Rechercher
Rechercher

Campus - ACTIVISME

« Être féministe, ce n’est pas haïr le genre masculin »

Étudiante en sixième année de médecine, Iman Feghaly a gagné le concours de Miss USJ en 2019. Portrait d’une jeune femme engagée qui est sur le point de lancer une ONG, Halna, dont le but est d’améliorer la qualité de l’éducation sexuelle au Liban.

« Dès qu’une fille s’habille d’une certaine manière, les garçons s’imaginent que c’est pour eux. Et puis, une femme libre est très vite catégorisée pute. Elle est souvent mal vue », dénonce Iman Feghaly. Photo prise lors de la soutenance de thèse le mois passé à l’USJ. DR

« Dans mon groupe d’amies, nous sommes six filles. Quatre d’entre nous ont été sexuellement harcelées, d’une manière ou d’une autre : sur internet, en boîte de nuit, par un copain… On ne sait pas toujours comment dire non. » Partant de ce genre de constat, Iman Feghaly, 24 ans, étudiante en 6e année de médecine et interne à l’Hôtel-Dieu de France, a pris le combat féministe à bras-le-corps avec un objectif double : faire évoluer les mentalités concernant la question du consentement et combattre l’ignorance dans les questions de sexualité. Paradoxalement, elle se lance dans ce combat l’année dernière, lorsqu’elle participe au concours de miss USJ, qu’elle finit par gagner. « Le concept de miss USJ ce n’est pas tant de se montrer pour sa beauté, mais de se battre pour une cause, comme celle des personnes souffrant de handicaps, de la santé mentale… qu’on doit défendre devant un jury. C’est un principe de valeurs qui est derrière ce concours », explique l’étudiante. « Ma cause, c’était le féminisme : j’ai parlé avec beaucoup de gens pour essayer de comprendre les préjugés liés à la femme, et j’ai réalisé qu’il y a un problème profond dans la perception du corps des femmes, de la sexualité et du consentement. J’ai décidé suite à cette compétition de lancer ma propre ONG, Halna (il est temps pour nous), pour justement faire bouger les choses sur ces points. D’ici à quatre mois, la procédure légale sera finie. »

Iman Feghaly a travaillé avec l’ONG Marsa pendant quatre ans. Elle s’occupait de la santé sexuelle et des maladies sexuellement transmissibles (MST). « J’allais dans les écoles donner des cours généraux de biologie. J’ai remarqué qu’il y avait beaucoup d’ignorance sur ce sujet, qu’il y avait beaucoup de tabous, alors que tout le monde explore sa sexualité. C’est très essentiel pour les jeunes de parler de ça. » D’ailleurs, elle maintient qu’il faut parler de ces choses-là dès 12 ans « pour expliquer les règles d’hygiène, les menstruations, la masturbation, ou dire quand on n’est pas à l’aise quand quelqu’un nous touche. On ne nous a jamais appris à dire non, à respecter son propre corps. Dans les séances d’éducation sexuelle, on parle trop souvent de biologie et de procréation, oubliant que la sexualité, c’est quelque chose de très intime, un aspect de la personnalité à explorer seul ».


(Lire aussi : « La domination patriarcale a été affaiblie avec la révolution »)

La liberté des femmes, sans haine

Fille de parents divorcés, Iman Feghaly grandit auprès de sa mère dentiste à Achrafieh. Son père, « un bon féministe », n’étant jamais loin, elle se dit satisfaite de l’éducation familiale « libertaire » qu’elle a reçue, ainsi que ses années au collège catholique de Champville. C’est probablement cet équilibre à la fois sain et privilégié qui la conduit à aborder le féminisme avec une certaine douceur. « Il n’y a pas besoin d’être extrême dans son comportement pour être féministe. Être féministe, ce n’est pas haïr le genre masculin, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent. Et contre tous les clichés, ce n’est pas être agressif, ce n’est pas arrêter de s’épiler les aisselles, et par ailleurs ce n’est pas non plus être, forcément, lesbienne… », rappelle-t-elle.

Mais quand même : « Il existe encore ce fait au Liban que les hommes veulent que tout tourne autour d’eux. Probablement que ça vient de l’éducation libanaise, qui a tendance à privilégier les garçons aux filles dans les familles. De là que les garçons croient que dès qu’une fille s’habille d’une certaine manière, ils s’imaginent que c’est pour eux. Et puis, une femme libre est très vite catégorisée pute. Elle est souvent mal vue. » Un autre fait qu’elle ne peut pas ignorer : une forme de lourdeur dans les rapports en société de la part des hommes, qu’elle considère comme un manque de respect envers les femmes. « Rien qu’en venant ici je me suis fait siffler plusieurs fois », souligne l’étudiante. « Il faut passer par l’éducation pour changer le comportement et la perception des genres : il faut arrêter le mythe qui voit la femme comme un objet sexualisé, faible et manipulable. » L’étudiante, qui dit idolâtrer Joumana Haddad et son livre Superman est arabe, reconnaît toutefois une évolution dans la perception des femmes de manière générale : « Il y a eu du progrès dans la condition des femmes, les gens commencent à réaliser que les femmes peuvent être aussi fortes que les hommes. Dans les médias, dans les films, on voit que les personnages féminins ont évolué. »

Et de conclure dans un entre-deux malgré tout encourageant : « La condition des femmes au Liban n’est pas idéale, mais elle est quand même mieux que dans de nombreux pays. Il y a beaucoup d’ONG, Kafa, Marsa, Abaad, qui sont très actives dans le pays et qui font avancer les choses. Mais appliquer concrètement les choses prend beaucoup de temps au Liban… »



Lire aussi

« Il faut que les hommes dans ce pays prennent conscience que les femmes veulent exister elles aussi »

« Osez vous jeter à l’eau »

« Dans mon groupe d’amies, nous sommes six filles. Quatre d’entre nous ont été sexuellement harcelées, d’une manière ou d’une autre : sur internet, en boîte de nuit, par un copain… On ne sait pas toujours comment dire non. » Partant de ce genre de constat, Iman Feghaly, 24 ans, étudiante en 6e année de médecine et interne à l’Hôtel-Dieu de France, a pris le...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut