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Environnement - Ressources hydrauliques

À Msaylha, nouveau barrage, nouveau parfum de scandale

Des photos aériennes publiées sur les réseaux sociaux par des activistes montrent que l’ouvrage s’est inexplicablement vidé en quelques semaines, en pleine saison des pluies. Le ministère de l’Énergie parle de « phase d’expérimentation ».

Le barrage de Msaylha photographié le 6 janvier...

Le nouveau barrage de Msaylha (Batroun), dont la mise en eau était annoncée en décembre dernier, fait déjà parler de lui… pour s’être vidé trois semaines plus tard. À l’ère des réseaux sociaux, des photos aériennes, publiées par le Mouvement écologique libanais (LEM) et comparant le stockage de l’eau le 6 janvier et le 26 janvier, sont frappantes : le barrage, qui était rempli au début du mois, paraît quasiment vide aujourd’hui. Il n’en fallait pas plus pour relancer la polémique sur l’intérêt des grands barrages, considérés par beaucoup comme coûteux, facteurs de modifications profondes de l’environnement et peu efficaces, en raison de la nature karstique (donc très perméable) du sol dans le Mont-Liban.

Que s’est-il passé dans ce barrage dont la capacité globale devrait être de six millions de mètres cubes d’eau, selon le site internet du ministère de l’Énergie et de l’Eau ? Dans un communiqué publié mardi, le ministère précise que « les travaux d’expérimentation sont toujours en cours dans le barrage et le lac artificiel ». « Le barrage n’a pas encore été livré officiellement à l’administration, étant donné que certains travaux se poursuivent et que des expérimentations sont toujours en cours, poursuit le texte. Les consultants qui supervisent les travaux, Libanconsult et Coyne et Bellier, ainsi que l’entrepreneur Maltauro effectuent des expériences qui impliquent de remplir puis de vider le lac afin de s’assurer qu’il n’y a pas de défauts ». Le texte précise que cette phase d’expérimentation « devrait durer deux ans après la fin de la construction ».

Rappelons que la ministre sortante de l’Énergie, Nada Boustani, avait effectué une tournée sur le site, en présence des consultants et de l’entrepreneur, le 6 janvier. Elle avait alors déclaré que « le barrage contient actuellement deux millions de mètres cubes d’eau, soit le tiers de sa capacité ». « Les dernières pluies ont rempli le barrage, avait-elle poursuivi. Le barrage se trouve dans une phase d’expérimentation qui doit durer un à deux ans au cours desquels il pourra approvisionner la région en eau d’irrigation, sachant qu’à la fin des travaux, il desservira jusqu’à trente villages du littoral du Batroun. » Plus tôt, le 2 août dernier, alors qu’elle inaugurait des activités sportives au barrage de Chabrouh, Mme Boustani avait pourtant annoncé « la fin prochaine des travaux » dans plusieurs barrages, dont Msaylha, dans une déclaration rapportée par l’Agence nationale d’information (ANI, officielle).


(Lire aussi : Barrage de Bisri : halte au « pire scandale écologique du Moyen-Orient ! »)



L’avis d’un expert aux antipodes du ministère

Cette « phase d’expérimentation » suffit-elle à expliquer que le lac artificiel du barrage se soit entièrement vidé en plein janvier ? Dans tous les cas de figure, la publication de ces photos a suffi à jeter le doute sur l’efficacité de ce barrage, notamment à la lumière de mauvaises expériences passées, et la réponse du ministère n’est pas jugée satisfaisante par des experts et des activistes qui suivent de près ce dossier.

Interrogé par L’OLJ sur les causes possibles des fuites d’eau dans ce barrage, l’hydrogéologue Samir Zaatiti estime que, « à l’instar d’autres grands projets de ce type, il n’y a vraisemblablement pas eu d’étude géologique pour celui-ci ». « Le choix du site de Msaylha était probablement arbitraire », poursuit-il, considérant que les choix des barrages ont souvent plus de connotations politiques que scientifiques.


(Dans les archives du Commerce du Levant : Roland Riachi : « Le code de l’eau consacre la prévalence des intérêts particuliers sur le bien commun »)


Alors, que se serait-il passé, tenant compte de la version officielle du ministère ? Carte à l’appui, l’hydrogéologue fait mention d’une faille parcourant une bonne partie du caza de Batroun et qui aurait causé des brèches sous la partie sud du barrage. « Cette faille a entre 40 et 50 millions d’années, et elle a tendance à se fissurer davantage avec le temps, poursuit-il. Il y a fort à parier que le poids des deux millions de mètres cubes d’eau, ajouté à la marne (roche sédimentaire, mélange de calcite et d’argile) qui forme le fond du barrage, ait provoqué un glissement de l’eau stockée vers la mer, à travers les brèches existantes, par des voies souterraines naturelles. »

Et de poursuivre : « Dans son communiqué, le ministère prétend que le barrage a été vidé dans un acte délibéré, faisant partie d’une expérimentation. Mais alors, que les responsables nous expliquent par quelle voie ils ont fait évacuer une si grande quantité d’eau de Batroun jusqu’à la mer ! »

