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Tous pour une

La désespérante nullité de la classe politique, la terreur du coronavirus s’ajoutant à l’infectieuse propagation du discours populiste, la faillite de l’État avant celle de l’économie, la dépréciation galopante de la livre libanaise dans les officines des changeurs, l’envolée sauvage des prix, les restrictions draconiennes sur l’accès des citoyens à ce qui reste de leurs économies, la valse-hésitation du pouvoir face aux décisions et actions qui s’imposent, et on en oublie…

Ne manquait plus à ces dix plaies d’Égypte qui se sont abattues sur notre pays que l’irruption du ridicule dans le dramatique, de la bouffonnerie dans la tragédie. Telle l’inimaginable pantalonnade de jeudi, où l’on a vu un procureur financier notoirement, ouvertement, partisan (paradoxe assez courant, hélas) secouer vigoureusement le cocotier politico-bancaire, décrétant le gel des avoirs d’une vingtaine d’établissements de crédit et de leurs présidents : ce qui, pour le coup, était du jamais-vu ! En gelant illico, à son tour, cette frigorifiante initiative, le procureur général n’aura fait, en somme, que rendre à l’imp(r)udent magistrat la monnaie de sa pièce en lui administrant le célèbre gag de l’arroseur arrosé.

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En ces temps de folie furieuse où se bousculent pressantes échéances et impérieuses urgences, d’aucuns s’étonneront peut-être de voir consacré, dans cette édition du journal, un espace aussi étendu à un thème qui, à défaut de revêtir une actualité brûlante, imprègne notre société par son omniprésence atavique, ancestrale, permanente, incessante, ininterrompue. C’est celui des droits des femmes, objet d’une Journée internationale instituée par les Nations unies et célébrée le 8 mars au Liban, comme dans le monde entier.


Pour ce regard masculin sur la question, commençons donc tous ensemble, messieurs, par faire un sort définitif au vieux mythe de la Libanaise privilégiée, choyée qui, en des tranches d’histoire plus heureuses, a pu faire illusion, chez nous-mêmes comme à l’étranger. Trompeuse – pire, inique, humiliante car réductrice sous son vernis qui se veut flatteur– est en effet l’image de cette femme-objet, femme trophée, confirmée dans son statut de protégée sur piédestal et néanmoins assignée aux occupations ménagères ou bien, pour les plus fortunées, aux frivolités mondaines.


C’est vrai qu’au fil des générations a été passablement écorné ce système patriarcal vouant d’emblée la Libanaise à l’autorité du père ou du frère, puis à celle de l’époux. Nombreuses sont aujourd’hui les femmes qui brillent dans les divers domaines, ceux-ci allant des professions libérales à la politique en passant par les arts, la santé et les entreprises. Des métiers de mec – pompiste, chauffeur de taxi – ont été gaillardement investis, même si pour forcer la note on a jugé adéquat de peindre en rose les véhicules de ces dames. Sous l’indomptable impulsion des ligues féministes, la parole s’est libérée, certains des tabous les plus solidement ancrés ont été brisés. L’heureux phénomène a connu son apogée avec la révolution du 17 octobre, incarnée par la Femme inconnue, véritable figure de proue de la contestation; figurant en toute première ligne dans toutes les manifestations ; aussi passionnée dans la rébellion socio-politique que soucieuse de la paix civile, à l’image de ces citoyennes de tous âges abattant les barrières physiques et psychologiques entre quartiers de la même cité, se retrouvant en affectueuses accolades afin de neutraliser le zèle agressif des viriles têtes brûlées.


Pour autant – et la crise actuelle n’en est pas seule responsable –, tout est loin d’être rose, et il y a fort à faire encore dans un pays où, à compétences égales, les femmes ne sont pas toujours à l’abri des discriminations salariales, de même qu’elles sont victimes de harcèlement ou d’autres abus. Où en plein XXIe siècle le statut personnel demeure confié aux autorités religieuses, avec toutes les criantes injustices qu’entraîne cette aberration en matière d’héritage, de divorce, de garde d’enfants, de transmission de la citoyenneté libanaise, de mariages forcés et autres violences conjugales. Pour notre honte, des abus encore plus scandaleux frappent souvent les non-Libanaises, notamment des employées de maison, les poussant en certains cas jusqu’au suicide.


La révolution est là : celle de la Libanaise partie à la conquête de ses droits les plus naturels. À cette libération manquent toujours cependant l’adhésion de nous tous, un engagement de tous les instants : plus précisément le partenariat actif d’une composante mâle appelée à se débarrasser au plus vite d’une somme de préjugés et de comportements acquis. Le peuple, dans son intégralité, y a tout à gagner. S’y atteler sérieusement incombe aux chefs politiques et religieux, aux législateurs et leaders d’opinion, pour en venir au plus modeste représentant de la gent masculine.


Les droits de la femme, c’est affaire d’homme aussi.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

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