La question du rapatriement des Libanais bloqués à l'étranger à cause de mesures restrictives pour lutter contre le coronavirus continuait de faire des remous sur la scène politique locale, le président du Parlement, Nabih Berry, menaçant de "suspendre la participation" de sa formation, le mouvement Amal, au gouvernement du Premier ministre Hassane Diab.
"Alors qu'on renie notre autre moitié, à savoir notre diaspora qui a fait de nous un empire (...), et si le gouvernement persiste dans sa position au sujet des expatriés après mardi prochain, nous suspendrons notre participation au cabinet", a menacé M. Berry, selon un communiqué de son bureau de presse publié samedi après-midi.
De manière officieuse, Nabih Berry a été le seul chef de file politique à nommer un ministre membre de son parti, le ministre Abbas Mortada, chargé des portefeuilles de l’Agriculture et de la Culture, même si son appartenance au mouvement Amal n’a pas été officiellement confirmée. À ceux qui lui ont demandé la raison de son choix, Nabih Berry aurait répondu qu’il voulait montrer que sa position de réclamer un gouvernement techno-politique était la bonne, explique notre journaliste Scarlett Haddad, alors que le mouvement de contestation populaire, qui a poussé Saad Hariri et son gouvernement à démissionner, réclamait un cabinet non affilié aux partis politiques.
(Lire aussi : Derrière le gouvernement, l’ombre de Berry..., le décryptage de Scarlett Haddad)
Conseil des ministres mardi
Malgré la multiplication des appels au rapatriement ces derniers jours, le Premier ministre Hassane Diab a affirmé vendredi que les Libanais se trouvant actuellement coincés à l'étranger ne pourront pas revenir au Liban avant le 12 avril prochain. Cette date est celle de la fin de la mobilisation générale, prolongée de deux semaines jeudi lors du Conseil des ministres, dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus au Liban. L'aéroport de Beyrouth est également fermé jusqu'à cette date.
Jeudi, pourtant, le chef de la diplomatie libanaise, Nassif Hitti, avait indiqué que les Libanais se trouvant à l'étranger pourraient rentrer au Liban, à condition de subir au préalable des tests de dépistage pour éviter tout risque de propagation du nouveau coronavirus dans le pays où plus de 400 cas ont été enregistrés jusque-là, dont huit décès.
Ce dossier polémique sera abordé lors d'un Conseil des ministres prévu mardi à 14h au Sérail. "Nous espérons que tous les détails de cette affaire du retour des Libanais coincés à l'étranger seront éclaircis mardi", a dans ce contexte affirmé le ministre des Affaires étrangères à la chaîne d'informations locale LBC. De son côté, le ministre de l'Industrie, Imad Hoballah, a indiqué que "la décision a été prise et les différentes étapes de son application seront annoncées mardi". "La première étape consiste à vérifier la situation sanitaire des personnes souhaitant rentrer afin de préparer au mieux les mesures de protection et de prévention. D'autres mesures s'appliqueront aux personnes dont les tests montreront qu'elles sont contaminées, et elles devront peut-être être soignées à l'endroit où elles se trouvent", a ajouté M. Hoballah.
Lors d'une réunion de travail au Sérail, le Premier ministre a réitéré qu'il était en faveur "d'un retour sécurisé" des expatriés qui le souhaitent. "Le ministre de la Santé Hamad Hassan et une équipe d'urgence sont en train de préparer un mécanisme de rapatriement adéquat, avec l'obligation de passer des tests", a ajouté M. Diab. Les ministres ont soulevé au cours de cette réunion "la responsabilité nationale du gouvernement de protéger de l'épidémie tous les Libanais, à l'intérieur du pays et au dehors".
Une conférence de presse qu'était censé tenir le ministre de la Santé avec son collègue des Affaires étrangères, Nassif Hitti, samedi à 13h, a dans ce contexte été reportée à une date ultérieure, sans plus de précisions.
(Lire aussi : La position du gouvernement sur les rapatriements fortement critiquée)
La gestion par le gouvernement de ce dossier a été critiquée par plusieurs responsables de l'opposition, mais également par le président du Parlement, Nabih Berry, qui a appelé vendredi le cabinet Diab à se réunir "le plus rapidement possible" afin de réétudier cette question, mettant en avant le fait que des Libanais se trouvent dans des régions "ne disposant pas d'hôpitaux et ne suivant pas les règles les plus élémentaires en matière de soins de santé". Critiquant la décision prise jeudi par le gouvernement de ne permettre le retour que des Libanais ayant effectué un test de dépistage, M. Berry avait déclaré à ce sujet : "Les tentatives de dilapider les dépôts de ces expatriés via l'adoption d'une loi régulant les contrôles des capitaux ne suffisent-elles pas ?" Il a encore reproché au gouvernement de vouloir "faire supporter" aux expatriés souhaitant rentrer au Liban "le coût de leur retour, qu'il soit financier ou médical".
Pour sa part, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, qui critique régulièrement le gouvernement, a déploré samedi la position de celui-ci vis-à-vis de la diaspora libanaise. "La position du gouvernement libanais, jusqu'à présent, vis-à-vis des Libanais expatriés aux quatre coins du globe et qui cherchent à renter dans leur pays est extrêmement honteuse (...) surtout que ces Libanais ont affirmé à plusieurs reprises qu'ils étaient prêts à payer les frais de voyage et ceux de leur mise en quarantaine une fois de retour", a écrit M. Geagea sur Twitter. "Le gouvernement doit prendre une décision très rapidement afin d'organiser des vols de retour pour les expatriés dans ces circonstances exceptionnelles", a conclu le chef des FL.
Le chef du Courant patriotique libre (CPL, aouniste) Gebran Bassil a, lui, appelé les responsables à "donner au gouvernement un délai suffisant mais limité dans le temps" pour traiter cette question polémique. "Le Liban ne peut pas ignorer ses expatriés", a déclaré M. Bassil, ex-ministre des Affaires étrangères, prenant la parole depuis sa demeure, alors que le pays est confiné pour faire face à la propagation du coronavirus. "Au lieu de perdre du temps en discutant de la possibilité ou pas de rapatrier les expatriés et à faire de la surenchère politique et populaire, il faut mettre sur pied rapidement un mécanisme de retour sûr", a-t-il ajouté. Il a appelé à ce que ce plan ne fasse aucune distinction entre les expatriés souhaitant rentrer, en couvrant les frais de retour. "Le cabinet doit mettre en place un protocole médical, social et financier, et assurer que les personnes puissent passer des tests de dépistage à l'étranger", a-t-il souligné. "Assurer le retour des expatriés est une question indiscutable, ce droit est consacré par la constitution", a ajouté le chef du CPL. Et d'ajouter que les Libanais de la diaspora doivent toutefois comprendre qu'il est impossible de faire revenir tous les expatriés d'un coup, immédiatement, mais qu'une telle procédure doit se mettre en place progressivement.
Il a été secondé par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui a appelé dans un discours à un rapatriement "sûr, rapide et étudié".
Lire aussi
Les Libanais bloqués à l'étranger ne pourront pas rentrer avant le 12 avril, tranche Diab
En France, plus de 600 Libanais veulent être rapatriés
Un monde fou, fou, fou, l'édito de Issa GORAIEB
Je croyais que le gouvernement était NON PARTISAN... Pour dire que même avec une crise pareille, tout est bon pour mousser (à en rendre baveuse) la partisannerie... (mot français largement utilisé au Québec)
20 h 44, le 28 mars 2020