Une étude d’impact très tardive

« Il semble que les concepteurs du barrage aient été surpris par cette importante fuite d’eau et par la diffusion de l’information, précise pour sa part Paul Abi Rached, président du LEM, à L’OLJ. Preuve du malaise : pourquoi le ministère n’a-t-il pas cité, dans son communiqué officiel de réponse à la campagne sur les réseaux sociaux, la compagnie Batco, qui est l’entrepreneur principal de ce projet, se contentant d’énumérer les consultants ? La réponse est simple : Batco est aussi le principal entrepreneur du barrage de Brissa, à Denniyé, qui n’a jamais stocké d’eau durant ses vingt ans d’existence (voir L’OLJ du 25 septembre 2019). » À savoir que Batco est citée dans l’information sur la visite de la ministre au barrage le 6 janvier, mais pas dans le communiqué plus récent.

Paul Abi Rached évoque une autre anomalie en relation avec ce projet, document à l’appui. « Nous avons déposé une plainte contre la construction de ce barrage auprès du ministère de l’Environnement en 2014, raconte-t-il. Le ministre de l’Environnement de l’époque, Mohammad Machnouk, avait ordonné l’arrêt des travaux, étant donné que son ministère n’avait ni reçu ni approuvé une étude d’impact environnemental du projet, ce qui est contraire à la loi. Les travaux ne s’en sont pas moins poursuivis. Or, quand nous avons posé la question récemment au ministère de l’Environnement, nous nous sommes rendu compte que l’étude d’impact n’avait été fournie que le 19 décembre 2019, c’est-à-dire à la fin des travaux ! »


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Le nouveau barrage de Msaylha (Batroun), dont la mise en eau était annoncée en décembre dernier, fait déjà parler de lui… pour s’être vidé trois semaines plus tard. À l’ère des réseaux sociaux, des photos aériennes, publiées par le Mouvement écologique libanais (LEM) et comparant le stockage de l’eau le 6 janvier et le 26 janvier, sont frappantes : le barrage, qui était...

commentaires (6)

J'ai partage cet article sur ma page Facebook ce matin et, mine de rien je recois cet apres midi un avertissement de Facebook comme quoi ce "post" va a l'encontre de leur standards ... "This post goes against our Community Standards on spam CLOSED ACTIVITY About your post Today at 5:07 PM No one else can see your post. #Msaylha encore des fuites !" Quelqu'un peut m'expliquer pourquoi???

Delta Charly

18 h 36, le 30 janvier 2020

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Commentaires (6)

  • J'ai partage cet article sur ma page Facebook ce matin et, mine de rien je recois cet apres midi un avertissement de Facebook comme quoi ce "post" va a l'encontre de leur standards ... "This post goes against our Community Standards on spam CLOSED ACTIVITY About your post Today at 5:07 PM No one else can see your post. #Msaylha encore des fuites !" Quelqu'un peut m'expliquer pourquoi???

    Delta Charly

    18 h 36, le 30 janvier 2020

  • Mais quel est, ou etait, le but de ce barrage ? Peut-etre pour fournir Électricite (hydropower generation) ?? Il faut aussi se souvenir que beaucoup de libanais disent qu'ils ont besoin d'Électricite ... Aussi on parle de la ministre sortante de l’Énergie (donc possiblement le barrage est pour Énergie ). D'autre part on dit que c'est un projet d'irrigation. Pour irrigation il faut pourtant agriculture ...

    Stes David

    16 h 51, le 30 janvier 2020

  • Le plus important dans l'histoire est de savoir combien ce projet a -t-il coûté et qui a empoché les pots de vin pour confier le projet à Btco alors qu'il avait démontré son incompétence à construire des barrages puisqu'ils sont tous défaillants comme tous ces ministres et ces responsables politiques qui tiennent l'économie de notre pays? L'heure de la justice a sonné pour que toutes les personnes impliquées dans les projets foireux soient traduites devant la justice pour expliquer le gaspillage de notre argent et les sommes engagées pour aboutir à un flop total quelque soit le projet et dans n'importe quel domaine. Il est grand temps de nommer les corrompus et de les juger afin que notre pays sorte de ce protocole pourri qui fait gonflé les comptes des politiciens et détruit notre nation.

    Sissi zayyat

    11 h 11, le 30 janvier 2020

  • C'est vrai ça paraît louche, et encore, mais ne serait il plus juste et plus urgent de se révolter contre les entreprises, qui, sous la couverture des maires et des politiques, dénaturent le paysage à coups de bulldozer, et en laissant derrières elles des cicatrices indélébiles dans nos belles montagnes en toute impunité? Il ne faut se tromper de priorité.

    Citoyen

    10 h 46, le 30 janvier 2020

  • Batco a payé qui pour avoir le/les projets au Liban?

    Jack Gardner

    10 h 24, le 30 janvier 2020

  • IL Y A DE LA NEGLIGENCE A PLUS D,UNE ECHELLE DANS LES AFFAIRES DES BARRAGES D,EAU. A QUOI SERVENT LES MINISTERES ? ET LES MINISTRES ? ET LES BUREAUX D,ETUDES GEOLOGIQUES ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 31, le 30 janvier 2020

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