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Campus - MILITANTISME

« Il faut que les hommes dans ce pays prennent conscience que les femmes veulent exister elles aussi »

Étudiante en quatrième année de pharmacie et en double licence de sciences politiques, Youmna Geha est actuellement présidente du club féministe de l’USJ. Portrait d’une militante pour qui le changement ne pourra opérer sans une forme d’exemplarité horizontale.

« Je suis pour le principe de mérite, mais comme ça n’existe pas au Liban, on est obligé de chercher à représenter davantage les femmes », affirme Youmna Geha. Photo Andy Geha.

« Va à la cuisine, occupe-toi de tes règles... Marcher dans la rue peut vite devenir un cauchemar quand on est une femme ici. On se fait siffler, on entend des remarques désobligeantes tous les cent mètres. »

À 21 ans, Youmna Geha, la présidente du club féministe de l’USJ, sait qu’il y a là un problème profond : « C’est un combat énorme que nous avons à mener au Liban, les problématiques hommes-femmes trouvant leur source à la fois dans les conditions sociales, dans les religions et les traditions. D’ailleurs je pense que c’est encore plus dur de se défaire des dernières plutôt que des deux autres. » Des réflexes conditionnés par la culture et transmis de génération en génération ? Peut-être, mais alors, bien qu’ils soient profondément ancrés, ils ne sont pas indestructibles. Et Youmna Geha de se porter en exemple, d’abord physiquement en tant que jeune femme athlétique et volontaire, mais aussi féminine, maquillée délicatement, aux cheveux longs, douce, loin de certains clichés associant le féminisme à une révolte contre le genre masculin. « Au Liban, quand on dit qu’on est féministe on nous répond “ah tu ne t’épiles pas, tu es lesbienne ” », s’insurge-t-elle. Ensuite, par son attitude et ses choix, libérés de tous les préjugés extérieurs : elle qui joue aujourd’hui dans l’équipe de l’USJ de basket-ball et de handball, elle a fait partie de l’équipe nationale de handball féminin du Liban. Tirant cette conclusion : « Il faut qu’il y ait des femmes qui s’assument et qui montrent l’exemple, il y en a encore trop peu aujourd’hui. » C’est que, selon elle, les femmes sont aussi responsables de leur propre condition : « Ce qui m’agace le plus, c’est que beaucoup de filles autour de moi sont contentes de leur situation ici. C’est à l’homme de faire le premier pas, de payer tout le temps, d’ouvrir la porte… elles sont féministes ou soumises quand ça les arrange. » Reconnaissant que la condition des femmes est tout de même de plus en plus acceptable au Liban (« surtout pour un pays arabe »), et qu’elles accèdent plus régulièrement à des postes importants, l’étudiante demeure toutefois persuadée que « les femmes doivent s’imposer davantage. Ce n’est qu’ainsi que les hommes baisseront la garde. Je pense par exemple que les hommes n’auraient pas tant de problème à ce que les femmes gouvernent, mais il me semble ce sont les femmes qui se restreignent ».



(Lire aussi : Tous pour unel'éditorial de Issa GORAIEB)



Rééquilibrer la balance
Youmna Geha dit s’être rendu compte de la nécessité du combat féministe en entrant à l’université. Avec une mère chef d’entreprise « très indépendante » et une scolarité effectuée au collège Notre-Dame de Jamhour, elle n’imaginait pas les limitations face auxquelles les femmes peuvent être confrontées dans le reste du pays. « C’est en arrivant à l’USJ que j’ai eu un choc. En première année, je me suis présentée en indépendante aux élections de l’amicale de pharmacie. J’étais la seule fille : tout le monde venait me demander ce que j’étais en train de faire là, du fait que ces élections étaient politisées et donc qu’elles étaient réservées aux hommes. Mais ce qui m’a le plus choqué, c’est que même des filles venaient me dire la même chose. C’est là que j’ai eu un mouvement de révolte et que j’ai compris qu’il y avait beaucoup de tabous et de catégorisation à briser. » Elle décide alors d’intégrer le club féministe de l’USJ, où elle consacre son premier combat à la création d’un groupe de pression contre la loi interdisant aux femmes de donner la nationalité libanaise à leurs enfants.

Mais bien qu’elle reconnaisse « l’importance des universités qui se portent garantes de ce combat », parce qu’elles font toujours « figures d’autorité » auprès de la population, « même chez ceux qui sont les plus fermés », Youmna Geha affirme que « les clubs dans les universités ne sont malheureusement pas suffisants pour créer un véritable changement. Il faut commencer dès la base : l’enfance. Pour cela il faut que les mères puissent se sentir les égales des pères, pour transmettre ce sentiment à leurs enfants ». Pour arriver à ce sentiment de liberté, l’étudiante revient sur le problème de la sexualité et de l’injustice dans les rapports : « Le plus grand problème au Liban, c’est que les femmes sont constamment chosifiées. Et elles n’ont pas le droit de vivre leur sexualité librement, alors que l’homme oui. Sur les applications de rencontre par exemple, les filles n’osent pas mettre leur photo, alors que les garçons ne se privent pas. Et puis c’est de mal en pis avec l’âge, plus la femme avance en âge, moins elle est autonome : elle devient femme de, mère de… », conclut l’étudiante.



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