Sous l'égide de l'armée française, Yasser Arafat (dans la voiture) et l'Organisation de libération de la Palestine quittent Beyrouth pour Tunis. AFP/DOMINIQUE FAGET
Le V de la victoire brandi par les fedayin qui évacuent leur fief de Beyrouth-Ouest, première capitale arabe encerclée par Israël, est trompeur. Face à la puissance de feu d’Israël qui voulait liquider l’OLP, les Palestiniens, soutenus par leurs alliés du Mouvement national fondé par Kamal Joumblatt, doivent abandonner le Liban où ils ont installé un État dans l’État pendant plus de 10 ans.
Retour sur cette évacuation négociée de main de maître avec les belligérants par l’émissaire du président américain Ronald Reagan, Philip Habib, qui a brisé pendant quelques années la dynamique de résistance palestinienne, avant qu’elle ne renaisse en 1987, grâce à l’intifada dans les territoires occupés.
Après la guerre de juin 1967, qui a débouché sur l’occupation par Israël de Jérusalem-Est, la Cisjordanie et la bande de Gaza, ainsi que de territoires d’Égypte, de Jordanie et de Syrie, la résistance palestinienne s’organise dans les pays arabes limitrophes où les réfugiés se sont massivement installés depuis la création de l’État d’Israël en 1948.
D’abord imaginée par la Ligue arabe comme un mouvement nationaliste, l’OLP, qui regroupe depuis sa création en 1964 les principales organisations palestiniennes, renforce ses capacités paramilitaires et multiplie les attaques contre Israël, notamment depuis la Jordanie et le Liban, où les Palestiniens gagnent rapidement en autonomie jusqu’à défier l’autorité des pouvoirs en place.
Face à son incapacité à désarmer les combattants palestiniens, bénéficiant du soutien d’une grande frange de la population libanaise et de plusieurs États arabes, le Liban signe les accords du Caire le 3 novembre 1969 sous l’égide du président égyptien Gamal Abdel Nasser. Signé par Arafat et le commandant en chef de l’armée libanaise, le général Émile Boustany, ce compromis secret accorde aux fedayin une très large autonomie d’action au Liban-Sud, à la frontière avec Israël. En 1970, Yasser Arafat et ses combattants sont expulsés manu militari de Jordanie vers le Liban après des mois de conflit avec l’armée du royaume hachémite du roi Hussein.
Un « Fatahland » est créé dans le Arkoub au Liban-Sud et l’OLP installe son quartier général à Beyrouth-Ouest.
Le renforcement de la présence palestinienne au Liban-Sud et à Beyrouth-Ouest va exacerber les tensions politiques libanaises entre Libanais progressistes ou nationalistes arabes, majoritairement musulmans, réunis au sein du Mouvement national, dirigé par le leader druze Kamal Joumblatt, qui soutiennent les Palestiniens, et les forces politiques chrétiennes, réunies au sein du Front libanais. On s’arme dans les deux camps. La guerre civile éclate en 1975.
Par ailleurs, les fedayin palestiniens poursuivent leurs attaques contre Israël à partir du Liban. Le 11 mars 1978, un commando-suicide de 11 combattants parti des côtes libanaises tue 38 civils dans un bus sur une route côtière entre Haïfa et Tel-Aviv. Trois jours plus tard, Israël lance en représailles l’opération Litani afin de détruire les bases de l’OLP situées au sud de la rivière Litani, au Liban-Sud. Les fedayin fuient vers le nord, principalement à Saïda et Beyrouth-Ouest. Après le retrait israélien, l’État hébreu instaurera en territoire libanais, le long de la frontière, une large zone de sécurité placée sous le commandement d’un ancien officier de l’armée libanaise, Saad Haddad, et contrôlée par une milice supplétive d’Israël. Le retrait israélien se fera sur base de la résolution 425 du Conseil de sécurité.
La Une de L'Orient-Le Jour du 16 mars 1978. Archives OLJ
Le 16 juillet 1981, de nouveaux affrontements ont lieu entre Palestiniens et Israéliens à la frontière libanaise. Trois civils israéliens sont tués par des tirs de roquettes palestiniennes. Israël riposte en bombardant les bureaux de l’OLP à Beyrouth. Entre 200 et 300 personnes sont tuées dans ces bombardements.
Mais la présence palestinienne armée, une menace directe aux yeux des Israéliens, n’est toujours pas éliminée. Dans la nuit du 3 au 4 juin 1982, l’ambassadeur israélien à Londres, Shlomo Argov, est grièvement blessé dans un attentat revendiqué par le groupe d’Abou Nidal. L’occasion est toute trouvée pour Israël d’éliminer définitivement l’OLP qui a pourtant désavoué cette attaque. L’aviation israélienne bombarde massivement des positions et des camps palestiniens au Liban-Sud et dans la banlieue sud de Beyrouth.
Trois jours plus tard, malgré l’adoption quelques heures plus tôt de la résolution 508 du Conseil de sécurité de l’ONU qui appelle à un cessez-le-feu, Israël lance l’opération « Paix en Galilée ». Sous le commandement du ministre de la Défense de l’époque, Ariel Sharon, l’armée israélienne envahit le Liban avec plus de 70 000 hommes.
