Carton plein pour Solicar
Sur les hauteurs de Baabda, une usine vieille de quarante ans recycle le carton venu des quatre coins du Liban. Il est encore tôt ce matin, et le soleil fait déjà apparaître sur les toits des hangars des vagues de chaleur. À Baabda, sur plusieurs centaines de mètres, les imposants locaux de Solicar font deviner une importante entreprise.
Historiquement, la Société libanaise de carton a été créée en 1964 : c'est une filiale du groupe Gemayel Frères. Mais en réalité, le recyclage est une affaire qui remonte plus loin encore, car les ancêtres de Solicar recyclaient déjà le carton... en 1929.
Sami Raphaël, la quarantaine, est le directeur des opérations de l'usine. Il connaît par cœur la chaîne de traitement du carton dans son entreprise. « Ici, nous recevons directement le carton usagé des municipalités ou des particuliers. »
Chaque jour, près de deux cent tonnes de matière première sont acheminées en camion depuis tout le Liban. Le carton est alors trié par les employés en fonction de sa qualité. Puis il est traité, lavé et compressé au sein de dix-huit cuves pour être enfin séché et enroulé.
Dans l'entrée principale de l'usine, d'immenses bobines de carton bordent les allées. Un tube de trente centimètres de diamètre peut peser jusqu'à deux cent cinquante kilos et mesurer environ six mètres. Quant aux énormes tubes stockés sous les hangars, leur poids peut aller jusqu'à trois tonnes.
« Dans la poubelle des Libanais, il y a cinquante pour cent de carton, donc de la matière possiblement recyclable. C'est énorme ! » avance Sami Raphaël. Mais encore une fois, c'est le manque de politique viable qui est dénoncé. « Si on met la politique de côté, on peut supposer que les gens veulent changer les choses, poursuit-il. Mais la politique complique les choses, il est très difficile de se faire entendre par nos dirigeants. Ce ne sont plus des politiciens, ce sont des clans qui privilégient leurs intérêts au détriment de l'intérêt général. »
(Lire aussi : « L’incendie du centre de tri des déchets de Baalbeck n’est pas politique », affirme de Freige à « L’OLJ »)
Une exportation de plus en plus onéreuse
Dans l'usine Solicar de Baabda, entre 160 et 180 ouvriers travaillent sur le recyclage du carton. « Notre entreprise a une histoire et des traditions, nous employons 85 % de travailleurs libanais », affirme fièrement Sami Raphaël, avançant avec assurance à travers les cartons qui jonchent le sol. Au Liban, selon lui, beaucoup pensent que les Libanais ne peuvent gérer le recyclage eux-mêmes. « C'est totalement faux, insiste-t-il. Mais certains ont d'autres priorités que le recyclage. »
Une fois le carton transformé dans cette usine, il est envoyé vers l'Afrique, le Moyen-Orient et l'Europe. Mais tout s'est compliqué avec le début de la guerre en Syrie. Auparavant, l'exportation pouvait se faire de manière sûre en camion, par voie terrestre, via la Syrie ou encore l'Irak. Mais depuis que les conflits ont éclaté dans ces deux pays, Solicar a dû changer de stratégie. Aujourd'hui, la majorité de ses exportations, soit les deux tiers de la production, se fait par voie maritime, ce qui représente un problème, selon Sami Raphaël.
Il y a quelques années encore, l'embarquement des marchandises sur le bateau prenait trois jours, le prix des trois jours de parking au port de Beyrouth étant pris en compte. Aujourd'hui, un container peut rester dix jours bloqué au port, alors que seuls les trois premiers jours de parking sont compris dans le tarif de départ. Ce qui engendre des coûts supplémentaires pour l'entreprise. « Les taxes de stockage dans le port de Beyrouth nous coûtent parfois même plus cher que le transport lui-même », déplore-t-il.
Pour le directeur des opérations, le système de tri et de recyclage au Liban n'a pas encore été bien appliqué. « Si vous demandez aux gens de trier, qu'ils ont quatre poubelles différentes chez eux pour les différents types de déchets, puis que le matin ils voient un seul camion mettre tous leurs sacs dans la même benne, vous comprendrez que ça les décourage ! » dit-il d'un air dépité. « C'est aussi le pays qui veut ça, poursuit-il, non sans ironie. Si vous voulez faire échouer un projet intéressant et bénéfique, envoyez-le au Liban, on s'en occupera! »
Mais Sami Raphaël n'est pas résigné pour autant: « En 1929, on recyclait déjà ! Et au fond, certaines sociétés de recyclage sont plus vieilles que les polichinelles qui nous dirigent. »
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commentaires (3)
C'est clair que les moutons-suiveurs-bêleurs n'ont pas la capacité de comprendre l'utilité du recyclage qui se fait dans tous les pays "civilisés" ! Eux...ce qu'il leur faut, c'est le bruit des armes avec des discours menaçants à longueur d'année...et de belles promesses sans lendemains ! Pauvre Liban! Irène Saïd
Irene Said
10 h 16, le 08 octobre 2016