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La révolution en marche - Présidence

Triste bilan pour Michel Aoun à mi-parcours

Aujourd’hui, des forces à l’origine du « compromis présidentiel » qui a permis l’élection du fondateur du CPL reconnaissent ne pas avoir pu éloigner le chef de l’État de son alliance indéfectible avec le Hezbollah comme elles le souhaitaient.


Le président Michel Aoun lors d'un discours, le 31 octobre 2019, à Baabda. Photo Dalati et Nohra

Lors de son élection, le 31 octobre 2016, le président Michel Aoun avait promis aux Libanais d’apporter transparence et réforme au sein des institutions de l’État, d’améliorer la situation économique et sociale et de préserver la neutralité du Liban vis-à-vis des conflits de la région. Trois ans plus tard, le pouvoir est la cible de la colère d’un mouvement populaire inédit, qui lui reproche d’avoir aggravé la crise économique, enraciné la corruption, gaspillé les fonds publics et consacré le confessionnalisme.

Quant aux forces qui ont conclu le compromis présidentiel ayant permis son élection, beaucoup d’entre elles réalisent aujourd’hui qu’elles avaient fait un faux pari, le chef de l’État ayant consolidé son alliance avec le Hezbollah, contrairement à leurs espoirs.

« Depuis trois ans, c’est un recul continu à tous les niveaux, affirme à L’OLJ un responsable de la mouvance du 14 Mars. Les libertés publiques sont menacées, les militants poursuivis, la justice est de moins en moins indépendante, il n’y a aucun progrès au niveau de l’électricité », cite-t-il, pêle-mêle. « Le président a promis un dialogue au sujet des armes de la résistance qui n’a jamais eu lieu, les services de sécurité sont désormais dépendants des forces politiques, qui ont constitué des îlots d’insécurité, les relations extérieures du Liban se sont détériorées à un niveau jamais atteint, que ce soit à l’international ou avec le monde arabe… » ajoute ce responsable qui ne veut pas être identifié. Et lorsqu’il est interrogé sur les réalisations du mandat, il répond avec une pointe d’ironie : « Le pont de Jal el-Dib, et encore… »

Sans aller jusque-là, les analystes sont assez sévères dans leur jugement des trois premières années du mandat, d’autant que le chef de l’État s’était expressément posé en « président fort » et en « père de tous ». Or les réformes sociales et économiques qu’il avait promises dans son discours d’investiture ont fait long feu, tout comme sa promesse de garder le Liban à l’écart des conflits régionaux ou d’entamer le dialogue sur les armes du Hezbollah. Sa politique d’« alliance des minorités » est critiquée, et son engagement à œuvrer pour le retour des réfugiés syriens dans leur pays, leitmotiv de son mandat, s’est heurté au refus du régime syrien de voir revenir un grand nombre d’opposants potentiels, qui ne feraient qu’aggraver ses problèmes économiques.

Du côté du Courant patriotique libre fondé par le président Aoun, on défend au contraire les réalisations du mandat, à commencer par « la stabilité sécuritaire et la stabilité politique », selon Alain Aoun, député CPL. Il souligne à L’OLJ que le mandat a entamé « la lutte contre la corruption, y compris au sein du corps judiciaire lui-même », et cite également, à l’actif du mandat, « le retour à la régularité dans les finances de l’État avec le vote du budget après douze ans d’interruption, la revigoration des administrations et la mise en place d’une vision économique avec une feuille de route ».

Pour lui, c’est le « système consensuel » qui retarde la prise de beaucoup de décisions, de même que les tensions politiques au sein de l’exécutif.


(Lire aussi : Les odieux du stade, le billet de Gaby NASR)


Le compromis remis en question

Beaucoup remettent en cause aujourd’hui le compromis avec les Forces libanaises et le courant du Futur, qui a permis l’élection de Michel Aoun. « On ne peut pas faire le bilan du mandat sans faire le bilan du compromis présidentiel, estime l’analyste Sami Nader. On ne peut dédouaner ni Samir Geagea ni Saad Hariri. Leurs calculs se sont avérés faux. »

Le chef des Forces libanaises Samir Geagea a d’ailleurs clairement reconnu dans une déclaration mercredi que « le compromis présidentiel est fini ». « La pierre angulaire sur laquelle reposait le compromis présidentiel, qui était de distancier le Liban des conflits régionaux, n’a pas été respectée, explique Sami Nader. Du coup, c’est tout l’édifice qui s’est écroulé. »

M. Nader estime que « le pari d’éloigner le président Aoun du Hezbollah n’a pas réussi », et qu’au contraire, le chef de l’État a consacré son alliance avec le parti pro-iranien et a exposé le pays au conflit régional.

