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Liban - Focus

Le climat des libertés s’étiole-t-il au Liban?

Le journaliste Marcel Ghanem sera interrogé le 18 décembre par le premier juge d'instruction du Mont-Liban, Nicolas Mansour.

Les milieux des droits de l’homme dénoncent une dérive progressive vers une sorte d’exploitation du pouvoir judiciaire comme appareil de répression. Photo Bigstock

En l'espace d'un mois, au pays du Cèdre – qui se veut une oasis de libertés publiques dans la région – un journaliste a été arrêté, un autre a été convoqué pour une audience devant la justice, un artiste a été arrêté dans le cadre d'une affaire de collaboration avec Israël aux contours encore obscurs et une enquête a été ouverte suite aux propos tenus par un député, qui est de surcroît le leader de l'opposition... Sans compter les cas innombrables d'utilisateurs de réseaux sociaux poursuivis pour des propos jugés déplaisants par certains responsables.

Le journaliste Ahmad el-Ayoubi, coordinateur de l'Alliance civile islamique et membre du mouvement de l'Initiative nationale, a passé dix jours derrière les barreaux pour un article écrit sur le site al-Janoubia. Marcel Ghanem, figure médiatique de premier plan, a été de son côté convoqué à une audience au parquet de Baabda pour avoir reçu, en direct sur son plateau, deux journalistes saoudiens qui se sont livrés à une critique virulente des plus hautes autorités libanaises.

L'arrestation du comédien Ziad Itani pour collaboration avec Israël reste entourée de mystère, malgré les communiqués publiés ici et là à son sujet. Avant lui, le réalisateur Ziad Doueiri a fait l'objet d'une campagne particulièrement virulente de la part de certains médias sur fond d'accusations de « normalisation avec Israël », si bien qu'il a été convoqué devant le tribunal militaire qui l'a finalement acquitté, en septembre dernier.

 

(Lire aussi : Quand le pouvoir décide de mettre les médias au pas)

 

Et, plus récemment, les accusations portées par le chef du parti Kataëb au sujet de la « corruption » et de la « dilapidation des fonds publics », font désormais l'objet d'une enquête suite à la demande du ministre de la Justice, Salim Jreissati, adressée au procureur général près la Cour de cassation, Samir Hammoud.
Cette succession d'arrestations et d'émissions de mandats d'arrêt contre un nombre de journalistes, d'artistes et de personnalités serait-elle le fruit d'un pur hasard ?

« Loin de là », tranche Marcel Ghanem. « Il s'agit d'une politique de musellement pratiquée par le pouvoir sous le couvert de la lutte contre le terrorisme ou Israël ou encore d'autres prétextes », ajoute-t-il. « Le parti qui brandissait les slogans de la réforme, du changement et des libertés s'est retourné contre ces mêmes principes au lendemain de son avènement au pouvoir », martèle M. Ghanem, en allusion au Courant patriotique libre. « 25 ans durant, ce parti se rangeait lui-même dans le camp de l'opposition, faisait les déclarations les plus virulentes, publiait un ouvrage intitulé L'impossible quitus pour stigmatiser la corruption des adversaires qui sont maintenant ses alliés, et personne ne le poursuivait en justice », souligne le journaliste.

Commentant l'affaire Samy Gemayel, M. Ghanem s'indigne contre l'ouverture d'une enquête concernant les propos d'un député. « À quoi sert donc un Parlement si à chaque fois qu'un député se prononce ou critique le pouvoir, il finit par être poursuivi en justice ? Comment le pouvoir législatif est-il supposé assurer autrement son rôle de contrôle des activités de l'exécutif ? » s'interroge le journaliste.

M. Ghanem, qui sera interrogé le 18 décembre par le premier juge d'instruction du Mont-Liban, Nicolas Mansour, et dont la défense sera assurée par le député Boutros Harb, souligne la vitesse dont la justice a fait preuve dans l'affaire qui le concerne. « D'habitude, les audiences ne sont fixées que trois ou quatre mois plus tard, d'autant que nous sommes actuellement en pleine saison de fêtes... », lance-t-il non sans ironie.

 

(Lire aussi : Poursuites engagées contre Samy Gemayel pour ses propos sur la corruption)

 

Le recours à la justice, signe de démocratie ou de dictature ?
Mais le recours à la justice, notamment face à des journalistes, n'est pas forcément un signe de répression ou de régression en matière de libertés publiques, estiment certains.

