Le Premier ministre désigné, Saad Hariri, a annoncé mardi avoir besoin de "plus de temps pour parvenir à une version finale du futur gouvernement", dont la formation est attendue depuis près de trois mois, affirmant que l'échec jusqu'à présent de la formation du cabinet est "purement libanais".
"Notre pays connaît des problèmes économiques et liés aux développements dans la région", a affirmé M. Hariri lors d'une discussion avec des journalistes. "Nous devons former un gouvernement d'union nationale, rassembleur et chacun doit y participer selon l'accord politique convenu, sans penser qu'il entre au gouvernement pour pouvoir empêcher aux autres de travailler. Toutes les parties doivent coopérer, sinon cela créera de nouveaux problèmes au sein du Conseil des ministres", a-t-il ajouté.
Depuis sa désignation, le 24 mai, Saad Hariri a présenté plusieurs formules qui ont toutes été rejetées par les différentes forces politiques. En attendant les contacts que M. Hariri devrait entamer prochainement avec les Forces libanaises, le Parti socialiste progressiste et les Marada de Sleiman Frangié, le processus de formation du gouvernement continue à buter sur plusieurs obstacles. Il s’agit surtout du différend opposant le Courant patriotique libre aux FL autour de leurs quotes-parts gouvernementales respectives. À cela s’ajoute la querelle entre le chef du PSP Walid Joumblatt et son principal rival sur la scène druze, Talal Arslane, le CPL insistant à intégrer ce dernier à la future équipe ministérielle, contrairement à la volonté du leader de Moukhtara qui veut nommer tous les ministres appartenant à sa communauté au sein du cabinet Hariri. Certains observateurs et responsables politiques attribuent les causes du blocage gouvernemental à la situation régionale.
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Petites concessions
"C'est vrai qu'il n'y a pas d'avancée jusqu'à maintenant mais les contacts avec tous les partis sont positifs", a affirmé le Premier ministre désigné, indiquant qu'il irait "voir le président de la République, Michel Aoun, quand il aura quelque chose de nouveau à lui présenter".
"Nous travaillons à trouver une sortie à la crise qui contente tout le monde et former un gouvernement dans lequel chaque partie aura l'impression d'avoir obtenu ce qu'elle mérite", a-t-il assuré. Il a souligné que même si chaque partie tient fermement à ses revendications, "tous reviennent un peu sur leurs positions et font de petites concessions", déclarant avoir besoin "de plus de temps pour parvenir à une version finale" du futur cabinet.
Concernant les revendications des parties chrétiennes, M. Hariri a estimé que "les FL tiennent à leur revendication concernant la vice-présidence du Conseil et un porte-feuille régalien et rien n'empêche cela". "Les FL ont par contre refusé la proposition de quatre portefeuilles, sans ministère d’État à la place d'un portefeuille régalien", a-t-il souligné. Et de poursuivre : "Je pense que le Courant patriotique libre et le chef de l’État ont accepté d'obtenir dix sièges".
En ce qui concerne le nœud interdruze, Saad Hariri a souligné que le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, "est un élément essentiel du pays et a gagné les élections dans toutes les régions druzes". Il a dans ce cadre appelé les deux formations druzes, le PSP de M. Joumblatt et le Parti démocratique libanais de l'émir Talal Arslane, à mettre un terme à leur "escalade médiatique".
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"Aucun débat" concernant la normalisation
Le Premier ministre désigné a ajouté que "la situation régionale n'a aucun impact sur la naissance du gouvernement . La situation dans laquelle nous nous trouvons est un échec purement libanais". Il a souligné que "les relations avec l'Arabie saoudite sont excellentes et le royaume saoudien tient à la formation rapide d'un nouveau cabinet".
M. Hariri a par ailleurs affirmé qu'il n'avait pas accepté le rétablissement des relations libano-syriennes. "Il n'y aura aucun débat sur la question dans la déclaration ministérielle du prochain gouvernement", a-t-il martelé. "Si certains souhaitent le retour des relations normales via l'ouverture du poste-frontière de Nassib (entre la Syrie et la Jordanie), alors c'est sûr qu'on ne formera pas le gouvernement de sitôt", a-t-il ajouté. Avant le blocage par les rebelles syriens du poste-frontière de Nassib, des centaines de camions empruntaient chaque jour ce point de passage pour transporter des marchandises en direction des pays du Golfe.
Réagissant à ces déclarations, l'ancien ministre druze Wi'am Wahhab a interpellé Saad Hariri sur Twitter. "Monsieur le Premier ministre, vous pouvez contrôler les relations entre les Hariri et n'importe quelle autre partie, mais les relations entre le Liban et la Syrie ne sont pas votre propriété".
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Monsieur Saad Hariri, vous êtes le premier ministre désigné, chargé de former le nouveau gouvernement, vous seul ! Combien de temps allez-vous encore permettre à des pro-syriens ou pro-iraniens ou anti-libanais de vous mettre des bâtons dans les roues ? Votre patience, depuis plus de 3 mois maintenant, à quoi a-t-elle servi ? Irène Saïd
15 h 52, le 15 août 2018