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Lifestyle - Carnet de bord

XXVII – De résilience et d’espoir

Photo C.K.

Suite d’une cohabitation forcée… Mon fils a définitivement pris ses quartiers au salon. Il a également réquisitionné pour une période indéterminée l’usage de la télévision. Avec son pyjama comme nouvel uniforme, il règne désormais sur le canapé devenu son trône provisoire. Entre les rires d’une sympathique truie rose prénommée Peppa et les cris d’une meute de chiens qui courent en patrouille à la rescousse de personnes en détresse, j’essaie autant que possible de placer quelques appels-conférence, tout en prenant soin de désactiver la fonction caméra, mon fils n’étant pas le seul en pyjama ! Ainsi va la vie de reclus que nous sommes devenus…

Collectivement, nous n’avons jamais été aussi isolés les uns des autres, mais jamais, nous n’avons pris autant de temps pour nous parler. Un peu à l’image de deux moines qui se croisent au matin d’une chaude journée de printemps et qui trouvent des choses à se dire, eux qui n’ont rien en commun et ont vécu à l’écart du monde, chacun de son côté. Nous nous sommes tous retirés dans nos cavernes respectives, réduisant au maximum tous risques de contact. Même ces masques que l’on porte maintenant pour aller faire les courses, rare distraction que l’on s’accorde malgré le léger risque, nous cachent du regard de l’autre, nous isolent encore davantage. Et pourtant nous n’avons jamais été aussi dépendants des autres. Jamais aussi fragiles dans notre solitude, mais unis et forts dans notre collectivité.

Contrairement à une tempête ou un tremblement de terre qui ne laissent dans son sillage que ravages et désolation, ce qui nous attend après le passage de ce virus risque de nous surprendre. Parce qu’il y aura évidemment un après-crise, nous allons vaincre ce mal. Il y aura malheureusement des drames humains, de la tristesse et des deuils. Mais il y aura également un renouveau. Nous allons retrouver un monde avec des niveaux de pollution au plus bas depuis des années. Vu les restrictions qui vont sûrement ralentir l’ardeur des visiteurs cet été, nous allons regagner des routes un peu plus fluides, des espaces communs, des terrasses et des plages moins bondées. Nous allons importer moins de biens et subvenir un peu plus à nos besoins. Nous allons devoir vivre selon nos moyens, n’ayant plus accès à l’effet dopant créé par l’injection de dollars venus d’ailleurs. Nous allons moins partir à l’étranger pour nous changer les idées et redécouvrir les richesses de notre pays. Nous allons (ré)apprendre à nous connaître. En ces temps où nous nous battons pour la refondation de notre pays, c’est une occasion à ne pas manquer.

Je vous souhaite à tous et à toutes de traverser cette période tumultueuse avec la sérénité nécessaire pour arriver à bon port rapidement. Quant à cette chronique, j’y mets aujourd’hui son point final. Ce fut un privilège d’avoir pu partager avec vous un tant soit peu notre quotidien. Je vous remercie de votre indulgence pour mon langage par moments coloré, héritage d’une mixité culturelle qui est celle de nombreux Libanais de la diaspora aujourd’hui. J’espère que ce récit d’un retour au pays pourra éventuellement inspirer d’autres retours. Je souhaite surtout qu’il puisse encourager celles et ceux qui décident chaque jour de se construire un meilleur avenir au Liban. Notre pays est bien plus qu’une destination estivale où il fait bon passer les vacances. C’est un pays qui mérite de s’épanouir et qui possède les atouts et les compétences pour se tailler une place enviable à la table des nations. Il ne faut pas l’abandonner à ses mauvaises pratiques héritées d’une époque révolue, mais plutôt lui injecter une bonne dose de cet antidote constitué de nos expériences collectives.

Ce pays nous appartient, il ne faut jamais l’oublier. L’espoir aujourd’hui nous appartient également, et la grande roue du temps fera en sorte que cette magnifique jeunesse libanaise supplantera l’ordre établi pour nous permettre d’aller de l’avant sur de nouvelles fondations. À nous d’être nombreux, ici et ailleurs, à pousser cette roue vers l’avant. Et de pouvoir ainsi témoigner de la renaissance de notre nation.


Les épisodes précédents

Basculement dans un univers parallèle

Le Liban au temps du coronavirus

Dead money, deuil et espoir : le jour où notre argent est mort

En attendant des jours meilleurs

Pourquoi rester (?)

Beyrouth, la ville aux ailes brisées

Mon père, ce héros (libanais)

Fumée grise, fumée blanche

Parenthèse de chaleur dans l’hiver canadien

Beyrouth – Montréal

Vu de l’extérieur

Suite d’une cohabitation forcée… Mon fils a définitivement pris ses quartiers au salon. Il a également réquisitionné pour une période indéterminée l’usage de la télévision. Avec son pyjama comme nouvel uniforme, il règne désormais sur le canapé devenu son trône provisoire. Entre les rires d’une sympathique truie rose prénommée Peppa et les cris d’une meute de chiens qui...

commentaires (3)

aucun pays ne nous appartient ,c'est nous qui appartenons ! à un pays,un monde ,une terre qui nous fait vivre comme une mère que l'on méprise;J.P

Petmezakis Jacqueline

09 h 28, le 27 mars 2020

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Commentaires (3)

  • aucun pays ne nous appartient ,c'est nous qui appartenons ! à un pays,un monde ,une terre qui nous fait vivre comme une mère que l'on méprise;J.P

    Petmezakis Jacqueline

    09 h 28, le 27 mars 2020

  • Dommage pour le point final!!!..... C'était tellement intéressant et enrichissant!!....

    Rotary Beyrouth

    07 h 33, le 27 mars 2020

  • Eh bien c'est dommage que cette chronique s'arrête. J'avais suivi avec plaisir les péripéties du retour de CK au pays et je lui souhaite que cette expérience soit couronnée de succès à toutes les étapes. À voir la sincérité et l'empathie qui se dégagent de ses papiers, c'est quelqu'un de bien.

    Marionet

    01 h 06, le 27 mars 2020

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