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Lifestyle - Semaine de la mode parisienne

Écologie et Nouvelle Vague se partagent l’humeur du printemps-été 2020

Commencée le 23 septembre juste après les défilés milanais, la semaine parisienne du prêt-à-porter qui s’est terminée le 1er octobre annonçait la mode du printemps-été 2020. Plus que jamais teintée d’inquiétudes écologiques et marquant une nette fluidité entre masculin et féminin, la prochaine belle saison confirme qu’au-delà de l’esthétique, le vêtement est avant tout un état d’esprit.

Nettement plus sérieux que les présentations des saisons précédentes, les défilés parisiens du printemps-été 2020 annoncent, après des expériences plus posturales qu’effectives, un net tournant vers le durable, l’intemporel, le recyclable et le recyclé. La mode cherche à réduire son impact pour répondre aux exigences d’une nouvelle génération de consommatrices et consommateurs dont chaque initiative d’achat est désormais conditionnée par le souci de freiner la pollution, l’épuisement des ressources et la cruauté envers les animaux. Dont acte.

Céline, le retour aux sources

Fondée à Paris en 1945 par Céline Vipiana et son mari Richard, la marque Céline est à la base dédiée à la création de souliers orthopédiques pour enfants. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe, sous l’influence de l’Amérique, célèbre un nouveau culte : celui de l’enfant roi. À ses petits clients, Vipiana offre avec chaque paire un petit éléphant rouge en cuir dessiné par Raymond Peynet. Ce n’est qu’en 1960, après 15 ans de croissance continue, que la marque se tourne vers la femme avec une première ligne de maroquinerie et surtout de mocassins qui deviendront de grands classiques. La légende veut que Céline Vipiana, tombant un jour en panne devant l’Arc de triomphe, s’inspire des chaînes entourant le monument pour dessiner son logo « adulte » sous forme de double « C ». Le prêt-à-porter suivra en 1967 dans un style résolument Nouvelle Vague, sobre, minimaliste, frondeur et féministe. C’est cet ADN, par-delà les interprétations conceptuelles d’une Phoebe Philo qui a hissé la maison plus de dix ans durant au rôle d’acteur principal de l’industrie, que le nouveau directeur artistique Hedi Slimane a voulu mettre en valeur à travers une collection nettement plus organique, fleurant bon ses années 1970. Entre imprimés extravagants, chaînes, denim et gilets en mouton retourné, Céline nous projette dans une décennie écologique par excellence où tout Paris rêvait d’élevages dans le Larzac.

Chanel sur des toits brûlants

Toujours au Grand Palais, son site fétiche, Chanel, sous la direction artistique de Virginie Viard, dauphine et successeure de Karl Lagerfeld, présentait sa collection dans un décor reconstituant les toits de Paris. Les invitations elles-mêmes avaient été rédigées sur des carrés de zinc qui n’avaient pas manqué d’intriguer. Et c’est encore l’atmosphère intimiste et désabusée de la Nouvelle Vague qui s’invite dans l’humeur du moment, entre minijupes, minishorts, jambes gainées de collants noirs, noir et blanc d’exquises pensionnaires, talons plats accentuant l’allure féline des mannequins jouant les chattes sur un toit brûlant. Le vocabulaire Chanel, tel que posé par la fondatrice Gabrielle Chanel et le démiurge Lagerfeld, est fortement souligné entre tailleurs, vestes gansées, jupes en faille et froufrous années folles. Omniprésents, pied-de-poule et tartan se déclinent en tailleurs dont la rigueur est cassée par des shorts qui mettent en valeur l’élan des jambes. Paillettes et sequins argentés, embruns métallisés sur soie noire imitent les nuits de la Ville lumière que réchauffent, quand fleurissent les châtaigniers, de grands cardigans à bords francs ou à franges. Un petit incident, très parisien en soi, a marqué le défilé : la blogueuse et comédienne Marie S’infiltre s’est élancée sur le podium en tailleur pied-de-poule, coiffée d’une galette noire, avant d’en être vertement éjectée par Gigi Hadid, mannequin vedette de la présentation.

« Abracadabrantesque » monochromie chez Valentino

C’est à l’hôtel des Invalides où la foule parisienne faisait la queue pour rendre un dernier hommage à Jacques Chirac que se donnait, dans un registre autrement festif, le défilé Valentino printemps-été 2020. La présentation dans un espace éphémère équipé de sièges jaune fluorescent s’est ouverte sur une charge de blanc, manière de laver le regard et de le fixer sur l’essentiel, en l’occurrence le prodige de la couture dont Pierpaolo Piccioli, le directeur artistique de la maison, a le secret. Volumes purs ou relevés par des plumes de marabout, touches d’or dans les bijoux et la mise en beauté des mannequins, rythmes du transparent et du translucide, une fois vue cette éblouissante prestation technique, l’œil est prêt à recevoir l’immersion colorée qui va suivre. Très vite, les couleurs vont sortir du tube, fraîches et brutes. Jaune fluo, vert gazon, rose shocking ou indien, violet profond et bien sûr cet incomparable rouge Valentino vont jouer leur Sacre du printemps en robes floues et amples ou imperméables structurés, suivis par des imprimés de fleurs vénéneuses en illusions d’optique, presque des taches de Rorschach où chacun peut imaginer son genre de jungle. Volants, paillettes et sequins, omniprésence des plumes abattent la carte du somptueux dans un final noir où l’on se demande, quand tout ce luxe est déployé dans une collection prêt-à-porter, ce que sera la haute couture. « Abracadabrantesque », aurait dit Jacques Chirac auquel cette féerie voisine n’a sans doute pas déplu.

Le sacre du printemps selon Stella McCartney

À l’Opéra, palais Garnier, where else ? Stella McCartney retrouvait ces lambris Napoléon III qui lui portent bonheur depuis plusieurs saisons. Pour son printemps-été 2020, la baby Beatles, fille de Paul McCartney, confirmait son statut de pionnière dans une industrie polluante au sein de laquelle, dès ses débuts, elle s’est attachée à établir des codes éthiques qu’elle fut longtemps seule à respecter. Un 3D mapping superposé aux dorures représentait des animaux célébrant à leur manière animale la saison des amours : la nature est là, qui t’invite et qui t’aime. Tout comme la faune et la flore, la collection est éminemment visuelle et déploie des effets optiques, entre imprimés et op art, dans lesquels il est impossible de passer inaperçu, mais n’est-ce pas la base de la séduction ? Preuve qu’on peut faire bien plus avec bien moins, tout ici est sourcé de manière à laisser le moins de traces possible. Le coton des robes de plage est organique et sa blancheur ne doit rien à la chimie. Le cuir n’a jamais été pris sur le dos d’une bête. La laine est achetée à des éleveurs responsables. Le nylon des anoraks est issu du recyclage. Le reste est raphia et bois, deux matériaux issus de l’agriculture durable. Avec cela, tout est dans cette collection sensuel, fluide, ultraféminin et ultra-émouvant, les quelques hommes en costume pastel glissés entre les mannequins attestant le parti pris romantique de la prochaine belle saison.




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