« Sous l'empire de la Constitution, nous vivons dans un pays libre et démocratique. Un troisième principe, corollaire aux deux premiers, est celui de la séparation des pouvoirs – législatif, exécutif et judiciaire. Et tant que le pouvoir judiciaire fonctionne, nous ne sommes pas face à un État dictatorial », estime André Chidiac, bâtonnier de Beyrouth. « Attendons que la justice se prononce pour voir s'il y a vraiment atteinte aux droits et aux libertés. Et si atteinte il y a, le barreau de Beyrouth saura faire le nécessaire et hausser le ton comme il l'a toujours fait », souligne M. Chidiac.

Moins confiants, les milieux des droits de l'homme dénoncent pour leur part une dérive progressive vers une sorte d'exploitation du pouvoir judiciaire comme appareil de répression. « La situation n'est pas du tout rassurante, dans la mesure où nous glissons vers une forme de contrôle judiciarisé des libertés, où la justice est utilisée comme paravent à l'atteinte contre les libertés », confie Ayman Mehanna, directeur de l'association SKeyes. « De plus, il n'y a aucune justification pour que l'étape de la comparution devant le tribunal des imprimés soit écartée du processus juridique », explique-t-il avant de poursuivre : « Dans le cas d'Ahmad el-Ayoubi, il s'agit d'un cas de diffamation personnelle, donc il n'y avait absolument aucune raison de détenir le journaliste. »

Quant au cas de Ziad Itani, M. Mehanna estime que « les fuites relayées par certains médias rappellent les pires années du mandat du procureur général près la Cour de cassation, Adnane Addoum ». Tout le monde se souvient du feuilleton policier d'Oded Zaraï, qui avait servi à l'été 2001 pour initier une véritable chasse aux sorcières contre des opposants à l'occupation syrienne comme Toufic Hindi et des journalistes comme Habib Younès et Antoine Bassil.

Ayman Mehanna met également en garde contre la nouvelle forme d'entente politique presque globale qui semble naître entre les différentes composantes de la classe politique, qui pourrait aussi amener avec elle un vent de répression. « Une telle entente est en mesure de conférer la plus grande couverture politique aux actes liberticides et aux abus contre les journalistes et contre les libertés publiques en général », conclut M. Mehanna.

 

 

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commentaires (6)

CELUI QUI VEUT REDUIRE LES LIBANAIS AU SILENCE EH ALLAH MA KHALAOU ESSA !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 25, le 18 décembre 2017

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Commentaires (6)

  • CELUI QUI VEUT REDUIRE LES LIBANAIS AU SILENCE EH ALLAH MA KHALAOU ESSA !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 25, le 18 décembre 2017

  • mais non voyons, y a pas paril en la demeure ! preuve en est que hezbollah, ses confreres irakiens, ceux iraniens bien sur, meme les israeliens , et of course les politiques libanais n'en font qu'a leur tete !

    Gaby SIOUFI

    09 h 47, le 18 décembre 2017

  • EST-CE L,ADIEU A LA LIBERTE D,EXPRESSION TANT CHERE AU LIBAN ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 05, le 05 décembre 2017

  • Est ce qu'il y a aussi des membres de Hezbollah ? Où ils sont intouchables?

    Eleni Caridopoulou

    18 h 50, le 05 décembre 2017

  • Pas plus qu'ailleurs , d'ailleurs. Y a pas à en faire des gorges chaudes non plus .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 15, le 05 décembre 2017

  • les milieux des droits de l'homme dénoncent pour leur part une dérive progressive vers une sorte d'exploitation du pouvoir judiciaire comme appareil de répression. "" SERONT ILS EUX AUSSI POURSUIVIS car n'ayant pas le droit au doute? C que atteintes personnelles, d'insultes,d'incitations a .......(la liste est longue) c . que ces notions sont trop personnelles, trop sujettes a interpretations. pour le moment faut faire halte , re-penser les lois ds leur entierete , decider SI l'on veut garder une pensee medievale des libertes ou ;a moderniser. CECI DIT, certains medias ont fait, continuent a faire BIEN PIRE comme insultes et autres insultes personnelles.... ENCORE que on pourrait rejeter cette accusation justement pr cause d'interpretation ....... interpretation de qui ? du ministre jreissati ? des juges d'instructions? du commun des mortels ?

    Gaby SIOUFI

    10 h 35, le 05 décembre 2017

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