Gouverner c’est prévoir… À force d’être un peu trop galvaudé, ce dicton populaire est devenu d’une banalité ennuyante. Mais dans le cas (très) particulier (et unique) du Liban, il ne sera jamais superflu de le rappeler à qui continuerait à faire la sourde oreille parmi nos dirigeants.
Nous l’avons déjà relevé à plus d’une reprise dans ces mêmes colonnes, et nous ne le répéterons jamais suffisamment… Le violent séisme économique, social, financier et politique, qui ébranle aujourd’hui le pays du Cèdre – un séisme sans précédent depuis la proclamation du Grand Liban il y a bientôt un siècle –, est le fruit d’un long cumul de conduites irresponsables et criminelles. Peut-on en effet porter un autre jugement face à celui qui est à la tête du législatif depuis des décennies et qui assume une large part de responsabilité dans le déficit budgétaire et l’accroissement de l’endettement public parce que, des années durant, il a littéralement gavé les administrations publiques de sa clientèle partisane, sans aucune retenue ?
Comment qualifier ceux qui ont plombé de manière soutenue l’économie nationale et provoqué la récession en coupant court aux investissements étrangers (et même locaux) ainsi qu’à l’aide arabe et internationale (sans compter les transferts des expatriés) du fait de leurs menaces persistantes et de leur permanente posture guerrière ?
Que dire aussi de ceux qui avaient constamment la charge, au cours des dernières années, de portefeuilles aussi sensibles que les Finances, les Télécoms et l’Énergie, et qui se sont livrés, eux ou leurs maîtres, à un affairisme irresponsable et sans limites, au lieu d’assurer une gouvernance « acceptable » des services publics (car la « bonne » gouvernance paraît une utopie dans ce pays) ?
Quid, en outre, de celui qui était à la tête de l’exécutif tout au long de ces longues années de dérive, de descente aux enfers, et qui a laissé faire, qui voyait à n’en point douter les lourds nuages sombres s’accumuler à l’horizon et qui n’a rien fait pour stopper net la catastrophe en tapant du poing sur la table ? Sa fonction, ou plutôt sa mission la plus élémentaire, n’était-elle pas d’affronter le cyclone qui s’annonçait ?
Comble du paradoxe c’est un Premier ministre nouvellement parachuté dans l’arène politique (et quelle arène !), n’ayant qu’une maigre expérience dans la gestion des affaires publiques et de modestes connaissances en matière économique, qui est chargé aujourd’hui de prendre la tête d’une équipe appelée à faire face à la situation la plus complexe et la plus grave que le Liban ait jamais connue durant toute son histoire contemporaine. Le peu d’informations qui a filtré sur le personnage illustre quelques traits de caractère qui ne sont pas dépourvus d’intérêt : un ego particulièrement développé et un narcissisme poussé à l’extrême. Le chef du gouvernement en gestation serait-il amené, compte tenu de ce profil psychologique, à tout mettre en œuvre, à surmonter tous les obstacles, quitte à s’opposer avec véhémence aux rapaces qui l’entourent, pour réussir contre vents et marées dans sa mission et faire ainsi son entrée (inespérée) dans l’histoire comme l’homme qui aura sauvé le Liban de l’effondrement généralisé, ce qui satisferait son ego et son narcissisme aigu ? Sa solide formation académique et sa réputation de « bûcheur » sérieux permettent d’espérer que tel pourrait être le cas.
Mais un autre scénario n’est pas aussi à écarter : Hassane Diab pourrait se contenter plus simplement de se laisser entraîner sur la voie périlleuse des compromis et des marchandages avec ceux qui l’ont désigné, dans le seul but de se maintenir à son poste de Premier ministre, quel que soit le prix à payer, de manière, là aussi, à satisfaire son ego et son élan narcissique, mais de manière superficielle.
Pour lequel de ces deux scénarios le président du Conseil désigné optera-t-il dans les faits? La réponse ne saurait tarder à pointer du nez. Force est de relever toutefois que le prétendant à la succession de Saad Hariri est engagé dans des tractations avec trois des quatre formations directement responsables de la débâcle qui ébranle le pays. Il risque d’en résulter, s’il ne s’affirme pas suffisamment, la désignation d’un bon nombre de ministres choisis par ces factions et donc soumis à celles-ci, ce qui contredirait la position qu’il a affichée dès le départ lorsqu’il a affirmé sa volonté de mettre sur pied une équipe regroupant des « spécialistes indépendants ».
Encore faut-il définir le terme « indépendants » : s’agirait-il (option hypothétique) de ministres véritablement autonomes, dans toute l’acception du terme, ce qui constituerait une indéniable lueur d’espoir ? Ou se trouverait-on plutôt devant des ministres non partisans, certes, mais proches des trois formations politiques incriminées – ce qui nous ramènerait à une mouture déguisée (et insidieuse) du gouvernement sortant, avec tout ce que cela comporte comme risques au niveau d’une résurgence de l’affairisme et du mercantilisme sauvages ? Auquel cas, les irresponsables criminels auraient réussi à s’accorder une nouvelle chance, au grand dam d’une population prise en otage par plus d’un vorace sans foi ni loi. Mais ce ne sera là qu’une situation temporaire, car il y a désormais un « après » 17 octobre 2019…
commentaires (8)
posons le débats,et explorons les idees que peut on reprocher a Geagea apres sa sortie de prison !?!? le fait qu'il a soutenus Aoun pour la presidence? mais honnêtement qu'aurait il fait autrement afin de pouvoir surveiller de l'interieur sur ce qu'Il se passe?? je ne dedouane pas le hakim, mais il faut quand meme etre objectif meme du coter du hezb, cpl rtcil y a des gens capable et honnete d'ailleurs n'est ce pas les FL qui ont avertie plusieurs fois a propos de la BDL ? a propos des fonds a l'électricité? et j'en passe .. je ne dis pas qu'il ne faut pas changer non bien au contraire
Bery tus
01 h 40, le 01 janvier 2020