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Économie - Finances publiques

Crise économique : le cabinet Diab entre dans le dur

Le nouvel exécutif, réuni aujourd’hui à Baabda, est appelé à trancher la question du remboursement le 9 mars d’une série d’eurobonds ou du lancement, dès maintenant, de négociations avec ses créanciers en vue d’une restructuration de la dette.

Le FMI a confirmé mercredi soir, via un tweet de son porte-parole, avoir reçu la requête du Liban et s’est dit prête à y donner suite. Photo Reuters

L’urgence de la situation économique et financière du Liban est l’unique point à l’ordre du jour du Conseil des ministres qui se tiendra aujourd’hui à Baabda. Le premier après l’obtention mardi du gouvernement Diab du vote de confiance par le Parlement. Une urgence que vient illustrer la demande officielle adressée hier, selon une source gouvernementale citée par Reuters, par le gouvernement au Fonds monétaire international pour une assistance technique. Le FMI doit dépêcher une équipe d’experts dans les prochains jours à Beyrouth, selon la même source. Le nouvel exécutif est aussi appelé à trancher la question du remboursement le 9 mars d’une série d’eurobonds arrivant à échéance et qui s’élèvent à 1,2 milliard de dollars ou du lancement, dès maintenant, des négociations avec ses créanciers en vue d’une restructuration de la dette. Autant de dossiers qui seront au cœur de la mission des experts du FMI, qui doivent présenter au Liban un plan économique, monétaire et financier global pour gérer la crise.

Hier soir, l’institution a confirmé avoir reçu la requête du Liban et s’est dit prête à y donner suite. "Nous avons récemment reçu une demande des autorités libanaises pour leur fournir des conseils et une expertise technique sur les défis macroéconomiques auxquels l'économie est confrontée", a indiqué Gerry Rice, porte-parole du FMI cité dans un communiqué. Le FMI est "prêt à aider" le gouvernement, a poursuivi Gerry Rice, qui a souligné que, pour autant, "toute décision sur la dette appartient aux autorités (libanaises) et devra être prise en consultation avec leurs propres conseillers juridiques et financiers".

C’est dans ce cadre que le président de l’Association des banques du Liban a multiplié les contacts ces derniers jours avec les principaux décideurs politiques en vue d’influer sur la prise de décision relative au remboursement des eurobonds de mars. Dans un communiqué publié hier matin, l’association se dit en faveur d’un rééchelonnement de la dette (révision à la baisse des taux d’intérêt et report des échéances), mais estime que cette opération nécessite plus de temps de préparation et appelle donc le gouvernement à rembourser les eurobonds de mars.


(Lire aussi : Restructuration de la dette : L’excuse du temps n’est plus recevable, selon Sibylle Rizk)



« L’ABL, afin de protéger les intérêts des déposants, de maintenir le Liban dans le cadre des marchés financiers mondiaux, et de préserver ses relations avec les banques correspondantes, estime que l’échéance de mars devrait être payée à temps et qu’il faut commencer immédiatement les procédures requises pour traiter l’intégralité du dossier de la dette publique », plaide-t-elle. « Le non-paiement de la dette extérieure du Liban constitue un événement important qu’il faut aborder avec précision. Ceci reviendrait, dans les faits, à une reprogrammation de la dette ou son rééchelonnement en accord avec les créanciers. Pour y parvenir, il faut du temps, des contacts et des mécanismes conformes aux normes internationales et aux approches similaires adoptées par d’autres pays. Cela requiert un recours aux organes internationaux compétents pour élaborer des programmes financiers et monétaires crédibles. La période restante jusqu’à l’échéance de la dette de mars est une période très courte qui ne permet pas de se préparer et de traiter efficacement cette question nationale importante », explique longuement l’ABL.


