En attendant les contacts que le Premier ministre désigné Saad Hariri devrait entamer prochainement avec les Forces libanaises, le Parti socialiste progressiste et les Marada de Sleiman Frangié, le processus de formation du gouvernement continue à buter sur plusieurs obstacles. Il s’agit surtout du différend opposant le Courant patriotique libre aux FL autour de leurs quotes-parts gouvernementales respectives. À cela s’ajoute la querelle entre le chef du PSP Walid Joumblatt et son principal rival sur la scène druze, Talal Arslane, le CPL insistant à intégrer ce dernier à la future équipe ministérielle, contrairement à la volonté du leader de Moukhtara qui veut nommer tous les ministres appartenant à sa communauté au sein du cabinet Hariri.
Pour ce qui est du nœud chrétien, il devient de plus en plus compliqué. Même si Meerab affirme s’être conformé à la « coutume » accordant au président de la République la vice-présidence du Conseil. Mais il n’en reste pas moins que le parti de Samir Geagea tient toujours à une représentation gouvernementale conforme à son nouveau poids parlementaire issu des élections législatives du 6 mai dernier. Interrogé par L’Orient-Le Jour, un cadre FL indique que son parti tient à quatre portefeuilles, dont un régalien, deux ministères de services dits importants et un ministère d’État.
Le proche de Samir Geagea exprimait ainsi le refus de sa formation à une mouture que le Premier ministre désigné et le chef du CPL auraient évoquée lors de leur toute dernière rencontre tenue jeudi à la Maison du centre. Selon certains médias locaux, le chef du CPL aurait accepté que quatre ministères soient attribués au parti de M. Geagea, sans pour autant obtenir un portefeuille régalien. « Nous lui renvoyons cette proposition avec tous nos remerciements », lance le cadre FL, avant de déclarer sans détour : « Le nœud n’est pas chrétien. Il existe chez Gebran Bassil. Et c’est lui le responsable du blocage des tractations. » Selon lui, « la rencontre Hariri-Geagea pourrait avoir lieu à n’importe quel moment ».
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Wehbé Katicha, député FL du Akkar, a été encore plus clair : « Le nœud n’est ni chez les FL ni chez le PSP, ni même le courant du Futur. Il existe chez celui qui tente d’instaurer un régime de parti unique au Liban, comme c’est le cas en Syrie », a tonné M. Katicha, dans une interview accordée à Radio-Orient, dans ce qui a sonné comme une critique implicite de Gebran Bassil.
En face, les aounistes continuent à assurer que le chef du CPL ne négocie qu’au nom de son parti. D’autant que le partage des ministères relève de la compétence du Premier ministre exclusivement. De source proche du CPL, on assure à L’OLJ que la question de la représentation gouvernementale des FL n’a pas été évoquée lors du dernier entretien Hariri-Bassil.
Dans les mêmes milieux, on souligne que les tentatives de faire porter à Gebran Bassil la responsabilité du surplace actuel sont infondées. Le CPL fait partie intégrante du mandat Aoun et tient à son succès avec la collaboration de toutes les formations politiques, y compris les FL et le PSP, dit-on de même source, insistant sur la nécessité pour le Premier ministre de respecter un critère unifié, en l’occurrence les résultats du scrutin du mai, lors de la formation du gouvernement. Une façon pour le CPL de justifier son insistance à intégrer Talal Arslane au futur cabinet Hariri. Même si cela est à même de retarder la mise sur pied du gouvernement tant attendu.
À son tour, le Hezbollah exhorte Saad Hariri à adopter un critère unifié pour la formation de son équipe. S’exprimant lors d’une cérémonie à la Békaa-Ouest, Mohammad Raad, chef du groupe parlementaire du parti chiite, a estimé que « le processus de mise sur pied du cabinet a pris du temps parce que le Premier ministre n’a pas respecté un critère unifié et a adopté une formule discrétionnaire pour la représentation de tous les blocs ». Et d’ajouter : « Nous avons facilité sa tâche au maximum. Mais face à notre modestie, certains ont amplifié leur poids et leurs demandes gouvernementales, d’où le surplace. »
(Lire aussi : Les nœuds chrétien et druze n’en finissent pas de se compliquer)
Hamadé: « Le seul nœud, c’est la Syrie »
Le PSP, quant à lui, campe toujours sur ses positions : il tient à ce qu’il appelle son « droit » de nommer les ministres druzes. À ce sujet, le ministre sortant de l’Éducation au sein du cabinet d’expédition des affaires courantes Marwan Hamadé (joumblattiste) a déclaré hier à la Voix du Liban 93,3 que « le PSP n’acceptera pas qu’un ministre druze soit remplacé par une personne appartenant à une autre communauté ». M. Hamadé aurait ainsi laissé entendre que son parti s’oppose à la solution qui a circulé récemment dans les médias selon laquelle une personnalité sunnite ou chrétienne pourrait faire partie du bloc ministériel du PSP. « Le seul nœud est la Syrie qui exerce des pressions sur certains protagonistes afin d’intégrer Talal Arslane au cabinet (contrairement à la volonté de Walid Joumblatt) », a encore dit M. Hamadé, qui a ajouté : « Le cabinet pourra être formé prochainement si l’on accorde au PSP le monopole de la représentation druze et si l’on attribue un portefeuille régalien aux FL. »
Bilal Abdallah, député joumblattiste du Chouf, a quant à lui indiqué à l’agence locale al-Markaziya que la rencontre entre Saad Hariri et Walid Joumblatt pourrait se tenir « à tout moment ». Il a toutefois précisé qu’aucun rendez-vous prochain n’est fixé à cette fin. « Rien n’empêche la tenue d’un tel entretien. Il aura lieu si besoin », a précisé M. Abdallah, faisant valoir que la question de l’éventuelle nomination d’un ministre druze par M. Hariri en collaboration avec le président de la République et le chef du législatif « n’a pas été évoquée jusqu’à présent par le parti ».
Boukhari répond au Hezbollah
Outre les obstacles strictement liés aux tractations de politique politicienne, certains nœuds extérieurs entravent encore la mise sur pied du cabinet. C’est ce point de vue que plusieurs cadres et responsables du Hezbollah ont exprimé récemment en pointant un doigt accusateur en direction de l’Arabie saoudite.
Répondant à ces accusations, Walid Boukhari, ambassadeur d’Arabie, a assuré que Riyad « tient à la sécurité du Liban et à sa stabilité, et appelle à la formation d’un gouvernement dans les plus brefs délais ». « L’Arabie était le seul pays qui a veillé, tant dans ses paroles que par ses actes, au respect de la souveraineté du Liban. Preuve en est, la présence et la participation de l’Arabie aux conférences de soutien au Liban », a souligné M. Boukhari lors d’une cérémonie tenue hier au siège de l’ambassade à Beyrouth.
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La politique régionale du Liban se fait dans les coulisses des palais et elle est tenue entre des mains puissantes de quelques personnalités. Le rôle du Conseil des ministres est d'assurer la bonne marche des affaires de l'Etat. Selon cette logique le blocage n'est pas ordonné par des capitales étrangères. Par ailleurs, il est écrit nulle part dans la constitution ni dans la coutume que chaque 4 députés ont le droit à un ministre.
19 h 55, le 14 août 2018