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Campus - ÉGALITÉ

« La domination patriarcale a été affaiblie avec la révolution »

Natasha Mouawad est étudiante en 3e année de sciences politiques, droit international et philosophie à l’AUB. Depuis un an, elle est à la tête du Feminist Club de son université.

« Après tout ce qui est apparu cette année avec la révolution, je sens que la question des droits des femmes est en train d’évoluer. Le changement est en train de se produire, il y a un mécanisme qui s’est mis en place », estime Natasha Mouawad. Photo Sophie Khoury

Elle est habillée à la garçonne, cravate au cou et long manteau, le tout dans un camaïeu marron qui lui confère une certaine élégance à la mode des années 50. Du haut de ses 20 ans, Natasha Mouawad, calme et charismatique, détonne dans ce Beyrouth du XXIe siècle. Elle clame, dans la lignée des premières féministes françaises du siècle précédent : « Les femmes peuvent porter des cravates, avoir les cheveux courts et toujours être femmes. » Pourtant, elle sait bien que « par essence, les hommes et les femmes sont différents : les femmes enfantent, les hommes non. Cela ne m’empêche pas de rêver d’un monde sans genre, où les qualités seules seraient mises au premier plan ».

Mais avant de pouvoir espérer voir son rêve se réaliser un jour au Liban, cette étudiante en sciences politiques et philosophie à l’AUB sait que la priorité doit être donnée à l’égalité des droits entre les sexes. « Les droits de la femme libanaise dans la société sont encore très restreints. Comme par exemple le fait que seuls les hommes sont autorisés à transmettre la nationalité… Et puis c’est plus difficile pour elles d’atteindre des postes importants dans le marché du travail », affirme-t-elle. Ambitieuse, elle assume sans ciller viser les hautes sphères de son pays natal, dont elle voit déjà les obstacles que son sexe lui impose. « La société libanaise attend des femmes qu’elles restent au foyer. Et si elles travaillent, alors elles sont enseignantes, infirmières, aides-soignantes... Peut-être que beaucoup de femmes sont d’accord avec ça, mais moi, par exemple, qui ai l’ambition d’aller plus loin, je vois énormément d’obstacles dans ma vie professionnelle, personnelle et politique, qu’elles ne voient peut-être pas. » Pour aller plus loin justement, l’étudiante aimerait partir aux États-Unis ou au Royaume-Uni faire un master en « socio-legal research », pour se consacrer à l’étude de l’évolution des droits accordés aux femmes en fonction des sociétés. Son objectif : se plonger dans la question des lois concernant la femme au Liban, dans une perspective socio-historique. « La misogynie est dans le système. On trouvera toujours une excuse à une femme qui a réussi : soit son père a de l’argent, soit son frère a des connexions… Il y a des relents patriarcaux qui rendent la tâche difficile à certaines femmes. »



(Lire aussi : Tous pour unel'éditorial de Issa GORAIEB)



Une voix qui se fait entendre
Ancienne étudiante du Lycée français de Nahr Ibrahim, Natasha Mouawad a grandi dans une famille ouverte avec des parents « féministes et engagés » lui martelant que « l’homme et la femme, c’est la même chose, et il n’y a aucune raison qu’ils aient des droits différents ». Mais dès l’école, elle comprend que tout le monde ne pense pas comme eux. « Je me suis rendu compte que les gens pensaient différemment, j’entendais les autres élèves dire par exemple que les femmes devaient rester au foyer, ou servir les hommes… », se souvient-elle. Aujourd’hui qu’elle est à la tête du Feminist Club, elle a enfin la possibilité de faire évoluer les mentalités, et pour preuve : le club est parvenu à installer des distributeurs de serviettes hygiéniques dans le campus. « Il y a encore énormément à faire. Ce qui me donne de l’espoir, c’est que, après tout ce qui est apparu cette année avec la révolution, je sens que la question des droits des femmes est en train d’évoluer. Le changement est en train de se produire, il y a un mécanisme qui s’est mis en place », dit-elle. Et de poursuivre : « La révolution a donné un espace de liberté et d’expression aux femmes. C’est pourquoi elles se sont manifestées, car, enfin, elles ont senti qu’elles avaient le droit de dire ce qu’elles pensent du système. La domination patriarcale a été affaiblie pendant la révolution. On voyait les femmes chanter, en tête de cortège, et ça c’était vraiment important. » Pour elle, le 8 mars est une date « symbolique » qui représente le combat et la lutte contre le système en place. Et même si rien de concret n’a encore été fait sur le plan légal, « cette date est une représentation nécessaire pour les femmes de ce pays : les gens nous entendent, les médias couvrent ces marches. Or c’est quand les gens voient cet engouement et cette unité que la question du droit des femmes est enfin soulevée, et qu’on peut créer le débat ».




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