Le deuxième point négatif pour l’analyste est que le mandat a consacré « un modus operandi basé sur le confessionnalisme et le partage des parts entre les partis sectaires, ce qui est aux antipodes des standards de bonne gouvernance ». Une situation qui a aggravé la corruption et mené au marasme économique actuel et à l’explosion populaire.

« Aujourd’hui, on assiste à un désaveu de ce compromis et de ce modus operandi », ajoute l’analyste, qui reconnaît cependant au mandat quelques réalisations, comme la loi sur les PPP, des efforts sérieux qui ont été faits comme l’étude commandée à McKinsey, les droits des femmes ou alors la tenue des élections, si la loi électorale était meilleure.

Détracteur déclaré du mandat, l’ancien député Farès Souhaid estime pour sa part que le président Aoun a été élu « dans un contexte d’équilibre de forces dans la région qui consacrait la prépondérance de l’Iran et qui n’est plus de mise aujourd’hui ».

Pour lui, le compromis présidentiel est aujourd’hui « caduc », puisqu’il reposait sur un contrat qui n’a pas été respecté entre une partie qui s’engageait à suspendre sa demande de désarmer le Hezbollah en échange d’un engagement du parti pro-iranien à favoriser l’édification d’un État véritable, répondant aux aspirations économiques de ses citoyens.


« Les priorités du pouvoir ont changé »

Du côté des FL, on défend la décision du parti de s’être engagé dans ce compromis. « Lorsque les FL se sont engagées dans le compromis, il n’y avait pas d’autre option, après un vide de deux ans et demi », explique une source du parti. « Les FL ont parié avec l’accord de Meerab, conclu avec le CPL, sur le fait que le mandat pourrait réduire l’influence du Hezbollah et ses options régionales à travers une politique de distanciation. Elles avaient également parié qu’on pourrait édifier l’État auquel nous aspirons, loin de la corruption. »

« Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? C’est la responsabilité du mandat, parce que ses priorités ont changé : la priorité devait être de faire réussir ce mandat, mais le pouvoir a mis comme priorité de faire réussir Gebran Bassil pour qu’il succède au président Aoun, d’où les conflits avec toutes les autres parties », ajoute cette source, pour laquelle le Liban est de toute façon entré « dans une nouvelle étape » avec le soulèvement du 17 octobre.


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Lors de son élection, le 31 octobre 2016, le président Michel Aoun avait promis aux Libanais d’apporter transparence et réforme au sein des institutions de l’État, d’améliorer la situation économique et sociale et de préserver la neutralité du Liban vis-à-vis des conflits de la région. Trois ans plus tard, le pouvoir est la cible de la colère d’un mouvement populaire inédit,...

commentaires (13)

Ce pauvre président s'est lui-même attaché un boulon aux pieds qui le paralyse, l'empêche d'agir et de répondre au besoin du peuple qui s'attendait à bien plus de lui. Ce boulon bien connu sous le nom familier du Hezb ou du nom technique du Hezbollah ou finalement du nom réel d'extension irannienne vers la Méditerranée. Le Libanan doit doit se liberer de ce boulon sinon ce sera se liberer du president lui même car l'avenir n'a pas le temps d'attendre!

Wlek Sanferlou

19 h 39, le 01 novembre 2019

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Commentaires (13)

  • Ce pauvre président s'est lui-même attaché un boulon aux pieds qui le paralyse, l'empêche d'agir et de répondre au besoin du peuple qui s'attendait à bien plus de lui. Ce boulon bien connu sous le nom familier du Hezb ou du nom technique du Hezbollah ou finalement du nom réel d'extension irannienne vers la Méditerranée. Le Libanan doit doit se liberer de ce boulon sinon ce sera se liberer du president lui même car l'avenir n'a pas le temps d'attendre!

    Wlek Sanferlou

    19 h 39, le 01 novembre 2019

  • La source du problem n’est pas les alliances de Michel Aoun mais plutot la corruption, l’incompetence et le manque de patriotism de ceux qui sont au pouvoir. Ne tournons pas autour du pot. Ce n’est pas le hezeb qui a arnaque le pays.

    Riwa Jabri

    13 h 36, le 01 novembre 2019

  • Triste bilan pour un triste sire.

    HABIBI FRANCAIS

    12 h 48, le 01 novembre 2019

  • Un responsable politique qui fait passer ses intérêts personnels avant ceux du pays n’est pas digne de son poste ni de son titre en l’occurence un président de la république. Et surtout lorsque l'interêt de sa famille converge avec celui du pays. La c’est de la TRAHISON suprême contre la nation. Je cite un passage de l’article. “ mais le pouvoir a mis comme priorité de faire réussir Gebran Bassil pour qu’il succède au président Aoun, d’où les conflits avec toutes les autres parties “ Il n’est plus apte à gouverner notre pays et doit partir avec tout son staff. Point à la ligne. Il le sait mieux que personne qu’il m’est Plus à sa place d'où ses tergiversations et les ronds d’eau pour éviter sa condamnation future. Gendre président pas de prison.

