Déjà sous pression en raison du resserrement de la circulation du dollar sur le marché, certains commerçants libanais – détaillants et grossistes – ont été récemment interpellés par une décision de la direction des douanes modifiant la procédure de « certification » des factures des importations.
Publié au Journal officiel le 26 septembre – mais suspendue depuis mercredi pour un mois pour des raisons qui n’ont pas été officiellement explicitées –, le texte de la décision indique que les marchandises qui ne sont pas certifiées par les douanes du pays d’origine ainsi que par les autorités diplomatiques et consulaires libanaises qui y sont établies ne peuvent entrer au Liban. L’Orient-Le Jour n’avait pu obtenir, hier soir, d’explication des douanes.
« Avant, la facture était simplement signée et tamponnée par la société expéditrice », souligne à L’Orient-Le Jour un importateur libanais de produits alimentaires. « J’ai une cargaison qui est partie deux jours avant la publication de la décision au JO (...) mais je suis déjà en train de voir ce que je vais devoir faire pour les suivantes, si la décision n’est effectivement suspendue que pour un mois », ajoute-t-il.
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Une complication des procédures
S’il avoue n’avoir « aucune idée » des raisons qui ont motivé cette nouvelle procédure, l’importateur contacté déplore néanmoins le fait qu’elle va rallonger des délais d’expédition déjà longs de plusieurs semaines. Le texte de la décision publié au JO ne fournit, quant à lui, aucun motif, se contentant de se référer au décret n° 5497, récemment entré en vigueur et imposant pour une durée de cinq ans des taxes douanières additionnelles sur dix-huit produits importés ayant des équivalents fabriqués au Liban.
« Ils ne sont jamais clairs, aux douanes », lâche un autre commerçant, qui importe du matériel informatique, et regrette une décision qui risque d’alourdir et de compliquer les procédures.
Un autre détaillant, proche d’un syndicat, évoque pour sa part une mesure « visant à décourager les importateurs à un moment où la Banque du Liban (BDL) tente par tous les moyens de réduire la quantité de dollars qui sort du pays ». Il voit également dans cette décision « une tentative de sortir du modèle libéral libanais ». La décision des douanes arrive à un moment où de plus en plus de professionnels et de particuliers dénoncent le manque de réactivité des pouvoirs publics face à la dégradation de la situation économique et financière du pays – la croissance devrait être nulle ou négative en 2019 et la dette publique est de moins en moins soutenable (un ratio dette/PIB de 150 %).
C’est dans ce contexte que, réunis à Beyrouth en présence du président du Conseil économique et social, Charles Arbid, et du vice-président de la Chambre de commerce de Beyrouth et du Mont-Liban, Nabil Fahed, les membres de l’Association des commerçants de Beyrouth (ACB) sont une nouvelle fois montés au créneau hier pour mettre en garde contre « l’effondrement du secteur privé ». Dénonçant la « mauvaise gestion » des dirigeants ces dernières années, le président de l’ACB Nicolas Chammas a, une nouvelle fois, appelé à réduire le déficit public sans alourdir davantage la fiscalité mais en s’employant à dégraisser les effectifs de la fonction publique, où des milliers de recrutements irréguliers ont été signalés dans un rapport constitué cette année avec le concours de l’Inspection centrale. Il a également appelé les commerçants à arrêter le travail pendant une heure jeudi prochain, le 10 octobre, pour exprimer leur colère, évoquant une première étape.
La conjoncture économique a également mobilisé les Organismes économiques, l’organisation patronale dirigée par le ministre des Télécoms Mohammad Choucair. Ses membres se sont en effet réunis hier après-midi avec ceux de la Confédération générale des travailleurs du Liban, pour émettre des revendications allant peu ou prou dans le même sens que celles de l’ACB, comme la nécessité de lutter contre la corruption et l’évasion fiscale pour augmenter les revenus de l’État sans adopter de nouvelles taxes. Ces revendications font d’ailleurs partie des réformes que les dirigeants libanais se sont engagés à mener auprès des donateurs de la conférence de Paris (CEDRE) d’avril 2018.
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commentaires (5)
On ne peut qu'applaudir cette initiative sensée. Celui qui grinche est le même qui a participé à mettre en difficulté financière notre pays. Dans le monde entier c'est le B A BA du principe des droits d'import export. Jusqu'alors certains achetaitent de produits avariés a un prix dérisoire et le mettaient sur le marché avec une marge de profit mirobolant peu soucieux d'empoisonner les gents. Mille fois BRAVO
Sissi zayyat
16 h 36, le 04 octobre 2019