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Environnement - Protestation

« Non au barrage de Bisri », scandent à l’unisson les contestataires devant le siège de la Banque mondiale

Les manifestants appellent à un plan transparent de gestion de l’eau « au lieu des projets de barrages ratés ».

Des manifestantes brandissant des pancartes avec des inscriptions hostiles au barrage et à la Banque mondiale. Photo João Sousa

Entre 200 et 300 contestataires et militants écologistes se sont rassemblés hier soir devant le siège de la Banque mondiale (BM) pour protester contre le projet de construction d’un mégabarrage à Bisri, dans le caza de Jezzine.

Encadrés par les agents des Forces de sécurité intérieure et de la brigade antiémeute, les manifestants ont repris les slogans du soulèvement du 17 octobre. Brandissant des pancartes sur lesquels on pouvait lire: « La Banque mondiale est en train de détruire notre patrimoine naturel », « Sauvons la vallée de Bisri » ou encore « Ça suffit avec les barrages ratés », les manifestants reprennent en chœur les slogans du soulèvement du 17 octobre. C’est donc aux cris de « Thawra, thawra » (révolution, révolution) qu’ils marchent de la place des Martyrs jusqu’au siège de la Banque mondiale, dans une ruelle perpendiculaire à la rue Foch, encadrés toujours par les forces de l’ordre.

« Nous sommes là pour faire entendre notre voix, pour demander à tout le monde de faire attention à ce que la BM est en train de faire (...) Aucune étude sérieuse sur les coûts et les bénéfices de ce projet n’a été menée », se plaint une manifestante, interrogée par notre journaliste sur place, Blandine Lavignon. Elle dénonce les conséquences environnementales de ce projet. « Ils en ont fait d’autres au Nord. L’un d’eux n’a eu aucun impact sur l’amélioration de la distribution de l’eau. Cela a détruit la nature qui est notre principal atout. Un autre est en voie de construction, et ils n’arrivent pas à le rendre étanche », déplore-t-elle en stigmatisant une « politique opaque » pratiquée, selon elle, par les autorités libanaises et la Banque mondiale. Sa voix est couverte par celles des protestataires, pour la plupart des jeunes, qui scandent sans relâche des slogans contre le gouvernement et la BM. « Honte à vous, honte à vous », répètent-ils. Certains slogans sont émaillés d’injures, reprises sans autre forme de procès par la contestation. « Nous voulons attirer l’attention de la Banque mondiale sur le fait qu’elle est en train de financer un projet qui n’est pas forcément bon pour le Liban, mais qui va assurément détruire de manière irréversible une vallée historique et impacter de manière tout aussi irréversible l’écosystème de la région », martèle une autre manifestante en marquant de petites pauses entre les phrases pour reprendre avec ses camarades les slogans hostiles à la construction du barrage. Près d’elle, un jeune homme brandissant une pancarte sur laquelle est inscrit « Save the Bisri Valley », du nom de la campagne qui milite pour la sauvegarde de cette vallée magnifique vouée à la destruction si le projet était maintenu, assure que le mouvement va se poursuivre. « Nous sommes prêts à défendre la vallée jusqu’au bout. Les bulldozers n’y entreront que sur nos corps », assène-t-il furieux.


(Lire aussi : « Le cas de Bisri est emblématique des politiques de surendettement »)


Un autre estime que la Banque mondiale doit « vérifier le bien-fondé de ses projets et s’assurer que les prêts qu’elle est sur le point d’accorder au Liban vont dans le bon sens et sont bénéfiques aux Libanais. Plus que des barrages, elle doit savoir que nous avons besoin d’universités et d’hôpitaux en dehors de Beyrouth ». « Regardez les autres barrages construits qui ne retiennent pas les quantités d’eau promises ou ceux qu’on peine à aménager parce que la nature du sol ne le permet pas. Pourquoi faut-il qu’on se dote encore d’un barrage ? Pourquoi ne pas commencer par dépolluer notre eau et établir un plan transparent d’une gestion intelligente de l’eau ? C’est là une véritable priorité », insiste-t-il. « Ça suffit avec les projets ratés », crie-t-il avant de se raviser, et c’est sur un ton plus calme qu’il fait remarquer que d’autres solutions existent pour améliorer la distribution de l’eau à Beyrouth. « Mais la Banque mondiale et le gouvernement ne veulent rien entendre », fulmine-t-il. « Tu as oublié la source d’eau qui a jailli au printemps dernier à Bisri », l’interrompt son camarade. « Cela prouve bien que notre richesse hydraulique est souterraine. Est-il logique de bétonner une vallée riche en eau souterraine ? », s’indigne-t-il en rappelant que le barrage doit de surcroît être construit non loin d’une célèbre faille sismique active, celle de Roum, qui avait été à l’origine d’un tremblement de terre destructeur en 1956.


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Plusieurs manifestants s’accordent pour dire qu’à la place de ce projet, le gouvernement devrait faire de la vallée de Bisri « une réserve naturelle et un site touristique, d’autant que les lieux regorgent de vestiges historiques et archéologiques ». « Les projets de la Banque mondiale sont financés par des gouvernements riches, européens et américains. Je ne pense pas que ces derniers accepteront de financer un projet aussi controversé », commente l’un d’eux en faisant référence à la campagne menée par des députés allemands pour pousser le gouvernement de Berlin à suspendre le financement de la construction de ce barrage.

La Banque mondiale, rappelle-t-on, compte débloquer 474 millions de dollars pour Bisri, une somme réunie grâce aux contributions de pays membres. Ce barrage devrait être exécuté par le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) sur six millions de mètres carrés dans l’une des plus belles vallées du Liban. Les détracteurs du projet déplorent non seulement la destruction programmée de la vallée – qui compte des terres agricoles très fertiles et une biodiversité remarquable –, mais aussi la perte d’un patrimoine bâti traditionnel inestimable.


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Entre 200 et 300 contestataires et militants écologistes se sont rassemblés hier soir devant le siège de la Banque mondiale (BM) pour protester contre le projet de construction d’un mégabarrage à Bisri, dans le caza de Jezzine. Encadrés par les agents des Forces de sécurité intérieure et de la brigade antiémeute, les manifestants ont repris les slogans du soulèvement du 17 octobre....

commentaires (2)

En effet la perte d’un patrimoine est inestimable mais que faire avec des ignorants ?

Antoine Sabbagha

16 h 43, le 26 février 2020

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Commentaires (2)

  • En effet la perte d’un patrimoine est inestimable mais que faire avec des ignorants ?

    Antoine Sabbagha

    16 h 43, le 26 février 2020

  • Attention les manifestants. N'attaquez pas l'ancien ministre, beau-fils du beau-père, auteur des projets des barrages à Bisri et ailleurs, tous ratés. Vous risquez d'être condamnés, chacun, à payer 10 millions de livres libanaises comme c'était le cas de Joe Maalouf hier.

    Un Libanais

    15 h 42, le 26 février 2020

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