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Politique - Décryptage

La scène sunnite, notamment au Nord, et l’influence turque

Au cours de la dernière réunion du Haut-Conseil de défense, qui a eu lieu avant la séance parlementaire pour le vote de confiance, un des responsables sécuritaires présents avait soulevé la question du rôle d’une puissance régionale auprès de certaines formations récemment apparues dans le cadre du mouvement de contestation. Le sujet aurait ainsi été évoqué, mais aucune information n’en avait filtré à la presse.

Selon une source sécuritaire bien informée, la puissance en question serait la Turquie qui serait de plus en plus présente auprès de certaines formations, notamment dans le nord du pays. L’intérêt de la Turquie pour le Liban n’est pas nouveau. Se trouvent, en outre, au Liban-Nord, des villages turkmènes, dont celui de Kouachra au Akkar. Un village dans lequel s’était rendu, lors de sa visite au Liban en 2011, le président turc Recep Tayyip Erdogan, pour trouver des Libanais d’origine turkmène. Selon des sources, les autorités turques auraient même alors proposé aux Turkmènes du Liban d’obtenir la nationalité du pays. C’est dire que la Turquie suit de près l’évolution de la situation au Liban depuis des années. Elle était surtout présente à travers la Jamaa islamiya, l’équivalent libanais des Frères musulmans. Mais lors des dernières législatives (en 2018), la Jamaa n’a obtenu aucun député. Son candidat à Beyrouth, Imad el-Hout, s’était présenté sur la liste de Salah Salam et Bachar Kouatly, qui n’avait pas obtenu le minimum nécessaire pour avoir droit à un siège parlementaire. La Jamaa a donc connu une courte période de déclin avant de revenir en force sur la scène sunnite, notamment dans le nord du pays et dans l’Iqlim el-Kharroub (près de Saïda), d’abord par le biais d’associations de bienfaisance, puis à la faveur du vaste mouvement de contestation qui s’est déclenché le 17 octobre 2019.


(Lire aussi : Hariri tracera les grandes lignes de sa future politique dans son discours du 14 février)



Selon la source sécuritaire précitée, ce serait par exemple la Jamaa islamiya qui serait derrière la fermeture de la route côtière du Sud, au niveau de Barja, pendant les premières semaines du mouvement de protestation, avant que l’armée libanaise ne prenne la responsabilité de maintenir cette artère vitale ouverte. De même, à Beyrouth, des jeunes affiliés à la Jamaa islamiya auraient pris en charge la fermeture de la route près de la mosquée de Aïcha Bakkar, au cours des premières semaines du mouvement de protestation. Mais c’est surtout à Tripoli que la Jamaa, et à travers elle la Turquie, serait derrière le groupe qui se fait appeler « Horras al-Madina » (les Gardiens de la ville) et qui semble être un des principaux moteurs du mouvement de protestation place al-Nour dans la capitale du Nord. C’est même ce groupe qui a fondé au bout de quelques semaines, vers la mi-novembre 2019, une cuisine spéciale destinée à fournir des plats chauds aux manifestants de la place al-Nour. Pour la source sécuritaire précitée, la soudaine émergence de ces groupes, et d’autres qui évoluent dans la même mouvance, ne serait pas spontanée. Elle aurait été préparée soigneusement, à travers notamment la formation d’associations destinées à aider les réfugiés syriens très nombreux au Nord, à Tripoli et au Akkar en particulier. Pour ne citer qu’un exemple, l’Association civile islamique est très active auprès des réfugiés syriens du Nord et elle leur assure des soins hospitaliers ainsi que des aides sociales. Au fil des années et avec l’aggravation des conditions de vie des réfugiés syriens, ces associations ont pris plus d’ampleur et leur rôle est devenu plus important.

Mais, selon la source sécuritaire précitée, ce n’est pas le seul facteur qui a favorisé l’influence de la mouvance des Frères musulmans, et à travers eux de la Turquie, sur la scène sunnite. L’autre facteur déterminant a été le désintérêt saoudien de la scène libanaise. Ce désintérêt a commencé à se faire sentir avec la montée en puissance en Arabie saoudite du prince héritier Mohammad ben Salmane qui, à la différence de ses prédécesseurs, n’est jamais venu au Liban et n’a aucun lien affectif avec ce pays. Ses relations compliquées avec l’ancien Premier ministre Saad Hariri n’ont pas arrangé les choses et il est clair désormais que le prince héritier ne considère pas le Liban comme un pays dans lequel il faut investir économiquement et humainement, surtout que le Hezbollah, selon lui et selon les médias saoudiens, y devient de plus en plus influent. D’ailleurs, selon certaines informations relayées par les médias, des personnalités libanaises se seraient récemment rendues à Riyad pour solliciter l’aide des autorités saoudiennes, sans parvenir à les convaincre d’agir dans le sens d’une relance du mouvement du 14 Mars...


