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Lifestyle - La Mode

Semaine de la mode parisienne : une esthétique du pessimisme

Enchaînant les présentations de collections juste après Milan où l’industrie affirmait sa pleine adhésion à la lutte contre le changement climatique et le cloisonnement des genres, la semaine de la mode parisienne dévoilait le 23 septembre un printemps-été 2020 tout aussi poétique et engagé. Le pessimisme des messages n’était pas sans rappeler la mode morose du milieu des années 1980 affectées par le sida après une longue parenthèse de fêtes débridées.

Résolument placée sous le signe d’une mode sans frontières, la semaine parisienne avait ouvert les festivités avec de grands créateurs asiatiques, notamment la Japonaise Mame Kurogouchi, qui a fait ses armes chez Issey Miyake, et le Coréen Kiminte Kimhekim, formé chez Balenciaga. Les défilés se sont poursuivis dans une veine sombre qui n’excluait pas une beauté convulsive bien que postapocalyptique.

Marine Serre recycle et « up-cycle »
Marine Serre, qui a durablement marqué les étudiants de l’École de mode ALBA-La Cambre lors d’une conférence donnée sur leur campus beyrouthin, a donné à voir sous une pluie fine, à l’hippodrome d’Auteuil, dans un défilé intitulé Marée noire, quatre collections en une. La première, à base de PVC noir et inspirations de l’univers de la moto, est issue du recyclage. La deuxième, à dominante rouge, célèbre la diversité avec des clins d’œil à la culture arabe. La troisième, dédiée au up-cycling, réinvestit vieilles dentelles et linge de maison dans des robes longues blanches et précieuses. La dernière enfin, tout en néoprène près du corps, faisait contraster le magique logo de la marque en forme de croissant de lune avec un imprimé zèbre jaune sur noir sur des fourreaux prolongés par des bottes habillées du même matériau. Vienne l’Apocalypse, on l’accueillera au moins avec élégance.


Yohji Yamamoto dans un futurisme sans issue
Des robes toutes noires, parfois traversées d’un détail contrasté, rouge, blanc, ou une broderie métallique en filigrane ; des robes toutes blanches ou multicolores, irisées comme une eau toxique. Les mannequins ont le visage fermé, le port altier, la démarche déterminée. Tel le sombre poème scandé sur un air de jazz par sa propre voix en bande son, Yohji Yamamoto déployait dans un des premiers défilés de la semaine parisienne de la mode un printemps-été 2020 de veuves et d’orphelines. Leurs vêtements en plissés sophistiqués et découpes architecturales, fendus, brisés, écartelés, mais d’une beauté fascinante, semblaient refléter les préoccupations de toute une génération sur l’avenir de la Terre. Le créateur lui-même, à la fin de la présentation donnée dans le salon d’honneur du Grand Palais sous un immense dais blanc, tournant le dos après avoir salué les invités, affichait sur sa veste une grande broderie en croix indiquant : « No Future ».


Dior ou le retour de la belle jardinière
Dans cet univers quelque peu déprimant, on retrouvera quand même un peu de fraîcheur auprès de la maison même qui a cassé la rigueur des codes postguerre en lançant ce New Look qui annonçait aux femmes le retour du droit à la féminité. Chez Dior, la directrice artistique Maria Grazia Chiuri a choisi cette fois de rendre hommage à Catherine, la petite sœur du grand Christian. Catherine Dior, figure de la Résistance, fut tout aussi passionnée de jardins que son frère aîné, elle qui a dessiné une sublime roseraie pour la ferme de Callian (où s’est repliée la famille après la vente du château de Granville) et inspiré l’iconique parfum Miss Dior. C’est donc principalement l’amour des jardins, et par extension un hommage aux beautés de la nature, qui ont prévalu dans cette collection tout en fraîcheur, animée de corsets, de raphia, de minijupes plissées et de broderies anglaises inspirées du mouvement Arts&Crafts de la fin du XIXe siècle. Rayures, effets arc-en-ciel, rappel des treilles, dentelles délicates, chapeaux de jardinières et bottes ajourées s’ajoutent au vocabulaire Dior pour un retour souriant à la nature.


Saint Laurent contre puritains : 1-0
Non il n’est pas misogyne, il n’est pas raciste, il est juste libre et offensé par le politiquement correct et le nouveau puritanisme qui bride la créativité. Anthony Vaccarello, le directeur artistique de Saint Laurent qui se déclare héritier d’une « élégance dangereuse », poursuit sa quête d’une esthétique en éternel conflit avec l’éthique. Devant la tour Eiffel, avec la complicité d’une Naomi Campbell au summum de sa beauté, il a réinterprété les codes établis par Yves Saint Laurent à travers ses créations les plus emblématiques, silhouettes longilignes inspirées de Loulou de la Falaise, égérie du créateur, ou références à la sublime collection « Opéra-Ballets russes » de 1976. À cela s’ajoute la touche très personnelle de Vaccarello, entre tailleurs pantalons tout en paillettes noires et microshorts, tops transparents et talons vertigineux. Au premier rang, le créateur avait le soutien de Kate Moss et Cindy Crawford ainsi que Catherine Deneuve, fidèle entre les fidèles de la maison, et Charlotte Gainsbourg.

Résolument placée sous le signe d’une mode sans frontières, la semaine parisienne avait ouvert les festivités avec de grands créateurs asiatiques, notamment la Japonaise Mame Kurogouchi, qui a fait ses armes chez Issey Miyake, et le Coréen Kiminte Kimhekim, formé chez Balenciaga. Les défilés se sont poursuivis dans une veine sombre qui n’excluait pas une beauté convulsive bien que...

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