III – La transformation du plastique, une activité lucrative
L'usine Lebanese Recycling Works (LRW) de Roumieh, au nord de Beyrouth, collecte, trie et transforme les déchets plastiques en produits exploitables, avant
de les revendre au Liban et à l'étranger.
Une vitrine de bocaux colorés meuble le grand bureau d'Élie Debs, PDG de l'usine Lebanese Recycling Works (LRW). Ni bonbons ni épices dans ces bocaux, juste une kyrielle de matières plastiques multiformes composant ce patchwork peu commun. PED, PVC, plastiques granulés... D'où proviennent ces copeaux soigneusement compartimentés ? LRW est une usine de recyclage qui collecte, trie et transforme les déchets plastiques avant de les revendre.
À quelques pas du bureau, des camions déposent des tonnes de déchets plastiques dans un halo de poussière soulevée par des allées et venues incessantes. Une partie de ces matières premières est acheminée jusqu'ici par des sociétés telles qu'une célèbre marque d'eau libanaise, venue vendre un chargement de bouteilles vides. D'autres véhicules viennent déstocker le plastique collecté à travers tout le Liban. Au total, une dizaine de camions sillonnent les routes libanaises, envoyés par l'usine de recyclage.
Mais LRW travaille surtout avec d'autres entreprises afin de récolter un maximum de déchets à traiter. « Nous collaborons avec des fournisseurs plus ou moins importants qui vont des petites sociétés composées de quelques ramasseurs à d'autres qui emploient jusqu'à 30 personnes », explique le propriétaire de l'usine.
Une fois récolté, le plastique est trié dans l'usine située dans la zone industrielle de Roumieh, sur le flanc de la montagne. Il est ensuite broyé ou concassé à l'aide de machines importées principalement d'Italie et d'Allemagne. Enfin, les copeaux sont nettoyés grâce à des lignes de lavage qui surplombent des compartiments où sont rangés les sacs. Le résultat peut également être fondu et recomposé sous forme de granules régulières, suivant les propriétés du plastique et la demande des clients.
Une organisation à la chaîne, mise en marche par une trentaine d'employés, conduit à une production efficace : certains acheminent les arrivages, d'autres dépècent les bouteilles pour séparer les différents composants, d'autres encore remplissent les sacs et les rangent dans les boîtes appropriées. Cette production à l'agencement millimétré a permis à Élie Debs de faire fructifier son entreprise : fondée en 1988, elle emploie aujourd'hui près de 130 personnes réparties sur trois sites, à Tripoli, dans la Békaa et à Roumieh.
Pour ce qui est de la revente, une part de la production est écoulée au Liban, mais la plus grande partie est exportée en Chine ou en Europe par bateau. Le plastique peut être réutilisé pour fabriquer des tuyaux d'irrigation, des caisses, ou encore des réservoirs en tout genre.
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Une concurrence déloyale
L'homme d'affaires explique qu'à l'origine, son père, ses frères et lui voulaient simplement créer un nouveau commerce. Si le recyclage est un pas vers la préservation de l'environnement, il est également un secteur très lucratif qui profite à de nombreuses entreprises, et de facto à de nombreuses familles libanaises. « Nous travaillons avec plus d'une centaine de fournisseurs, souligne-t-il. Avec une quinzaine d'employés par société en moyenne, je vous laisse faire le calcul. »
Pourtant, aujourd'hui, l'entreprise d'Élie Debs souffre de ce qu'il appelle « une concurrence déloyale ». En effet l'inaction des politiques envers les travailleurs illégaux pénalise ceux qui tentent de respecter les normes de travail. « Je n'attends rien des partis politiques parce qu'ils ne font rien pour améliorer la situation dans le pays », fustige le directeur. De plus, la sophistication de l'appareil de production nécessite un renouvellement permanent des machines. « Tous les quatre à cinq ans, je dois les changer », explique Élie Debs. Ce qui complique encore les choses, c'est qu'avec la chute des cours du pétrole, le plastique se vend moins cher et le directeur de l'usine doit revoir les prix de vente à la baisse.
Interrogé sur la propension des Libanais à trier leurs déchets, M. Debs souligne que moins de 40 % des Libanais participent au tri sélectif et, mis à part une poignée, « la plupart le font mal ». Pour endiguer ce désintérêt collectif, le directeur de LRW estime que la démarche doit être lucrative pour fonctionner. Ainsi il a mis en place un hangar au sein de son usine, où cartons, métaux et verres sont triés pour être revendus.
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