    Sissi zayyat

    11 h 57, le 01 novembre 2019

  • Le président est encore et toujors torpillé par la politique américaine et les israéliens

    Chucri Abboud

    10 h 34, le 01 novembre 2019

  • JUSQU,AUJOURD,HUI C,ETAIT DE PERE A FILS. AUJOURD,HUI C,EST DE BEAU-PERE A GENDRE. EH BIEN, NON ! LES LIBANAIS NE SONT PAS SI BETES QUE CERTAINS LE PENSENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 13, le 01 novembre 2019

  • l'été 2019 fut fatal au mandat, et c'est très difficile de se relever...

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    09 h 38, le 01 novembre 2019

  • Michel Aoun nous a mis sous l'occupation Syrienne et aujourd'hui Iranienne. Il a par deux fois prêté serment de défendre le pays et sa constitution et par deux fois il a échoué. La première fois il a détruit la seule région libre et souveraine soutenant l’état lorsque celle-ci était impuissante a le faire d'elle même et aujourd'hui, de par son alliance avec le Hezbollah qui de par son idéologie est de facto illégale et anti-constitutionnel. Les seules vraies réalisation de ce mandat n'ont été que la corruption ainsi que la mains mise presque totale du pays par le Hezbollah. La seule cause du mal que le peuple vit aujourd'hui c'est la présence des armes du Hezbollah. Sans elles ce parti ne représentera plus que 5% a 10% des Chiites parce que le peuple Libanais n'est pas fanatique. Passionné peut être mais pas fanatique. C'est vers ce parti qu;il faut diriger les manifestations. Ce problème réglé, le reste se fera en moins d'un an et le pays respirera!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 13, le 01 novembre 2019

  • La grande erreur politique au Liban c'est la personne politique et non la politique du pays et son système confessionnel qui nuie à sa stabilité.

    Antoine Sabbagha

    08 h 15, le 01 novembre 2019

  • TROP DE PROMESSES. ZERO ACHEVEMENT. GRAND RISQUE D,ECLATEMENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 12, le 01 novembre 2019

  • « Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? » Bonne mais bizarre question... Si aucune mauvaise gestion et abus en tous genres en sont la cause ni avant ni pendant le mandat Aoun, et tous les membres des gouvernements ont bien agi sur 30 ans, on se demande vraiment ce qui a provoqué une telle crise... La faute du peuple sans doute???

    NAUFAL SORAYA

    07 h 15, le 01 novembre 2019

  • "apporter transparence et réforme au sein des institutions de l’État, d’améliorer la situation économique et sociale et de préserver la neutralité du Liban vis-à-vis des conflits de la région". Face à ces promesses, le bilan est plus catastrophique que le plus pessimiste aurait jamais pu imaginer. "C’est le « système consensuel » qui retarde la prise de beaucoup de décisions, de même que les tensions politiques au sein de l’exécutif". Bien évidemment! Alors pourquoi avoir continué à former le gouvernent sur cette base? L'échec était garanti.

    Yves Prevost

    06 h 54, le 01 novembre 2019

  • Le serment présidentiel et l'accord de Meerab stipulaient que le mandat fort aller oeuvrer pour rétablir la souveraineté du Liban sur tout son territoire. Non seulement ce n'est pas le cas mais on est à risque de ne plus pouvoir renverser la vapeur. Le mandat fort n'a pas respecté les accords signés avec les FL et Hairi. Il y a un vrai problème de confiance. Le Président a bien parlé mais les promesses ne sont qu'une fuite en avant. Le CPL hurle depuis 2005 qu’il est le seul capable à propulser le Liban au niveau supérieur de la prospérité, l’abolition de la corruption, et le champion des réformes. C’est en connaissance de cause de la situation du Liban que le mandat Aoun a pris le pouvoir et devrait donc assumer la part du lion pour son échec. Le Président à présider chaque séance du gouvernement et Bassil à gouverner le pays à la place du premier ministre. À défaut d’avoir un impact positif sur l'économie du pays, elle s'est détériorée. Il y a vrai un problème de compétence. À l'exception du Hezbollah, toutes les autres composantes politiques du pays ont ras-le-bol du comportement arrogant de Bassil. Ce comportement vient du fait qu'il veut devenir Président et pour cela il n'a besoin que du Hezbollah, de la Syrie, et personne d'autre. Un y a un vrai conflit d'intérêt.

    Zovighian Michel

    06 h 22, le 01 novembre 2019

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