L’intifada populaire contre la classe politique libanaise accusée d’incompétence et de corruption entamera bientôt son second mois : quasiment trente jours de manifestations continues et très largement pacifiques, à l’exception d’épisodes plus ou moins violents, dont le plus grave a été le meurtre d’un protestataire Ala’ Abou Fakhr à Khaldé (sud de Beyrouth) mardi soir.
Et pourtant, dans certains discours, on trouve des références à un risque de glissement vers la guerre civile, ou du moins à des troubles sécuritaires. Certaines images fortes sont venues réveiller les vieux démons : mercredi, un homme armé d’une kalachnikov a tiré vers des protestataires à Jal el-Dib (Metn). Il a été identifié par des témoins comme étant un membre du Courant patriotique libre, mais le parti a nettement démenti cela (voir L’OLJ du jeudi 14 novembre). Une autre image forte a été celle de manifestants construisant un mur à l’intérieur du tunnel de Nahr el-Kalb, également mercredi soir. Cette ébauche de mur a été rapidement démolie suite au tollé suscité par cette initiative, mais le fantôme de l’isolement des régions est revenu hanter ceux qui ont connu la guerre.
Qui cherche à réveiller les spectres du passé et courons-nous vraiment le risque d’un glissement vers la violence, alors même que des manifestants issus de toutes les communautés et de toutes les régions du Liban crient haut et fort les mêmes revendications et la même volonté d’en finir avec la classe dirigeante ? Parmi ceux qui n’ont pas hésité hier à évoquer le spectre d’une guerre figure le président iranien Hassan Rohani. « Il y a (au Liban) des parties qui veulent transformer les manifestations en guerre civile », a-t-il déclaré, sans dire à qui il faisait allusion. Pour sa part, Gebran Bassil, ministre des Affaires étrangères et chef du CPL, a mis en garde dans un tweet contre « toute volonté de sabotage qui mènerait le pays à des affrontements ». Le ministre Élias Bou Saab, du même groupe parlementaire, a déclaré que le pays était « dans une très mauvaise situation », comparant cette période avec celle qui a précédé la guerre de 1975-1990.
Interrogée sur ces multiples références à la guerre civile, May Khoreiche, vice-présidente du CPL pour les affaires politiques, souligne que « depuis les premiers jours du mouvement populaire, nous avons mis en garde contre des acteurs qui pourraient surfer sur la vague des revendications du mouvement », sans toutefois les nommer. Elle précise que son parti « n’utilise pas le mot guerre mais met en garde contre le chaos qui pourrait mener le pays à une dégradation sécuritaire ».
Pourquoi ces références surviennent-elles surtout dans les discours d’un seul camp politique ? « Il est vrai que nous constatons que certaines images nous rappellent la guerre, cela ne veut pas dire qu’elle aura lieu, répond-elle. Bien au contraire, il était clair dans le discours du président (de la République Michel Aoun, fondateur du CPL) que nous ne permettrons pas que cela se passe ainsi. » Elle ajoute : « Certains comportements suscitent néanmoins des interrogations, notamment la fermeture des routes. Comment bloquer une route aux habitants de sa propre région sert-il les revendications sociales ? À cela est venu s’ajouter l’image du mur construit à l’intérieur même du tunnel de Nahr el-Kalb. Qui a eu une idée pareille, dans une région aussi sensible ? » Que dit-elle de l’incident de Jal el-Dib ?
« C’était inévitable en pareil contexte de tension dû à la fermeture de routes, souligne-t-elle. Mais nous n’y sommes pour rien, si nous voulions agir de la sorte, nous l’aurions fait bien avant. »
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Réveiller les rivalités
Pour sa part, Georges Okaïs, député des Forces libanaises, souligne que « le sujet de la guerre civile est extrêmement sensible pour les Libanais des générations traumatisées par cette période », estimant qu’il est utilisé « à des fins d’intimidation par les autorités ». « La réconciliation de Taëf (accord qui a mis fin à la guerre en 1989) n’a pas vraiment permis de clore ce chapitre douloureux, c’est cette intifada actuelle qui l’a fait. En quoi certains voient-ils la guerre civile dans cette scène d’unité des Libanais à travers le pays ? Preuve en est, les hommages unanimes, à travers tout le Liban, à Ala’ Abou Fakhr, considéré comme le martyr du Liban, alors que les autres martyrs sont ceux de leur communauté principalement », ajoute-t-il.
