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Lifestyle - Mode

Élie Saab explore la savane pour le printemps-été 2020

Dans les années 1990, alors qu’une mode conceptuelle déboussole la clientèle de la haute couture, émerge un créateur libanais qui privilégie la grâce. Sa touche luxueuse de broderies en drapés et fourreaux précieux sert une interprétation contemporaine de la robe de princesse. En ascension continue, Élie Saab présentait à Paris fin septembre son printemps-été 2020 sur le thème du safari.

Élie Saab printemps-été 2020. Photo DR

C’est l’histoire d’un enfant de la guerre qui, à seulement 9 ans, découpe de vieux tissus et s’exerce à y tailler des robes pour ses sœurs aînées et sa mère. Autour de lui le monde s’effondre. Deux ans plus tard, il lui faudra quitter in extremis avec sa famille son beau village de Damour pour échapper au massacre. Dans le quartier de Beyrouth où les Saab trouvent refuge, le jeune Élie observe sa famille réorganiser sa survie avec le strict nécessaire. Loin des orangers et des amandiers en fleurs, loin de la mer et des fêtes où brillaient ses parents – sa mère en robe à fleurs –, il veut restaurer le bonheur perdu dont le premier signe est l’élégance vestimentaire. Il ne restera pas longtemps à l’académie où il s’inscrit pour apprendre les bases de la couture, caracolant déjà à une tout autre distance et pressé d’ouvrir son propre atelier. La suite de l’histoire est magique : en 2000, la sublime Halle Berry est la première artiste noire à recevoir l’Oscar de la meilleure actrice. Elle reçoit son trophée en robe Élie Saab amarante, haut transparent brodé d’un spectaculaire motif floral et grand jupon en tulle et faille. Succès retentissant. Le couturier connaît depuis lors une ascension continue, ouvre des showrooms et des bureaux aux meilleurs emplacements de Paris, Londres et New York, diversifie son offre en créant, avec la collaboration du nez Francis Kurkdjian, un parfum inspiré des senteurs propres à sa ville de naissance et qui se décline désormais en plusieurs interprétations. Pour les accessoires, des collections de lunettes s’ajoutent aux sacs et bijoux couture de la maison dont les lignes de robes de mariée, la haute couture et le prêt-à-porter incarnent, avec leur style intemporel et leurs étoffes précieuses, une idée de l’élégance « à la libanaise ».



Rugir sans rougir

C’est avec une abondance de couleurs chaudes et d’imprimés exotiques, de robes flottantes et de sahariennes qu’Élie Saab réinvente, dans son prêt-à-porter du printemps-été 2020, une expédition en terrae incognitae africaines. Projetées dans ces années 1950 où Hollywood immergeait ses acteurs dans la jungle pour justifier des intrigues jugées sulfureuses, nous sommes toutes Grace Kelly et folles amoureuses de Clark Gable dans la touffeur de Mogambo, entre Kenya et Tanzanie. Pour sauvage, la vie de safari n’exclut pas le glamour. Au contraire, elle le sublime. Mise en danger, la femme n’est que plus belle et désirable aux yeux de l’aventurier, mauvais garçon qui se plie aux galanteries du monde civilisé pour la conquérir. Mais la frêle beauté cache bien son amazone intérieure. Elle se révèle rebelle et le rend fou. Ce pitch de roman-photo a produit des œuvres mythiques et des icônes éternelles. C’est en pensant à celles-ci que le couturier libanais semble, dans cette collection éminemment sensuelle, tourner le dos aux géométries du tailleur pour se risquer presque exclusivement dans les aléas du flou.

Cela donne un vestiaire incendiaire. Les robes chemises s’inspirent de la saharienne. Elles sont munies de poches, on ne sait jamais, mais les poches sont ajourées de précieux œillets dorés. Les robes longues sont ornées de broderies perlées, les combinaisons se font romantiques. Entre taffetas volumineux, mousseline plissée et satin drapé, crêpe et organza illuminent et structurent des robes et des jupes longues laissant la part belle au mouvement. L’art tribal et les paysages de la savane africaine insufflent aux imprimés leurs motifs et couleurs, notamment sur les capes et caftans. Rouges, bleus, jaunes vifs ou verts anis – vedette de cette collection – peuvent jouer leurs effets en solo, accompagnant la tendance de la saison à la monochromie.

Une nouvelle collection d’accessoires, bracelets et colliers en perles d’inspiration africaine, longues chaînes dorées terminées par des médaillons, boucles d’oreilles parées de perles nacrées ou en bois, bracelets joncs à accumuler jusqu’aux avant-bras, chaînes métalliques en ceinture reposant avec sensualité sur les hanches, ou plus larges, marquant la taille, autant de contrepoints qui émaillent la silhouette de repères visuels quasi érotiques.

Dans le safari Élie Saab, il y a des matins nonchalants, des aventures troublantes, des soirées langoureuses où la vie sauvage est célébrée entre luxe et luxure, dans un affolant déploiement de détails précieux. Nul besoin de sac dans cette savane, mais pour traverser la jungle urbaine un cabas s’impose, embossé du monogramme « ÉLIE SAAB ». Pour le soir, sans avouer à Clark Gable qu’elle contient un téléphone portable (il ne vous croirait pas), vous aurez entre paume et pouce une délicate pochette en cuir et bois coloré.



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