(Lire aussi : Comment se déroule une restructuration de dette, selon Camille Abousleiman)



Mais les milieux politiques proches du gouvernement Diab ne semblent pas être du même avis. « Il est possible que le Conseil des ministres (d’aujourd’hui) débouche sur une décision de non-remboursement de l’échéance de mars », confie à L’Orient-Le Jour une source proche du CPL. « Le Liban ne devrait pas rembourser, à travers l’argent des déposants (placé par les banques à la BDL, NDLR), les eurobonds arrivant à échéance en mars sans avoir une vision et un plan clair sur l’ensemble des échéances de 2020 qui s’élèvent en tout (principal et intérêts) à 4,8 milliards de dollars », avait ainsi tweeté lundi l’ancien ministre de l’Économie, Mansour Bteich (CPL). Le député proche du Hezbollah, Jamil Sayyed, est allé plus loin en affirmant, toujours sur Twitter, que le Premier ministre Diab avait déjà donné ses directives au gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, afin de « donner la priorité à la protection des dépôts des gens et à la garantie des besoins en médicaments, farine, carburant, et non au remboursement de la dette ».


Sabotage du swap par les banques

C’est précisément pour cette dernière raison que les milieux politiques ont vu leur position évoluer sur cette question. « Les décideurs savent que la BDL ne sera pas en mesure de payer le reste des échéances de 2020, c’est-à-dire celles d’avril et de juin, et que nous aurons besoin du peu de réserves en devises qui restent pour financer les importations des produits de première nécessité », indique la source proche du CPL précitée. Avant d’ajouter que le facteur ayant véritablement fait pencher la balance en faveur d’un non-remboursement des eurobonds de mars a été le sabotage par les banques du swap qui leur avait été proposé fin décembre par Riad Salamé.

Ce swap devait être une sorte de troc dans le cadre duquel les banques locales donnent à la BDL les eurobonds qu’elles détiennent arrivant à échéance en 2020 en contrepartie d’autres eurobonds, détenus par la BDL mais arrivant à échéance beaucoup plus tard. L’objectif était de permettre à la BDL de prendre possession de la majorité des eurobonds de 2020. Ainsi, quand la BDL serait amenée à couvrir (pour le compte de l’État) les échéances de 2020, elle puiserait dans ses réserves en dollars, se remboursant elle-même. La BDL ne perdrait ainsi qu’une partie minime des réserves utilisées à cet effet car la majeure partie lui reviendra. Via ce swap, Riad Salamé espérait ainsi décaler d’au moins un an la possibilité que l’État fasse défaut.


(Lire aussi : Des détenteurs internationaux d’eurobonds s’organisent pour négocier avec le Liban)



Mais les banques ont préféré brader, ces dernières semaines, leurs eurobonds de 2020 sur le marché secondaire pour empocher quelques liquidités plutôt que de donner suite à la requête du gouverneur. « Les banques ont vendu ces dernières semaines l’équivalent de 150 millions de dollars d’eurobonds sur le marché secondaire. Cela signifie que si l’on rembourse l’échéance de mars, une partie plus importante des réserves utilisées à cet effet sortira du pays », poursuit la source proche du CPL. « Ce comportement des banques nous a empêchés de gagner du temps et nous serons donc contraints d’aller vers une restructuration de la dette dans des conditions moins idéales que prévu », ajoute-t-elle.

L’assistance technique du FMI devrait d’ailleurs apporter une expertise-conseil sur les modalités de restructuration de la dette, dans le cadre d’un plan de sauvetage plus large. L’assistance technique est à distinguer de l’aide financière que peut apporter le FMI à des pays membres en situation de crise. Elle « répond aux demandes d’aide des états membres » et consiste « à fournir des conseils sur des questions particulières de politique macroéconomique (...) dans les principaux domaines de compétence du FMI — il s’agit essentiellement de la banque centrale, des politiques de la monnaie et des changes, des finances publiques et de la préparation du budget, de la fiscalité et de l’administration de l’impôt, ainsi que des statistiques », peut-on lire sur le site de l’institution.


Les commentaires des experts

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L’urgence de la situation économique et financière du Liban est l’unique point à l’ordre du jour du Conseil des ministres qui se tiendra aujourd’hui à Baabda. Le premier après l’obtention mardi du gouvernement Diab du vote de confiance par le Parlement. Une urgence que vient illustrer la demande officielle adressée hier, selon une source gouvernementale citée par Reuters, par le...

commentaires (9)

Pour payer la dette, demandons aux argentins comment ils font.

FRIK-A-FRAK

16 h 12, le 13 février 2020

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Commentaires (9)

  • Pour payer la dette, demandons aux argentins comment ils font.

