Le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé et le syndicat des bureaux de change ont chacun livré, hier, leurs explications respectives concernant les fluctuations du taux de change entre la livre libanaise et le dollar en dehors du secteur bancaire du pays.
Le taux de change entre les deux monnaies est fixé par la BDL depuis 1997 à raison de 1 507,5 livres pour un dollar. Or, si le prix du billet vert gravite toujours autour de 1 515 livres dans les banques, la baisse récente de la quantité de dollar circulant dans le pays a provoqué une inflation de son prix dans les bureaux de change, où il se négociait autour de 1 600 livres, hier.Une situation que le gouverneur a liée, dans un discours prononcé au cours d’une conférence à Beyrouth, à une hausse des importations qui l’a conduit à resserrer la quantité de dollars circulant sur le marché pour couvrir les besoins des importateurs dans les secteur stratégiques, ainsi que pour assurer les besoins de financement de l’État.
« Nous avons constaté que depuis juin, la demande de billets verts a augmenté » chez les bureaux de change, a indiqué M. Salamé. Cette demande a « peut-être » été provoquée « localement » par « les stations essence, les boulangeries, les pharmacies, en raison de la dollarisation » de l’économie, a-t-il estimé. La demande en hausse est due « à une augmentation des importations de certains produits, mais nous ne savons pas si toutes ces importations sont pour la consommation locale ou non », a-t-il également averti. Dans un rapport d’analyse publié en août, la banque Blominvest avait indiqué que les importations de pétrole au Liban avaient plus que doublé durant la première moitié 2019, citant entre autres parmi les causes la contrebande avec la Syrie.
Mardi, la banque centrale a publié une circulaire (n° 530) réglementant les procédures de financement des importations de blé, de médicaments et de carburant, trois filières où les distributeurs payent leurs marchandises en devises mais encaissent tout ou partie de leurs recettes en livres. Hier, M. Salamé a toutefois averti que ce mécanisme doit « financer les marchandises qui sont importées pour notre consommation locale ».
M. Salamé a en outre assuré que la BDL continuait de soutenir la monnaie locale, dans un contexte de crise économique, notant néanmoins que des variations avaient « toujours existé » sur les taux pratiqués par les agents de change. « Depuis juin, la demande des bureaux de change en liquidités a augmenté, ce qui a provoqué une montée des taux », a-t-il dit.Le Liban, qui prépare actuellement une nouvelle émission de titres de dette en devises (eurobonds) de 2 milliards de dollars, doit également honorer une échéance de 1,5 milliard en novembre.
(Lire aussi : Importations de blé : les minotiers critiques vis-à-vis de la circulaire de la BDL)
Les stations-service
Dans un communiqué publié plus tard dans la journée, le syndicat des agents de change s’est, lui, défendu de toute responsabilité. « Depuis le début de la crise, certaines parties se sont évertuées à nous faire porter la responsabilité des variations des taux et certains agents ont été convoqués par les autorités », a-t-il notamment déploré, martelant que les bureaux de change exercent leur activité « en tenant compte de l’offre et de la demande et en étant contrôlés par la BDL ».
Selon un banquier contacté par L’Orient-Le Jour, « la situation actuelle est effectivement liée au fait que la BDL injecte drastiquement moins de dollars dans l’économie, notamment pour les raisons évoquées par le gouvernement, ce qui conduit à la situation actuelle ou deux taux coexistent ». Il estime que la demande est également dopée par la perte de confiance des citoyens vis-à-vis de la capacité des pouvoirs publics à faire face à la crise.
Le banquier interrogé estime enfin que l’effet apaisant de la circulaire n° 530 ne durera pas, « faute d’un signal fort des dirigeants ». Une prévision qui pourrait se vérifier rapidement : après le rassemblement des minotiers mercredi, le syndicat des propriétaires de stations-service a jugé à son tour que le dispositif mis en place par la BDL n’avait pas « modifié la situation » et a prévu de se réunir aujourd’hui pour aborder le sujet.
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commentaires (4)
La hausse du dollar se traduit en fait par la perte de confiance des citoyens vis-à-vis de la capacité des pouvoirs publics à faire face à toute crise économique du pays .
Antoine Sabbagha
13 h 19, le 04 octobre 2019