Dès sa toute première réunion après le vote de confiance, prévue ce midi à Baabda sous la présidence du chef de l’État, Michel Aoun, le gouvernement de Hassane Diab devra faire face à un véritable casse-tête : comment concilier les exigences de la communauté internationale et les desiderata du Hezbollah, un des principaux parrains du cabinet, en matière de réformes économiques.
Cette réunion devra prendre des décisions difficiles, au vu de la grave crise économique et financière qui secoue le pays depuis des mois. Car elle devra débattre de l’opportunité de rembourser, le 9 mars, une série d’eurobonds arrivant à échéance et qui s’élèvent à 1,2 milliard de dollars. Une question qui suscite un vif débat au niveau des cercles du pouvoir, comme dans les milieux économiques et financiers, entre ceux qui se montrent favorables au paiement de la dette à échéance, et ceux qui sont contre, lui préférant une restructuration de la dette dans son ensemble.
Le Conseil des ministres intervient aussi 24 heures après une annonce faite par une source gouvernementale citée par l’agence Reuters, et selon laquelle le Liban a officiellement demandé l’assistance technique du Fonds monétaire international en vue de la préparation d’un plan économique, monétaire et financier global pour gérer la crise actuelle. Une option dont le Hezbollah « ne veut pas entendre parler, dans la mesure où il s’agirait selon lui d’un colonialisme financier », pour reprendre les termes d’un diplomate occidental. Une source politique confie dans ce cadre à L’Orient-Le Jour que le Hezbollah s’oppose également radicalement au paiement de l’échéance de mars en temps voulu et appelle à ce que le Liban procède à des négociations avec le FMI, mais à ses propres conditions. « Ce qui importe le plus au parti chiite reste que le paiement ne se fasse pas au prix de concessions aux dépens des petits épargnants », ajoute la source qui confie que le parti a adressé un message en ce sens au Premier ministre Diab. Une information qu’un proche du Sérail préfère ne pas confirmer ou infirmer. Il se contente donc de déclarer à L’OLJ que le Conseil des ministres prendra la décision adéquate à l’issue de sa réunion aujourd’hui.
Même son de cloche du côté de Baabda où l’on affirme que le chef de l’État n’a pas encore dit son dernier mot au sujet de l’échéance de mars ni de l’assistance technique du FMI. Il devrait se décider à l’issue de la réunion financière, prévue au palais de Baabda ce matin, et à la faveur des débats en Conseil des ministres.
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La communauté internationale
En face, la communauté internationale, en particulier le Groupe international de soutien au Liban (GIS), a réitéré hier son appel à la mise en place sans tarder de « réformes crédibles » à même de redresser l’économie moribonde. Un peu plus tard, le Quai d’Orsay publiait un communiqué exhortant le nouveau cabinet à « agir rapidement pour répondre aux attentes économiques, sociales et politiques qu’expriment les Libanais depuis plusieurs mois ».
« La France, comme l’ensemble des partenaires du GIS, qui s’est réuni en décembre dernier à Paris, attend des réformes profondes et ambitieuses de la part des autorités libanaises, notamment en matière de transparence de l’économie, de soutenabilité économique et financière, de lutte contre la corruption et d’indépendance de la justice. Elles devront être conduites dans un esprit de responsabilité et dans l’intérêt général de tous les Libanais », ajoute le texte. Et de poursuivre : « La France se tient, comme elle l’a toujours fait, aux côtés des Libanais. Elle réitère son attachement à la souveraineté, à la stabilité et à la sécurité du Liban qu’il est essentiel de dissocier des tensions et des crises régionales. »
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Diab enfin à Dar el-Fatwa
Entre-temps, et après avoir obtenu la confiance du Parlement, Hassane Diab a enfin été reçu hier à Dar el-Fatwa, plus haute autorité religieuse sunnite du pays qui a soutenu jusqu’au bout l’ancien Premier ministre, Saad Hariri. S’exprimant à l’issue de la réunion, le mufti Abdellatif Deriane, qui n’a jamais exprimé son appui au Premier ministre depuis sa nomination en décembre dernier, a déclaré que « M. Diab est aujourd’hui le chef du gouvernement qui a obtenu la confiance de la Chambre ». « Je lui souhaite bonne chance au service du Liban et des Libanais, et pour réaliser leurs aspirations », a-t-il ajouté.
De son côté, M. Diab a tenu à faire savoir qu’à la suite du vote de confiance, le mufti de la République est entré en contact avec lui par téléphone pour le féliciter. « Et nous nous sommes entendus pour nous rencontrer », a-t-il déclaré, soulignant que sa visite à Dar el-Fatwa « est très normale ». Assurant que le mufti de la République est (son) « ami proche », Hassane Diab s’est félicité de son « rôle rassembleur ». « J’ai confiance en la sagesse du mufti, et je parie sur celle-ci pour assurer l’unité », a poursuivi le Premier ministre, indiquant que la discussion avec le cheikh Deriane a principalement porté sur la conjoncture sociale et financière, et l’importance de l’unification des efforts de tous, pour que le pays puisse traverser cette phase difficile.
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commentaires (9)
A force de bloquer et de mettre en panne (traduction de ta3tiil) le Hezbollah se trouve maintenant lui même en panne... bravo Comme dirait-il plus tard : Ah , encore aurait-il fallu que je le susse... Il aura à choisir entre le 2ifless totale ou la colère des sans manger
Aboumatta
22 h 14, le 13 février 2020