(Lire aussi : Diab face à un premier casse-tête : concilier les exigences internationales et les desiderata du Hezbollah)



Ce retrait relatif saoudien de la scène libanaise, et en particulier sunnite, aurait donc ouvert la voie à une influence turque accrue. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si dans certaines manifestations à Tripoli des drapeaux turcs ont été brandis...

Mais l’élément qui inquiète le plus les services de sécurité est la possibilité d’un renforcement de la présence des groupes dans la mouvance des Frères musulmans dans le nord du pays, en vue de faire pression sur la région syrienne limitrophe. Aujourd’hui, à la faveur du bras de fer qui se joue entre la Turquie d’une part et la Russie d’autre part dans le nord de la Syrie et en particulier dans la province d’Idleb, une influence des Frères musulmans dans le nord du Liban pourrait aussi être un moyen de pression à la fois sur les Syriens et sur les Russes installés à Tartous. Le souci des services de sécurité libanais est donc actuellement d’éviter toute interférence dans la crise syrienne à partir du Liban, surtout à partir du Nord fragilisé par la crise sociale et économique aiguë que traverse le pays.


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commentaires (15)

Erdogan au Akkar en 2011 (suite): Les quatre villages maronites de Chypre sont : Karabachia, Aya Marina, Assomatos et Kourmakitis. En 1974, ils se sont retrouvés en zone turque. Pour les peupler de Turcs, l'Etat turc avait envoyé des citoyens turcs d'Anatolie, qui ont détruit les quatre villages jusqu'à le dernière pierre.

Un Libanais

20 h 04, le 13 février 2020

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Commentaires (15)

  • Erdogan au Akkar en 2011 (suite): Les quatre villages maronites de Chypre sont : Karabachia, Aya Marina, Assomatos et Kourmakitis. En 1974, ils se sont retrouvés en zone turque. Pour les peupler de Turcs, l'Etat turc avait envoyé des citoyens turcs d'Anatolie, qui ont détruit les quatre villages jusqu'à le dernière pierre.

    Un Libanais

    20 h 04, le 13 février 2020

  • Erdogan au Akka

    Un Libanais

    19 h 55, le 13 février 2020

  • Selon la photo "aérienne" de la région, la Turquie et l'Iran sont proches et presque en alliance de fait avec le Qatar et les frères, selon la sagesse: l'ennemi de votre ennemi est votre ami (l'Arabie S.). En face d'eux il y a bien sûr l'Egypte du Président Sissi, l'Arabie et beaucoup de pays arabes. Le Baath syrien est laïc d'où la tension supplémentaire qui se greffe sur la guerre en Syrie contre les extrémistes avec la présence du parrain turque de certaines fractions islamistes. La région n'est pas au bout de ses peines.

    Shou fi

    19 h 36, le 13 février 2020

  • Erdogan, au cours d'un voyage au Liban en 2011, s'était offert une visite à des villages turkmènes au Akkar dont Kouachra et leur avait proposé la nationalité turque... Merci Scarlett. Selon mes lectures, depuis que le Liban existe, aucun dirigeant libanais n'a visité Chypre en se permettant de visiter les quatre villages maronites de l'Île créés par des migrants libanais maronites qui avaient fui la région du littoral-nord du Liban suite aux massacres des années 700. Ils n'y sont plus que 170, 2000 se sont installés en zone grecque, le reste ont pris le large à travers le monde. Aucun dirigeant libanais, ne leur avait proposé la nationalité libanaise.

    Un Libanais

    17 h 51, le 13 février 2020

  • Voilà à quoi ça sert d'avoir 2 fers sur le feu. Quand bensaoud n'y arrive pas, le clown Sam envoie benottoman. À chaque bactérie son remède, pour bensaoud les iraniens ont l'antidote, pour benottoman Poutine s'en charge. Merci Scarlett pour cette grandioses mise en garde.

    FRIK-A-FRAK

    16 h 54, le 13 février 2020

  • Les Turcs au Nord? et les Iraniens au Sud et dans le Bekaa?

