« Ce n’est pas par accident que la grogne sociale a éclaté, conduisant des centaines de Libanais à manifester dimanche dans les rues, pour exprimer leur ras-le-bol quant à la conjoncture socio-économique ; il s’agit d’une campagne orchestrée visant à mettre en échec le sexennat du général Michel Aoun. »
C’est ainsi que les milieux gravitant dans l’orbite du chef de l’État expliquent, en substance, les actes de violence et de vandalisme observés lors des mouvements de contestation dimanche à Beyrouth, mais aussi dans plusieurs régions du pays, notamment à Saïda et Tripoli. Certes, ce n’est pas la première fois que le camp proche du chef de l’État flaire dans certaines actions une volonté de porter atteinte à la présidence. Baabda a toutefois décidé, cette fois, de contre-attaquer et de poursuivre tous ceux qui se tiennent derrière les rumeurs sur les réseaux sociaux alimentant la psychose quant à la crise du dollar, une possible pénurie d’essence et une éventuelle dévaluation de la monnaie nationale.
Dans un communiqué, le bureau de presse du palais de Baabda a rappelé certains articles du Code pénal portant sur « les atteintes à la réputation financière de l’État ».
Dans son article 319, le Code pénal sanctionne de prison (pour une durée allant de six mois à trois ans) et d’une amende variant entre 500 000 et deux millions de livres libanaises « tous ceux qui diffusent des rumeurs portant sur une dévaluation de la monnaie nationale, ou à même de secouer la confiance en les finances de l’État (…) », a rappelé le communiqué.
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Passage à l’acte
Contacté par L’Orient-Le Jour, un proche du palais de Baabda explique que la présidence de la République a décidé de passer à l’acte, au vu de rumeurs infondées véhiculées récemment dans certains médias et sur les réseaux sociaux. « De plus, plusieurs manifestants ayant pris part aux contestations dimanche dernier n’ont pas manqué de porter atteinte à la personne du chef de l’État », ajoute-t-il.
Et d’insister sur le fait que le communiqué publié hier vise à rappeler que ceux qui se tiennent derrière ce genre d’actes sont susceptibles de poursuites en justice.
« Nous sommes en voie d’identifier les auteurs de ces actes afin de les poursuivre », assure-t-il, soulignant que cette décision ne saurait être interprétée comme une atteinte aux libertés publiques. « C’est un moyen de mettre un terme aux campagnes semant la peur au sein de la population », précise le proche de Baabda. Citée par notre correspondante Hoda Chédid, une source proche du palais présidentiel confie, d’ailleurs, que « la campagne orchestrée contre le président Aoun est probablement menée par des détracteurs du Courant patriotique libre, ainsi que par ceux que lèse la lutte contre la corruption qu’opère le sexennat ».
Pour ce qui est des manifestations de dimanche, la source fait savoir que Michel Aoun a reçu des rapports détaillés sur leurs organisateurs. Et d’assurer une fois de plus que les auteurs des rumeurs portant atteinte au mandat seront poursuivis en justice.
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Fuite en avant ?
Si certains milieux politiques interprètent cette décision de la présidence de passer à l’acte comme une « contre-attaque légitime » de la part d’une instance qui se sent visée, certains, comme Moustapha Allouche, membre du bureau politique du courant du Futur, la réduisent à une « simple réaction » aux manifestations de dimanche.
« Ce genre d’agissements n’a aucun sens si les personnes concernées ne sont pas identifiées », précise-t-il à L’OLJ, estimant que « personne n’a intérêt à mettre des bâtons dans les roues du régime ». Un point de vue que le CPL ne partage naturellement pas. Les milieux de cette formation évitent cependant de pointer un doigt accusateur en direction d’une partie bien déterminée.
« Il y a certains qui ne veulent pas voir le sexennat réussir », se contente de déplorer Eddy Maalouf, député CPL du Metn, interrogé par L’OLJ, jugeant « intolérable » de « faire assumer au président de la République la responsabilité de plus de trois décennies d’erreurs ».
« On ne pouvait entamer le processus de redressement du pays avant de voter une nouvelle loi électorale et de procéder à des nominations administratives. Et c’est ce qui a été fait durant les trois premières années du mandat Aoun », explique encore M. Maalouf.
Les propos du député du Metn déplorant implicitement des tentatives de mettre en échec le mandat Aoun interviennent à l’heure où plusieurs ténors du CPL, dont son chef, Gebran Bassil, semblent adhérer à la théorie du complot pour expliquer la toute dernière explosion de colère populaire.
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Après M. Bassil et Simon Abiramia, député de Jbeil, c’est Mario Aoun, député du Chouf, qui s’est invité dans la partie pour dénoncer une atteinte à la présidence Aoun. Dans une déclaration à la Voix du Liban (93,3), le député a estimé hier que « certains ont profité de l’absence du président Aoun », qui se trouvait la semaine dernière à New York, « pour préparer les mouvements contestataires ».
Ce point de vue, le mouvement Amal et les Forces libanaises, dont les rapports avec le CPL sont en dents de scie, ne le partagent pas.
« Il n’y a pas de complot. Il y a une nécessité pour la classe dirigeante d’assumer ses responsabilités, notamment pour ce qui est des réformes économiques exigées par la communauté internationale, au lieu de continuer sa fuite en avant », déclare un responsable FL à L’OLJ, estimant que c’est surtout « la mauvaise gestion du mouvement contestataire qui l’a conduit au dérapage ».
Un responsable du mouvement Amal appelle de son côté le président Aoun « à mettre les bouchées doubles pour appliquer le plan de relance économique ».
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Comme par hasard Baabda est très rapide pour commenter et qualifier le ras le bol du peuple en complot etc... Mais quand il s'agit de vrais complots iraniens qui propage le chaos dans notre pays son silence est assourdissant
17 h 48, le 03 octobre 2019