Pourquoi les FL sont-elles soupçonnées, qu’elles soient explicitement nommées ou pas, d’infiltration du mouvement populaire dernièrement dans cet épisode du mur dans le tunnel, image forte de la guerre s’il en est ? « Ils tiennent à nous faire jouer un rôle qui n’est pas le nôtre, répond-il. Comme si le parti des FL était le seul ayant pris part à la guerre ! Certains se focalisent sur une rivalité de longue date pour se sortir du pétrin, mais s’ils avaient des preuves de cette implication, ils les auraient révélées depuis longtemps. »
Guerre des rumeurs
Côté société civile, Khalil Hélou, général à la retraite et participant actif à la révolte depuis ses débuts, pense que les allusions à la guerre « ont commencé dès les premières déclarations du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, avec des menaces à peine voilées qui se sont soldées par des attaques sur les places Riad el-Solh et des Martyrs à Beyrouth ». « L’intifada a été provoquée par la situation financière difficile et les problèmes de la vie quotidienne, dit-il. Certaines parties veulent à tout prix affirmer que les États-Unis sont derrière ce mouvement, mais s’ils avaient trouvé une quelconque preuve, ils l’auraient déjà divulguée. Or l’intifada se poursuit parce que la situation économique et sociale reste inchangée. »
Commentant les images de Jal el-Dib, le général Hélou souligne qu’elles se sont accompagnées dans la place Riad el-Solh de très nombreuses rumeurs qui circulaient sur une distribution d’armes dans certains sièges de partis. « Or toutes ces rumeurs sont infondées, comme nous avons pu le vérifier, assure-t-il. Il s’agit d’une campagne orchestrée pour nous mettre en porte-à-faux avec l’armée. Mais jusque-là, ces nombreuses tentatives n’ont pas abouti parce que nous y prêtons attention et que la présence de généraux à la retraite contribue à installer la confiance entre les manifestants et l’armée. »
Pour le général Hélou, donc, ces nombreuses allusions à la possibilité d’une guerre civile visent en premier lieu à faire imploser le mouvement populaire, comme les rumeurs persistantes d’une manipulation par certaines parties comme les FL, régulièrement démenties par les manifestants qui s’opposent à toute la classe politique. « Certaines parties concentrent leurs efforts sur deux fronts : soit essayer de ranimer les dissensions entre CPL et FL, ce qui ôterait tout sens à l’intifada dans des régions précises, soit provoquer des tensions entre les manifestants et l’armée », explique-t-il.
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« Il faut deux parties armées pour faire la guerre »
Toutefois, pour le général à la retraite, un retard dans la formation du gouvernement rendrait la confrontation dans la rue inévitable. Cette confrontation pourrait-elle mener à la guerre civile ? « Je ne le pense pas, parce que personne ne veut d’une guerre, estime le général Hélou. Il pourrait y avoir une déstabilisation mais pas de guerre, d’après moi. Il est vrai que la situation me rappelle l’avant-1975 par certains aspects, à la différence que seule une des parties est armée, que les informations circulent plus rapidement et qu’il existe aujourd’hui une maturité politique qui rend la désinformation difficile. »
Dans l’absolu, May Khoreiche estime elle aussi que les ingrédients ne sont pas réunis pour une guerre civile. « Je suis convaincue que les parties en présence n’ont pas intérêt à ce qu’une guerre éclate, souligne-t-elle. Du côté du camp du président de la République et de ses alliés, on cherche surtout à bâtir des ponts. »
Pour sa part, Georges Okaïs se déclare convaincu que même si des violences pourraient éclater du fait de la fragilité de la scène libanaise, aucune guerre civile n’est possible au Liban tant qu’il n’y a pas de partis opposés et armés, faisant remarquer que « le peuple, lui, désire qu’une nouvelle élite prenne le pouvoir ». « Il existe un autre facteur très différent de la période d’avant 1975, le fait que notre armée soit unie et forte de la confiance que le peuple place en elle », poursuit-il.
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POUR QU'UNE GUERRE CIVILE ECLATE IL FAUT DEUX GROUPES ARMES AU LIBAN IL Y A AUJOURDH'UI VRAIMENT QUE HB ET L'ARMEE QUI ONT LA CAPACITE DE S'AFFRONTER MEME SI, COMME ON LE DIT AU LIBAN, TOUT LE MONDE EST ARME LA SEULE POSSIBILITE AUJOURDH'UI EST UN COUP D'ETAT DE L'ARMEE POUR PRENDRE LE POUVOIR ET FAIRE LE GOUVERNEMENT QUE LE PEUPLE DEMANDE MAIS LA CRAINTE D'UNE DIVISION DE L'ARMEE COMME EN 1975 EST GRANDE COMME LES SBIRES AU POUVOIR NE VOUDRONT PAS QUITTER CE POUVOIR ET SEMBLENT METTRE DES FANTOCHES MANOEUVRABLES A LEUR PLACE , LA REVOLUTION CONTINUERA ET LE LIBAN SOMBRERA DANS LA RUINE CES SBIRES FERONT PORTER LA RESPONSABILITE AU PEUPLE ET COMMENCERONT A ARRETTER LES DIRIGEANTS DE CETTE REVOLTE POUR LES FAIRE TAIRE TRISTE EPOQUE OU UN SIEGE QUE L'ONT NE VEUT PAS LACHER AMENE LA RUINE D'UN PAYS
11 h 34, le 15 novembre 2019