    EL KHALIL ABDALLAH

    16 h 15, le 13 février 2020

  • Les Sunnites ont fait leur preuve de libanisme et de libanité quand on leur a assassiné Rafic Hariri un homme estimé non seulement de tous les Sunnites mais d' autres confessions .Aucun Sunnites n' a utilisé la violence . Imaginons un instant que ce serait quelqu' un d' une autre confession my God !!!!! Les Sunnites ont fait confiance à la justice de Dieu et elle est entrain de frapper car les gens qui l' ont tué on ne les reconnaitra morts qu' à la bague qu' ils portent au doigt comme Rafic Hariri. D' ailleurs nous avons observé certaines personnalités qui ne portent plus de bague pendant les discours cela serait il funeste pour eux ?

    PROFIL BAS

    14 h 37, le 13 février 2020

  • Je veux bien admettre que la chronologie politique que vous decrivez est exacte -une foi n'est pas coutume-. Cela vous surprend ? croyez-vous que les aggressions impunies aux cris de "Shia, Shia" n'ont pas eu un impact sur les autres communautes ? Les freres musulmans sont redoutablement organises et ont sans doute tiré beaucoup d'enseignements de la deconfiture Morsi. Entre un Diab sans legitimité et un Hariri en perdition La scene sunnite locale est livrée a tous les vents...et les freres musulmans excellent a profiter de ces situations. Helas.

    Lebinlon

    12 h 54, le 13 février 2020

  • C'est cela le plus grand danger qui menace l'existence du Liban : Les islamistes armés , les jihdistes sunnites !

    Chucri Abboud

    12 h 53, le 13 février 2020

  • LA DIABOLISATION DU SUNNISME -LIBANAIS- DANS TOUTES SES AFFILIATIONS LOCALES & REGIONALES CACHE T ELLE QUELQUE CHOSE DE PLUS GRAVE QUE L'ON NE CONNAIT PAS ENCORE ?

    Gaby SIOUFI

    11 h 21, le 13 février 2020

  • Eh oui, une fois de plus un dictateur en mal de domination dans des pays qui ne lui appartiennent pas, profite du manque de patriotisme, de l'ignorance associée à un besoin de "se faire remarquer" de ces soi-disant "contestataires" par des actions qui, malheureusement n'ont rien à faire avec une révolution . De même l'argent que ces contestataires reçoivent de la part de ces bienfaiteurs joue le rôle principal... Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 22, le 13 février 2020

  • Quelle tristesse d’essayer d’occulter toute la misère du monde que nous subissons à cause des Iraniens et en détournant l’attention des gens du véritable malheur de notre pays À votre décharge vous êtes restés fidèle à votre position politique en défendant les compagnons de ce célèbre Bachar qui a à son actif 650.000 morts avec Hezbollah,Iraniens et Russes Et on tue jusqu’à maintenant et je ne vous voie plus parler selon certaines sources de DAECH C’est vrai ils doivent roupiller dans des bus climatisés ! Dieu jugera tout le monde de ceux qui enfume à ceux qui ont la plume

    PROFIL BAS

    09 h 23, le 13 février 2020

  • Lire les articles de Madame Haddad c’est comme suivre une série de politique fiction sur Netflix

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 17, le 13 février 2020

  • Chère Madame après nous avoir pendant longtemps taxé de pro Saoudien et c est tout à fait légitime eu égard aux 200.000 Libanais qui y travaillent vous venez maintenant nous chercher des poux dans la tête avec les Turcs Madame sachez que les Libanais sunnites n’ont pas oublié la famine qui nous a poussé hors de notre pays Allez distraire vos lecteurs avec autre chose et selon certaines sources votre plume dans la recherche du sensationnel commence à saturer en terme de rumeurs et de on dit et elle y gagnerait à en rajouter d’autres pour s’envoler et qu’on puisse lire des choses acceptables traduisant réellement les faits

    PROFIL BAS

    06 h 50, le 13 février 2020

  • Je viens de lire cet article magistral qui va dans le sens de mes appréhensions et de mes pressentiments hélas ! Et je ne peux que féliciter la chère Scarlett pour les informations si graves qu'elle nous donne . Faut faire gaffe et ne plus prendre ces choses à la légère , comme le font la plupart des révolutionnaires inconscients et surexcité . Il y a danger dans la demeure .:

    Chucri Abboud

    01 h 45, le 13 février 2020

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