Dans le bras de fer qui oppose depuis sa démission le 29 octobre Saad Hariri au tandem CPL/Hezbollah autour de la nature et de la composition de la nouvelle équipe ministérielle, c’est finalement ce dernier qui a gagné. Le prochain gouvernement devrait être techno-politique et avoir à sa tête l’ancien ministre Mohammad Safadi, proche certes des orientations de son prédécesseur, mais loin de répondre aux aspirations de la rue qui avait commencé à bouger de nouveau hier soir.
Le courant du Futur, le Hezbollah, Amal et le Courant patriotique libre (CPL) sont en effet parvenus à une entente pour désigner Mohammad Safadi en tant que Premier ministre, ont indiqué des sources à L'Orient-Le Jour tard en soirée. M. Safadi a été ministre des Finances (entre 2011 et 2014) et député de Tripoli.
Cette entente intervient après une réunion nocturne à la Maison du Centre entre le Premier ministre démissionnaire, le bras droit du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, Hussein Khalil, et le ministre sortant affilié au mouvement Amal, Ali Hassan Khalil.
Un peu plus tôt, l'ancien ministre druze Wi'am Wahhab avait écrit sur son compte twitter : "il a été convenu que Mohammad Safadi sera chef du gouvernement techno-politique avec la participation du (courant) du Futur. L'important est de savoir ce qu'il peut faire pour répondre aux besoins des Libanais".
تم الإتفاق على اسم محمد الصفدي لرئاسة حكومة تكنوسياسية بمشاركة المستقبل المهم ماذا يمكن أن تغعله لتلبية مطالب الناس
— Wiam Wahhab (@wiamwahhab) November 14, 2019
Face à la détermination du camp opposé, Saad Hariri a donc laissé à celui-ci la liberté de choix d’un nouveau Premier ministre, parmi une liste de quatre noms sur laquelle figuraient ceux de deux technocrates. Il n’était pas possible en soirée de connaître les motivations du choix de M. Safadi, alors que ce dernier était conspué par les manifestants à Beyrouth et que dans sa ville natale, Tripoli, les contestataires sont plus que jamais soulevés contre les figures de l’establishment politique.
Dans l’entourage de Mohammad Safadi, on n’a voulu ni infirmer ni confirmer la nouvelle, "en attendant le résultat des consultations parlementaires contraignantes".
Ce, bien sûr, à moins que la rue n’en décide autrement. Jeudi dans la nuit, des manifestants commençaient déjà à se rassembler devant la maison de M. Safadi à Tripoli, criant "Dégage Safadi!". L'armée s'est massivement déployée.
Dans la journée, hier, les informations indiquaient que Saad Hariri étant toujours déterminé à ne diriger qu’un gouvernement de technocrates, le tandem CPL/Hezbollah s’orientait vers le choix d’autres figures sunnites pouvant inspirer confiance à la rue et à la communauté internationale, ce que l’émissaire français Christophe Farnaud aurait d’ailleurs conseillé à ses interlocuteurs, sans entrer bien entendu dans le jeu des noms. On avait avancé dans ce cadre les noms de deux personnes issues du monde financier, un ancien président et un ancien membre de la commission de contrôle au sein de la Banque du Liban, respectivement Oussama Mekdachi et Walid Alameddine.
À L’Orient-Le Jour, Moustapha Allouche, membre du bureau politique du courant du Futur, avait par ailleurs affirmé jeudi que M. Hariri "refuse de servir de rempart derrière lequel se cacheraient certaines parties" et ne compte donc pas "proposer une personne à sa place pour accéder à la tête du gouvernement". "Il n’est pas question pour lui d’assumer la responsabilité d’un tel choix alors qu’il ne fera pas partie du cabinet", déclarait encore M. Allouche.
Le président Michel Aoun avait, pour sa part, affirmé jeudi que le nouveau gouvernement pourrait être formé "dans les jours à venir", soulignant que les revendications des Libanais, qui manifestent depuis 29 jours pour réclamer, entre autres, la lutte contre la corruption et le départ de la classe politique, feront partie des "premiers objectifs" du futur cabinet.
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Faut plus chercher à comprendre... nos responsables, très âgés et plus jeunes, ont une boussole qui ne pointe plus que dans une seule direction: EUX !!! Le reste du pays et son peuple, ils ne savent même plus qu'il existe... Irène Saïd
14 h 50, le 15 novembre 2019