Alors que la tension dans la région entre d’une part l’Iran et ses alliés et d’autre part les États-Unis monte d’un cran, les efforts pour former un nouveau gouvernement au Liban semblent progresser. L’annonce de la formation du nouveau cabinet serait même prévue au cours des prochains jours. Certains peuvent se demander comment il serait possible pour le Liban de se doter d’un nouveau cabinet dans un contexte régional et international aussi complexe. Mais la vérité, selon des sources diplomatiques occidentales, c’est qu’en dépit des derniers développements, en Irak notamment, les Américains et les Iraniens ont montré qu’ils savent manier l’équilibrisme et la politique du bord du gouffre. Justement, selon les mêmes sources, les derniers développements en Irak ont montré qu’en dépit de leurs divergences profondes et de la pression des échéances internes (les Iraniens ont des élections municipales en février et les Américains un scrutin présidentiel en novembre), les deux parties ont montré qu’elles ne veulent absolument pas aller vers la guerre ou la confrontation directe et qu’il s’agit, pour chacune d’elles, d’accumuler les cartes pour renforcer leurs positions respectives en vue du dialogue qui devrait commencer un jour ou l’autre.
Selon cette logique, toutes les scènes de la région où les sunnites et les chiites sont face à face peuvent être utilisées dans ce bras de fer indirect. Sauf au Liban. En effet, pour les sources diplomatiques occidentales précitées, le Liban est considéré comme une zone à hauts risques pour les Américains et pour leurs alliés israéliens. C’est pourquoi si la priorité des Américains reste d’affaiblir le Hezbollah et de circonscrire son influence sur la vie politique libanaise, ils ne veulent pas prendre le risque de bouleverser complètement la situation et d’aboutir à l’effondrement total du pays, car cela aurait des répercussions négatives sur leurs alliés. D’abord, toujours selon les mêmes sources, un Hezbollah coincé et pris au piège pourrait tenter une diversion dans une opération contre Israël, au moment où les Israéliens traversent une crise politique interne sans précédent. Ensuite, l’effondrement économique et financier au Liban pourrait provoquer un chaos ingérable qui risquerait de jeter dans les rues les déplacés syriens et les réfugiés palestiniens, menaçant ainsi les intérêts européens, et occidentaux en général, dans ce pays. Enfin, les alliés des Américains et des Occidentaux au Liban seraient les principaux perdants de l’effondrement financier et économique puisque ce sont eux, et non le Hezbollah, qui tiennent les rênes du système financier et économique du pays.
Dans ce sillage, la visite du secrétaire d’État adjoint David Hale au Liban a montré une volonté de la part de l’administration américaine de ne pas pousser le Liban vers le chaos, tout en poursuivant la politique des sanctions contre le Hezbollah. Indépendamment du contenu des entretiens de M. Hale avec ses interlocuteurs libanais, les messages qu’il a voulu délivrer à travers les photos de ses entretiens s’inscrivaient dans ce sens.
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Concrètement, cela se traduit par une neutralité bienveillante à l’égard du Premier ministre désigné et de ses efforts pour former rapidement un gouvernement. Autrement dit, l’opposition de ce qu’on appelle la rue sunnite, et en particulier celle des partisans du courant du Futur, ne bénéficie pas d’une couverture internationale, ni même régionale. Il s’agit donc d’une action interne qui ne s’inscrit pas dans un projet consistant et, en principe, même si elle se poursuivait, elle ne semble pas être de nature à pousser le Premier ministre désigné à renoncer à sa mission. De même, les différents groupes du mouvement de protestation adoptent au sujet de la formation du gouvernement une attitude de vigilance positive, annonçant qu’ils veulent maintenir la pression mais que leur position définitive attendra l’annonce du gouvernement.
De toute façon, ceux qui connaissent Hassane Diab sont convaincus que c’est un homme déterminé et qui sait ce qu’il veut. Il ne cherche pas à former une dynastie politique et encore moins un parti, et il n’a pas non plus des sociétés ou des intérêts économiques à préserver. De plus, il n’a pas de coloration politique précise et il veut simplement travailler pour sortir le Liban de la crise. Ceux qui suivent les négociations pour la formation du gouvernement confient que le Premier ministre désigné ne cède pas aux pressions et qu’il est très pointilleux sur le fait de ne laisser personne intervenir dans son action. Il consulte, enregistre, mais c’est lui seul qui prend les décisions. Cette attitude était d’ailleurs claire au cours de ses visites protocolaires aux anciens présidents du Conseil. Et lorsque l’ancien Premier ministre Sélim Hoss lui a dit : Le président du Conseil reste fort tant qu’il ne demande rien pour lui-même, Hassane Diab a hoché la tête en signe d’approbation, ajoutant qu’il n’acceptera pas de former un gouvernement qui ne lui ressemble pas, c’est-à-dire qui ne regrouperait pas des spécialistes crédibles et indépendants, dans le sens qu’ils ne sont pas affiliés à des courants ou à des partis.
Les milieux qui suivent la formation du gouvernement précisent aussi que le Premier ministre désigné est en train de mettre les dernières touches à la proposition qu’il compte soumettre au président de la République au cours des prochains jours. Hassane Diab insiste pour un cabinet de 18 ministres et la plupart des obstacles, notamment ce qu’on a appelé le nœud druze, auraient été surmontés. Il aurait en effet décidé de donner aux druzes deux portefeuilles au lieu d’un, confiés à un même ministre, pour compenser le fait que cette communauté ne serait représentée que par une seule personne dans une équipe de 18. La plupart des noms des futurs ministres auraient donc été choisis et il resterait encore d’ultimes concertations, au sujet de la distribution des portefeuilles notamment... Sauf imprévu, ce serait donc le dernier sprint avant l’annonce du nouveau gouvernement.
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commentaires (9)
Mais on va voir si le Hezbollah accepte surtout maintenant qu'ils ont perdu leur chef diabolique
Eleni Caridopoulou
20 h 20, le 05 janvier 2020