Les jours passent, et les responsables politiques, ou du moins leur écrasante majorité, s’obstinent à continuer de faire la sourde oreille au mouvement de contestation, mais aussi au patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, qui les presse pour que soit formé un nouveau gouvernement de spécialistes indépendants.
Les contacts et marchandages pour la formation du prochain cabinet se poursuivent donc, mais butent sur plusieurs obstacles, celui de la représentation sunnite bien sûr, mais aussi maronite et chiite. Il est donc désormais clair que le Premier ministre désigné Hassane Diab ne pourra pas former son équipe avant le Nouvel An. Ce qui n’empêche pas Baabda de tenter de distiller un climat d’optimisme quant à une prochaine mise sur pied du nouveau gouvernement. Une source proche de la présidence assure ainsi à L’Orient-Le Jour que le principe d’un cabinet restreint de 18 ministres spécialistes semble acquis. Et les tractations s’articulent aujourd’hui autour de la répartition des portefeuilles et des noms des ministrables. De même source, on apprend que les négociations portent aussi sur les femmes ministrables.
Hassane Diab, lui, fait toujours face aux parties mêmes qui ont appuyé sa candidature à la présidence du Conseil. Il s’agit notamment du Hezbollah et du mouvement Amal, dont il aurait rencontré les représentants, Hussein Khalil, conseiller du secrétaire général du Hezbollah, et Ali Hassan Khalil, bras droit de Nabih Berry et ministre sortant des Finances. Selon notre correspondante Hoda Chedid, tandis que M. Diab veut que son équipe soit épurée des ministres sortants, le Hezbollah entend reconduire Jamil Jabak au ministère de la Santé et le mouvement Amal désire maintenir Hassan Lakkis à l’Agriculture.
En face, les milieux proches du Premier ministre désigné assurent à L’OLJ que Hassane Diab est résolument attaché à la mise sur pied d’un gouvernement exclusivement formé de spécialistes indépendants, tel que réclamé par le mouvement de contestation. Dans les mêmes milieux, on fait savoir qu’il poursuit ses contacts avec toutes les parties politiques, sans exception. On fait état aussi de « contacts intensifiés » avec « des représentants du mouvement contestataire ». Sauf que, contrairement à ce qu’aurait pu espérer Hassane Diab, les protestataires ne cachent pas leur opposition à sa désignation à la présidence du Conseil. Pour la seconde journée consécutive, des centaines de manifestants ont défié le mauvais temps et se sont rassemblés devant son domicile à Beyrouth pour l’exhorter à se retirer, dans la mesure où il ne répond pas à leurs demandes.
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Injustice sunnite
Tout comme le mouvement de contestation, la rue sunnite ne cache pas sa colère quant à la désignation de Hassane Diab pour succéder à Saad Hariri. Les partisans du courant du Futur continuent donc à se mobiliser pour pousser le Premier ministre désigné à jeter l’éponge, à l’heure où il peine à obtenir la couverture sunnite dont il a besoin pour former son équipe. « Qu’il surmonte cet obstacle avec l’aide de ceux qui ont appuyé sa nomination », lance un proche de Saad Hariri, rappelant que le Premier ministre démissionnaire a appelé ses partisans et sympathisants à ne pas recourir à la rue, mais sans succès. « Cela s’explique par le fait que les sunnites éprouvent un sentiment d’injustice, tout comme ce fut le cas des chrétiens par le passé », analyse ce proche de M. Hariri pour L’OLJ, assurant que le leader du Futur « ne pourrait revenir que selon les conditions qu’il avait posées avant son retrait », à savoir un cabinet de spécialistes indépendants avec des prérogatives exceptionnelles, afin de pouvoir sauver le pays et, surtout, son économie moribonde.
S’il ne bénéficie naturellement pas de l’appui du courant du Futur, Hassane Diab semble chercher une couverture sunnite en puisant dans les rangs des députés de la Rencontre consultative (8 Mars), seuls parlementaires sunnites à l’avoir nommé lors des consultations contraignantes tenues à Baabda le 19 décembre. M. Diab s’est entretenu avec ces députés, confirme une source informée, assurant que ses interlocuteurs n’ont formulé qu’une seule demande : inclure dans la future équipe ministérielle des ministres originaires des régions que les membres de la Rencontre représentent.
Les milieux proches de M. Diab précisent, quant à eux, que l’entretien avec les sunnites gravitant dans l’orbite du 8 Mars ne vise pas à les substituer au courant du Futur. D’autant qu’il n’est pas question d’un gouvernement politique, mais d’une équipe épurée des partis en présence. La réunion s’inscrit donc dans le cadre des contacts menés par le Premier ministre désigné, ajoutent ces milieux, qui soulignent qu’il en est de même pour la récente conversation téléphonique entre ce dernier et le leader des Forces libanaises Samir Geagea. Selon un responsable FL contacté par L’OLJ, le chef du parti a réitéré son appel à la formation d’un cabinet de spécialistes indépendants.
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Michel Aoun et Gebran Bassil
Parallèlement aux efforts de Hassane Diab, se multiplient les accusations lancées contre le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, suspecté de « s’ingérer dans le processus gouvernemental », notamment pour ce qui est de la représentation des chrétiens. Mais une source au sein du parti réfute naturellement toutes ces accusations. Elle rappelle que M. Bassil dirige le plus large groupe parlementaire et qu’il a donc le droit de donner son avis. Mais cela ne signifie pas qu’il forme le cabinet à la place de Hassane Diab. « Nous avons déjà dit que nous sommes favorables aux spécialistes appuyés par les partis. Mais il reste que M. Diab devra se concerter avec nous au sujet de la quote-part chrétienne », affirme la source aouniste. Mais selon notre correspondante Hoda Chédid, Gebran Bassil insiste pour que soient reconduits à leurs postes les ministres sortants Mansour Bteich (Économie) et Nada Boustani (Énergie). Un obstacle qui vient s’ajouter à celui de la représentation maronite dans la mesure où le chef de l’État, M. Bassil et les Marada tiennent à nommer trois des quatre ministrables maronites, alors que M. Diab entendait en nommer deux indépendants. De son côté, le Parti socialiste progressiste voudrait « donner son avis » au sujet du seul ministre druze dans une formule restreinte de dix-huit...
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commentaires (11)
Incompréhensible est la colère de la rue sunnite qui s'entête à réclamer le retour de Saad Hariri à la tête du gouvernement. Ce dernier ayant démissionné sous la pression de la rue depuis le 17 octobre. D'ailleurs Hariri fils n'a jamais eu le potentiel requis pour diriger le cabinet ,préférant ,most of the time à faire des sauts et des galipettes impromptus à l'étranger pour des voyages d'agrément. Pourquoi la rue sunnite ne donnerait- elle pas une chance à Hassane Diab ? Cest à se demander s'il n'y aurait pas anguille sous roche devant cet obstination pas très innocente ,qui ne sert qu'à aggraver davantage la situation désastreuse ds laquelle se trouve le pays .
Hitti arlette
16 h 07, le 30 décembre 2019