineté, a notamment affirmé M. Pescheux. La France a pris des engagements pour relancer l’économie du Liban et l’aider à conduire les réformes dont l’absence a trop longtemps pesé sur son développement et sur la confiance des investisseurs. La France a pris des engagements pour aider le Liban à faire face aux conséquences de la crise syrienne, en attendant que soient réunies les conditions d’un plan global de retour des réfugiés – un retour sans lequel c’est l’identité même du Liban qui serait menacée. »
« Pour toutes ces raisons, nous considérons qu’un accord interlibanais rapide sur une formule gouvernementale est dans l’intérêt même du Liban mais, en aucun cas, nous n’exerçons de pressions, comme je peux l’entendre ici ou là. »
(Lire aussi : Gouvernement : il faudra encore un peu de temps, affirme Hariri)
Importance supérieure
« Il est un dernier sujet, dont je voudrais, avant de conclure, dire quelques mots car il revêt une importance supérieure dans les relations entre la France, le Liban et la communauté maronite, a poursuivi le chargé d’affaires français. Ce sujet, c’est celui de la formation de la jeunesse. C’est le sujet le plus important car la relation d’exception qu’entretiennent la France et le Liban depuis le XVIe siècle, cette relation – même si elle a eu des ramifications économiques, diplomatiques, administratives ou militaires – a d’abord été culturelle. Ce sont les écoles qui ont tissé les liens de notre amitié durable. C’est la langue française qui les a maintenus depuis un demi-millénaire.
« Je veux, à la lumière de cette histoire et dans le contexte difficile que traverse l’enseignement privé au Liban, rendre un hommage appuyé à l’action de l’Église maronite en faveur de l’éducation et de l’enseignement supérieur (…) Nous partageons avec vous la conviction que c’est à travers la formation d’individus éclairés que nous construirons la France de demain et le Liban de demain, ce Liban, pour citer la poétesse Nadia Tuéni, qui doit rester « en Orient le dernier sanctuaire où l’homme peut s’habiller de lumière ». C’est pourquoi le président de la République (Emmanuel Macron) a annoncé qu’il placerait ces enjeux au cœur de sa visite prochaine, notamment à travers la signature d’une feuille de route pour la francophonie. Nous espérons que le Liban sera le pays pilote de notre ambition partagée pour la francophonie. »
(Lire aussi : Le tandem chiite se fissure-t-il déjà ?)
Une véritable participation
Pour sa part, Mgr Paul Matar a choisi de souligner, devant son hôte, la nécessité d’une « entente globale sur la vraie participation » au Liban. « Après tant d’années de guerre, près de 15 ans en fait, et suite aux accords de Taëf, (…) nous ne sommes pas encore parvenus à la stabilité politique, seule capable d’assurer une atmosphère saine pour le redressement du pays dans tous les domaines », a affirmé le prélat.
Pour corriger cet état de fait, Mgr Matar a formulé trois « suggestions »: « Avant les accords de Taëf, une partie de la population se plaignait d’être en manque de participation effective et égalitaire aux affaires du pays. Mais après Taëf, aussi, et suite à de nouveaux faits accomplis, une autre partie de la population s’est mise à se plaindre à son tour du manque de participation aux mêmes affaires du pays. Vous imaginez alors que la solution à cette oscillation ne consiste pas à continuer ce tour de rôle à l’infini, mais à établir solidement une situation d’égalité pour tous, et d’une manière stable. Il faudra au Liban une entente globale sur la vraie participation, de façon à sentir en conséquence que notre peuple, comme tous les peuples évolués, n’est pas gouverné par des hommes, mais par les lois. »
« Le deuxième principe qui est aussi important que le premier est celui de l’unité du pays, unité que nous devons tous considérer comme la vraie garante de notre diversité. Le Liban, comme tout autre pays, ne peut exister ni durer si ses composantes n’ont pas entre elles un dénominateur commun, un esprit qui les rassemble et les soude. Cette unité du pays, garantie de notre existence en tant que peuple, nous en sommes tous responsables, et chacun de nous doit lui apporter son soutien, sa force et son attachement indéfectible. »
« Le troisième principe, je voudrais le tirer du contrat social du grand penseur Jean-Jacques Rousseau. Ce philosophe de la politique distinguait dans sa réflexion trois sortes d’intérêts. L’intérêt individuel, l’intérêt de corps ou de groupe, et l’intérêt général. Il dit alors que les intérêts individuels et de groupe doivent être soumis à l’intérêt général qui est la seule expression totale de notre intérêt suprême. »
Lire aussi
Foulé aux pieds, le principe de distanciation resurgit avec force
Entre menaces de « date butoir » et « lenteur prudente », le gouvernement piétine, le décryptage de Scarlett Haddad
Gouvernement : Nasrallah menace de hausser les enchères
Ne l’appelez plus « nœud chrétien », c’est le « nœud Bassil », soulignent les FL
Gouvernement : le bras de fer se poursuit autour des portefeuilles
Les nœuds chrétien et druze n’en finissent pas de se compliquer
Mais que voulez vous quand il y a le Hezbollah et l'Iran derrière ce n'est pas facile de faire un gouvernement
18 h 06, le 17 août 2018