Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a appelé samedi le gouvernement à organiser "un rapatriement étudié, sûr et rapide" des expatriés libanais souhaitant rentrer au Liban, alors que le Premier ministre, Hassane Diab, avait tranché hier la position du gouvernement, affirmant que les personnes souhaitant rentrer au pays ne pourraient le faire qu'après le 12 avril, et à condition qu'ils passent un test de dépistage montrant qu'ils ne souffrent pas du nouveau coronavirus.
S'exprimant lors d'un discours télévisé, le leader chiite a toutefois estimé que l'exécutif a pris de très bonnes mesures de prévention pour lutter contre la pandémie, "un combat qui ne fait que commencer".
"Il ne devrait même pas y avoir de débat" sur la question des rapatriements, a lancé Hassan Nasrallah. "Tous les Libanais ont le droit de rentrer au Liban, quelles que soient les circonstances et les difficultés, a-t-il souligné. Il ne devrait pas non plus y avoir de débat sur le fait que l'Etat doit tout faire pour assurer ces rapatriements, de manière rapide", a-t-il ajouté. Il a invité toutefois les responsables à ne pas "sous-estimer ce dossier", qu'il a qualifié de "difficile et historique".
"Quels que soient les risques et les défis, il faut assurer les rapatriements", a déclaré le leader chiite, appelant toutes les parties à coopérer à cet effet. "Personne ne dit qu'il faut que ces rapatriements aient lieu de manière désorganisée, mais il devrait être facile de prendre des mesures sanitaires et médicales à cet effet", a-t-il souligné. Et d'estimer que le plus important "c'est de prendre une décision". Il a appelé à prendre cette décision "maintenant" afin de pouvoir lancer le plus rapidement possible l'application des mesures envisagées pour un retour "étudié et sûr, rapide mais sans empressement". Il a dans ce cadre appelé le gouvernement de Hassane Diab à étudier cette question demain, dimanche. Le chef du Hezbollah a encore appelé à "ne pas sous-estimer la faiblesse du système sanitaire de certains pays et les risques d'effondrement sécuritaire et social, comme aux Etats-Unis où les gens se ruent pour acheter des armes" face à la crise, "ou dans certains pays d'Afrique".
Au niveau local, il a invité tous les Libanais à coopérer aux efforts pour lutter contre le nouveau coronavirus, "ce dossier étant plus grand que le gouvernement et l'Etat". Il a dans ce cadre exhorté les personnes ayant les moyens, des compétences médicales ou des lieux dans lesquels peuvent être accueillis les gens en quarantaine, à unir leurs efforts à ceux du gouvernement. Il a par ailleurs critiqué "certaines formations se trouvant dans l'opposition politique" réclamant le rapatriement le plus rapide des expatriés "alors qu'ils étaient les premiers à réclamer, il y a un mois, la fermeture de l'aéroport et des frontières". Et d'appeler à la solidarité nationale : "Ce dossier ne doit pas être utilisé pour essayer de gagner des points".
Ces derniers jours, de nombreux responsables appellent à affréter des avions le plus rapidement possible pour assurer le rapatriement des expatriés, quel que soit leur état de santé. Le chef du Parlement, Nabih Berry, a dans ce contexte affirmé que sa formation politique se retirerait du gouvernement (supposé toutefois être composé de technocrates indépendants) si ce dernier ne revenait pas sur sa décision.
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Le début de la bataille
Concernant les mesures prises pour lutter contre la propagation du virus, Hassan Nasrallah a estimé que les gens devaient penser à la situation actuelle "comme si nous étions dans une guerre mondiale", qualifiant de "bonnes et positives" les mesures de prévention prises par l'exécutif. "Ce gouvernement est capable d'assumer ses responsabilités, qu'il s'agisse des crises économiques, financières et monétaires ou de la crise sanitaire actuelle", a-t-il déclaré. Il a par ailleurs soutenu la décision de M. Diab de ne pas proclamer l'état d'urgence, soulignant que "certaines personnes ne savent pas ce qu'est l'état d'urgence et ce qu'il implique".