Malgré la résistance farouche des forces palestino-progressistes, l’armée israélienne occupe Tyr et Saïda, avant de monter vers le Nord. À la mi-juin, elle contrôle la moitié du Liban et assiège Beyrouth-Ouest où se trouve Yasser Arafat.
La Une de L'Orient-Le Jour du 7 juin 1982. Archives OLJ
Prise en tenailles par l’armée israélienne dans la partie sud et les milices de Bachir Gemayel à l’est, Beyrouth-Ouest est encerclée. Un blocus débute le 15 juin.
L’envoyé spécial du président américain Ronald Reagan, le diplomate américain d’origine libanaise Philip Habib, se rend dans la région et multiplie les discussions à Jérusalem, Beyrouth et Damas.
En juillet, l’OLP accepte le principe du départ de Beyrouth des dirigeants et des combattants palestiniens et du déploiement d’une force multinationale d’interposition. Les États-Unis estiment que cette évacuation garantit la sécurité d’Israël. De leur côté, les pays arabes soulignent la nécessité de restaurer la souveraineté du Liban et d’épargner à la cause palestinienne une défaite et une reddition humiliante.
De son côté, Israël accentue sa pression sur le terrain. Les cessez-le-feu, obtenus au forceps grâce aux médiations diplomatiques, ne durent que quelques heures. Au début du mois d’août 1982, l’armée israélienne s’empare de l’aéroport de Beyrouth. À New York, le Conseil de sécurité décide de l’envoi d’observateurs de l’ONU à l’intérieur et autour de Beyrouth.
Le 19, Israël retire ses exigences antérieures et avalise définitivement le plan Habib, approuvé la veille par le gouvernement libanais qui demande officiellement à la France, aux États-Unis et à l’Italie d’envoyer à Beyrouth les unités qui doivent constituer avec l’armée libanaise la force multinationale d’interposition.
Le 21, 350 parachutistes français prennent position dans le port de Beyrouth. Les Américains et les Italiens suivent. Les soldats israéliens se retirent du port de Beyrouth où se déploie ensuite l’armée libanaise. L’évacuation peut commencer.
Ce départ des 10 000 combattants de l’OLP, de plus de 2 000 soldats de l’Armée de libération de la Palestine (ALP), relevant de Damas, ainsi que des 3 000 militaires syriens de la Force arabe de dissuasion s’étale sur une dizaine de jours.
Les fedayin de l’OLP quittent leurs positions dans Beyrouth-Ouest avec déchirement. Les combattants sont acclamés par les habitants écrasés par des semaines de bombardements intensifs. Le Liban était devenu leur seconde patrie, et la partie ouest de Beyrouth était devenue leur capitale.
Départ de fedayins palestiniens, le 1er septembre 1982. Photo d'archives OLJ
Les combattants loyaux à Arafat, qui ne sont autorisés à emporter que leurs armes légères, embarquent sur des bateaux affrétés pour l’occasion. La plupart d’entre eux débarquent à Tunis. Les autres sont reçus en Algérie, en Égypte, en Irak, en Jordanie, au Soudan, en Syrie et dans les deux Yémens. Les blessés sont dirigés vers Athènes.
Des fedayins sur le navire Solphryne, le 23 août 1982. Photo d'archives OLJ
Deux jours après le départ des combattants palestiniens, Israël enfreint les accords de cessez-le-feu et se déploie autour des camps de réfugiés. Les forces internationales garantes de la sécurité des populations civiles des zones évacuées se retirent le 11 septembre, et le massacre de Sabra et Chatila aura lieu quelques jours plus tard.
Le leader palestinien Yasser Arafat quittant Beyrouth le 30 août 1982, aux côtés du leader druze Walid Joumblatt. Photo d'archives OLJ
Néanmoins, plusieurs organisations palestiniennes comme le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) de Georges Habache et al-Saïka, contrôlée par Damas, trouvent refuge dans la Békaa et à Tripoli, au Liban. Elles vivent mal le choix de Arafat de quitter le Liban, estimant qu’il devait se battre jusqu’au bout. Certains craignent même que Yasser Arafat ait trahi la cause et soit prêt à reconnaître Israël. Assad, qui rêve de mettre la résistance palestinienne sous sa coupe, joue de ces dissensions. Les affrontements interpalestiniens éclatent.
Le 20 septembre 1983, Yasser Arafat revient incognito au Liban, dans une Tripoli assiégée par les dissidents palestiniens téléguidés par la Syrie. Leur objectif : mettre au pas les derniers fedayin encore loyaux à Arafat. Le leader palestinien est à nouveau contraint à l’exil. Le 21 décembre 1983, Yasser Arafat et 4 000 de ses partisans quittent Tripoli sur des bâtiments grecs protégés par la marine française.
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Du 21 août au 1er septembre 1982, plus de 10 000 combattants palestiniens, avec à leur tête le charismatique leader de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) Yasser Arafat, évacuent Beyrouth par la mer, sous la protection d’une force multinationale, après trois mois d’un terrible siège de l’armée israélienne.Le V de la victoire brandi par les fedayin qui évacuent...
commentaires (7)
Bon debarras personne ne les regrette ils auraient pu embarquer leurs acolytes libanais par la meme occasion ca nous aurait fait des vacances
camel
22 h 46, le 05 septembre 2019