Alors qu’ils se voulaient ces derniers jours optimistes quant à la genèse imminente du prochain gouvernement, dans la mesure où les principaux obstacles auraient été surmontés, les milieux proches du Premier ministre désigné, Hassane Diab, mais aussi ceux de ses « parrains » ont « mis de l’eau dans leur vin », estimant hier que la mise sur pied du futur cabinet aurait lieu la semaine prochaine, comme l’a espéré hier le chef de l’État, Michel Aoun, devant une délégation de la Fondation maronite dans le monde. Est-ce une conséquence de l’assassinat, en Irak, du chef de la brigade al-Qods au sein des pasdaran, Kassem Soleimani ? Aussi bien à Baabda que dans certains milieux politiques proches des tractations en cours, on répond par la négative. Selon ces milieux, il reste quelques détails à régler, notamment pour ce qui est des ministrables chrétiens, ainsi que la répartition des portefeuilles ministériels. À en croire certains médias locaux, ces deux points seraient au centre d’un entretien que le Premier ministre désigné devait encore avoir avec le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. Il s’agirait ainsi de leur seconde rencontre en l’espace de deux jours. Selon notre correspondante Hoda Chédid, le leader du courant aouniste s’est rendu hier au palais de Baabda pour tenir le chef de l’État informé de son entretien avec Hassane Diab. Ce dernier aurait également rencontré Ali Hassan Khalil, ministre sortant des Finances et bras droit du président de la Chambre, ainsi que Hussein Khalil, conseiller su secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah.
Le chef du gouvernement désigné poursuit donc ses contacts afin de mettre sur pied un gouvernement restreint de 18 ministres spécialistes indépendants des partis politiques, d’ici à la semaine prochaine, comme le confie une source bien informée à L’Orient-Le Jour, tout en prenant soin d’assurer que l’assassinat de Kassem Souleimani ne devrait pas retarder la formation du cabinet, dans la mesure où tout le monde en a besoin dans les plus brefs délais. Même son de cloche chez le Hezbollah, dont les milieux contactés par L’OLJ n’établissent aucun lien entre le processus gouvernemental au Liban et le raid américain à Bagdad.
(Lire aussi : Et rebelote..., le billet de Gaby NASR)
Quelques noms…
Quoi qu’il en soit, les noms de ministrables continuent de circuler dans les milieux politiques. Et c’est dans ce cadre que les développements les plus significatifs auraient été enregistrés. De source bien informée, on apprend ainsi qu’il a été décidé d’attribuer le ministère des Finances à l’économiste Ghazi Wazni (chiite), proche de Nabih Berry, sachant que le tandem chiite devrait se voir attribuer les portefeuilles de la Santé, de l’Industrie, et de l’Agriculture, fusionné avec le Tourisme.
Quant au lot réservé à la communauté sunnite, il devrait inclure en principe le ministère de l’Intérieur, les Télécoms et l’Éducation, apprend-on de source informée. Un partage que Hassane Diab serait parvenu à opérer en dépit de l’opposition du courant du Futur à sa nomination, et après avoir peiné à obtenir la couverture sunnite dont il avait besoin. Des milieux religieux sunnites indiquent dans ce cadre à L’OLJ que, contrairement aux attentes, le Conseil supérieur chérié ne tiendra pas de réunion aujourd’hui pour se prononcer au sujet du processus ministériel, à l’heure où la rue sunnite n’a pas caché son mécontentement quant à la désignation de M. Diab à la présidence du Conseil.
Du côté des chrétiens, notre correspondante indique qu’en dépit de leur opposition à la manière dont est géré le dossier gouvernemental, les Marada devraient présenter les noms de deux femmes, afin d’en choisir une pour le ministère des Travaux publics, un poste que le parti de Sleiman Frangié conservera pour la troisième fois consécutive. À son tour le Tachnag aurait proposé au Premier ministre désigné les noms de cinq femmes, dont une devrait être nommée à la tête des ministères de la Culture et de l’Information fusionnés.
Le cabinet Diab bute encore sur les noms des ministrables relevant du lot du chef de l’État et du bloc dit du Liban fort. Il s’agit surtout du ministère des Affaires étrangères. À l’heure où les noms de Damien Kattar, ancien ministre des Finances, et Nagi Abi Assi, ancien ambassadeur et ex-directeur de la présidence de la République, semblent désormais exclus, certains milieux évoquent le nom de Nassif Hitti, et celui de l’ancien président du Conseil d’État, Henri Khoury, pour le portefeuille de la Justice. En ce qui concerne les ministères de l’Environnement et d’État pour la Réforme administrative, il s’agirait de Manal Moussallem.
Pour ce qui est du portefeuille régalien de la Défense, des spéculations médiatiques portent sur Amal Haddad, ancienne bâtonnière de Beyrouth, ainsi que Jean Salloum et Michel Menassa, tous deux anciens officiers à la retraite.
Il reste que le plus grand obstacle que Hassane Diab devrait encore franchir reste celui de la représentation des druzes. Après l’escalade verbale du leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, qui avait plaidé jeudi pour que sa communauté se voie attribuer « au moins les Travaux publics ou l’Industrie », les deux adversaires de M. Joumblatt, à savoir les anciens ministres Wi’am Wahhab et Talal Arslane, se sont invités hier dans la partie. À l’issue de leur entretien tenu au domicile de M. Arslane à Khaldé, ils ont eux aussi plaidé pour « une représentation de qualité » de la communauté druze, emboîtant ainsi naturellement le pas à Walid Joumblatt. Des prises de position que certains interprètent comme de la « surenchère druze », à l’heure où le nom de Ramzi Moucharrafié semble donné favori pour occuper le seul siège druze dans une formule de 18 ministres.
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commentaires (8)
Arrêtons ces considérations sectaires et communautaristes qui n'ont plus de sens au 21e siècle. Une communauté, en l'occurrence les Druzes dans ce cas, ne doit pas être en mesure de paralyser voire de retarder la formation du gouvernement dont le Liban a grand besoin dès que possible !
Tony BASSILA
11 h 06, le 05 janvier 2020