"Nous ne sommes qu'au début de la bataille et les risques et défis ne sont pas près de se terminer", a lancé le chef du parti chiite. Dans ce contexte, il a appelé à un renforcement des mesures prises par le cabinet, exhortant les Libanais à les respecter. "En ne voulant pas se conformer aux restrictions de déplacements et aux mesures de confinement, certaines personnes font échouer tous les efforts déployés par les autres", a relevé Nasrallah.
Il a par ailleurs salué toutes les initiatives locales, sociales et partisanes lancées pour lutter contre la propagation de l'épidémie, appelant toutefois à ne pas "exploiter cette opportunité pour marquer des points au niveau politique". Et de condamner également tous les commerces qui profitent de la crise pour augmenter leurs prix ou prendre le monopole de la vente de certains produits, appelant les ministères concernés, les forces de sécurité et la justice à agir pour mettre un terme à ces pratiques. "Les gens se sentent aujourd'hui dans un dilemme : soit nous mourons du coronavirus, soit de la faim. Mais il faut que les dirigeants agissent pour lutter contre ces deux dangers", a-t-il poursuivi, invitant encore "les commerçants ayant un minimum d'humanité et de conscience" à envisager une baisse de leurs profits en baissant leurs prix.
Le nombre de personnes contaminées au Liban par le nouveau coronavirus continue d'augmenter et 21 nouveaux cas ont été enregistrés samedi, selon le dernier bilan du ministère de la Santé. Le nombre total de cas enregistrés depuis que la pandémie a atteint le pays du Cèdre, le 21 février, s'établit donc à 412 cas, dont huit décès, quatre cas critiques, et 30 guérisons. Le nombre actuel de personnes contaminées s'élève ainsi à 374, selon le site du ministère de l'Information dédié au coronavirus. Depuis vendredi, un couvre-feu a été instauré entre 19h et 5h. Les Libanais sont appelés à rester chez eux jusqu'au 12 avril au moins, dans le cadre des décisions prises par le gouvernement pour enrayer la pandémie qui frappe la planète. Dans le contexte de la mobilisation générale proclamée il y a deux semaines par l'exécutif, l'Aéroport international de Beyrouth est fermé pour tous les vols commerciaux, entraînant la suspension de tous les vols de et vers Beyrouth.
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"Nouvel ordre mondial"
Au niveau de la crise économique et financière que traverse le pays, Hassan Nasrallah a appelé à résoudre les problèmes des personnes ayant des dépôts dans les banques du pays, "et surtout les petits déposants". "Résoudre cette crise est une responsabilité morale et humaine", a-t-il estimé, soulignant qu'il fallait permettre aux petits déposants d'accéder à leurs fonds. "La solution doit venir du gouvernement ou d'initiatives lancées par les banques elles-mêmes", a-t-il indiqué. Et de critiquer les établissements bancaires qui ont fait "des dizaines de milliards de dollars de profit depuis les années 90". "Aujourd'hui, nous sommes dans une phase très dangereuse pour le peuple libanais, comment pouvez-vous aider l'Etat et le peuple", a-t-il déclaré, prenant les banques à partie. Il les a encore accusées, à demi-mot, de corruption : "Je ne veux pas ouvrir maintenant de dossier sur les moyens grâce auxquels vous avez fait de tels profits, mais nous devrons peut-être l'ouvrir plus tard". Le leader chiite a également appelé les "milliardaires du pays" à agir "comme ils l'avaient fait pour acheter des voix lors des élections".
En ce qui concerne la situation dans le monde, dans le contexte de la pandémie, il a estimé que la situation était inédite "et ses répercussions pourraient être plus importantes que celles des deux guerres mondiales". "Nous sommes peut-être devant un nouvel ordre mondial", a-t-il lancé.
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commentaires (23)
Au fait, il a fait de même avec les armes et les conseillers militaires iraniens chez nous, au liban?? Il les a renvoyés chez eux ?? .. Ce serait bien qu'il le fasse aussi. Les armes iraniennes doivent être rapatriées en iran, mon vieux... Mais si.. Mais si... Puis faut dire à TOUTE cette classe politique au liban , de plus en plus barbue ( inculant les intégristes aussi ) : "la barbe ne fait pas le philosophe/ la sagesse " comme dit l'adage.
LE FRANCOPHONE
21 h 51, le 29 mars 2020