    FRIK-A-FRAK

    16 h 12, le 13 février 2020

  • Heureux les imbéciles qui croient qu'en déshabillant et Pierre pour habiller st Paul réglerait le problème actuel de la dette du pays. Ce sont les mêmes qui voient en la présence d'un parti armé et vendu le sauveur du pays. Ils voient le problème depuis leur l'ornière et croient comprendre la situation qui ne s'est jamais vu dans aucun autre pays comme un fait habituel et normal puisque les voleurs sont les mêmes qui prétendent protéger les citoyens des forfaits commis par des fantômes, et les larcins par des zombies. Et tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.

    Sissi zayyat

    12 h 29, le 13 février 2020

  • Chaque dollar remboursé viendra diminuer la capacité de l'Etat et des banques à laisser les clients retirer de leurs dépôts pour vivre, commercer, etc. La discussion est nécessaire sans doute mais le bon sens doit prévaloir sur les intérêts illégitimes des banques. Si l'Etat doute encore sur ce qu'il devrait décider il lui suffira de faire le contraire de ce que l'Association des banques lui demande, car l'ABL et la BDL sont les architectes, les constructeurs, les metteurs en scènes et les acteurs principaux de la crise bancaire actuelle. Les clients servaient de figurants.

    Shou fi

    09 h 47, le 13 février 2020

  • S'il reste un peu d'argent a la BDL (personne ne sait combien) ca doit etre l'argent des deposants. La BDL ne doit pas rembourser ses dettes et celles de l'etat en utilisant l'argent des gens.

    EL KHALIL ABDALLAH

    09 h 19, le 13 février 2020

  • Le hair cut aura lieu et une fois de plus le citoyen qui a gardé quelques réserves pour vivre sera touché et appauvri . Triste .

    Antoine Sabbagha

    08 h 29, le 13 février 2020

  • "... "Nous avons récemment reçu une demande des autorités libanaises pour leur fournir des conseils et une expertise technique sur les défis macroéconomiques auxquels l'économie est confrontée" ..." Je me demande quelle place dans les recommandations aura "arrêtez de voler l’argent du peuple"...

    Gros Gnon

    08 h 07, le 13 février 2020

  • LES PROJETS DU FMI SONT DES COUPURES DE SALAIRES ET DE NOUVELLES TAXES TVA COMPRISE. ET D,AUTRES MESURES ANTI POPULAIRES. LE FMI CHARGE TOUS LES FARDEAUX SUR LE DOS DU BAUDET... EN L,OCCURENCE LE PEUPLE LIBANAIS. ON NE TOUCHE PAS AUX MILLIARDAIRES ET MULTIMILLIONNAIRES CAD AUX CORROMPUS ET VOLEURS. CE QUI A ETE VOLE A ETE VOLE. LE PEUPLE EN PAYERA LES POTS CASSES. VOILA CE QU,EST LE FMI. LA GRECE EN A GOUTE BIEN AMEREMENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 37, le 13 février 2020

  • La meilleure aide du FMI, serait d'aider en premier à rapatrier tous les(vrais) dollars sortis en 2019,et les récupérer au besoin pour son assistance urgente qui serait équivalente à la somme sortie du système financier interne en 2019. Ceux qui ont fait sortir leurs dépôts en 2019, sont les banquiers et les politiciens surtout qui savient la gravité de la situation financière ,et en toute hypocrisie, ils ont voulu échapper à la situation actuelle. Un audit au niveau de la BDL, et une intervention urgente pour soumettre les responsables à la BDL à la justice(la vraie), et commencer à confisquer leurs biens aussi bien à l'étranger qu'à l'intérieur du pays. Tout ceci car les dollars sortis sont les vrais dollars,et en les récupérant deviennent "fresh money", et ceux qui restent sur les comptes des déposants sont des lollars ou faux dollars.

    Esber

    05 h 18, le 13 février 2020

  • On fait de la question du remboursement de la dette tout un drame! Alors que le remboursement de la dette pourrait être négocié et son paiement échelonné! Le Liban n’est pas le seul pays endetté, ni le premier pays à négocier les conditions de remboursement: Une liste officielle dressée par le FMI recense les défauts souverains ainsi que les restructurations de dette des pays indépendants (une centaine) , de 1300 à 2017 ! Alors calmons nous et agissons en conséquence de notre condition actuelle! Ce n'est pas la fin du monde, c'est le début de la fin de nos malheurs

    Chucri Abboud

    02 h 16, le 13 février 2020

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