Des marines américains débarquant sur la plage de Khaldé, au sud de Beyrouth, le 15 juillet 1958. Photo d’archives/AFP
Avec un coup d’État déjoué et l’assassinat d’un journaliste proche des Kataëb qui engendrera une « contre-révolution », le mois de septembre 1958 fut un des épisodes chauds de la crise de 1958 au Liban. Six mois durant, il y a donc soixante ans, le Liban se retrouvait plongé dans un sanglant conflit, doublé d’une crise politique. Cette guerre civile, opposant l’armée à des mouvements d’insurrection, a notamment mené, le 15 juillet 1958, au déploiement de plusieurs milliers de soldats américains sur le territoire libanais, dans ce qui fut la première intervention militaire des États-Unis au Moyen-Orient. Retour sur un conflit complexe aux multiples facettes, locales et internationales.
Guerre froide
Dans les années 50, le monde est séparé par le rideau de fer. Le clivage entre les États-Unis et l’Union soviétique s’immisce petit à petit dans la politique moyen-orientale, notamment à travers le pacte de Bagdad, signé en 1955 par les États-Unis, l’Irak, la Turquie, le Pakistan et la Grande-Bretagne et visant à limiter l’influence soviétique dans la région. C’est notamment en réaction à ce pacte que naît, en février 1958, la République arabe unie. Cette nouvelle entité, présidée par le président égyptien Gamal Abdel Nasser, est constituée de deux provinces : l’Égypte au Sud et la Syrie au Nord.
La même année, au Liban, le clivage se cristallise au cœur même de l’État, alimenté par les tensions qui s’accroissent depuis des mois entre les partisans du président de la République, Camille Chamoun, en poste depuis 1952 et soutenu par le parti Kataëb, et l’opposition, regroupant notamment Rachid Karamé, Saëb Salam, Sabri Hamadé et Kamal Joumblatt. Ces derniers s’opposent à l’intention de M. Chamoun de briguer un nouveau mandat présidentiel et lui reprochent d’avoir adhéré, en février, à la politique d’assistance économique et militaire des États-Unis, fermant ainsi la porte à d’autres aides internationales, comme celles de l’URSS.
(Liban : que reste-t-il de l’espoir réformateur de 1958 ?, le commentaire de Stéphane Malsagne)
Le feu aux poudres
C’est l’assassinat d’un journaliste libanais proche de l’opposition, Nassib Metni, le 8 mai 1958, qui met le feu aux poudres. Des manifestations de partisans de l’opposition virent à l’émeute et font, en quatre jours, près de 20 morts à Beyrouth et Tripoli, selon L’Orient du 13 mai de cette année. Rapidement, des affrontements éclatent dans tout le pays. L’armée lance alors son infanterie et son aviation contre « les rebelles et les terroristes ». Parallèlement, la milice Kataëb prend le contrôle des quartiers chrétiens d’Achrafieh et de Gemmayzé et creuse des tranchées. Une ligne de démarcation émerge alors entre ces quartiers et le secteur musulman de Basta.
Dans le même temps, les interventions étrangères dans cette crise commencent à apparaître avec, notamment, la saisie d’armes en provenance de Syrie qui pousse le gouvernement libanais à fermer la frontière. Devant cette agitation régionale, les États-Unis annoncent l’envoi d’avions militaires « prêts à transporter des forces vers le Moyen-Orient ». Les marines britanniques et américaines reçoivent en outre un ordre de mission leur enjoignant de se positionner au large des côtes libanaises.
Plainte à l’ONU
Le 22 mai 1958, le Liban finit par porter plainte devant la Ligue arabe contre la RAU, qui se défend en accusant le Liban d’être « le foyer de la conspiration impérialiste contre les États arabes ». Les négociations de la Ligue, menées à Benghazi en Libye, aboutissant à une impasse, le pays du Cèdre se tourne alors vers le Conseil de sécurité de l’ONU. Dans son intervention devant l’organisation internationale, le 6 juin, le ministre des Affaires étrangères, Charles Malek, accuse la RAU non seulement d’armer les rebelles, mais aussi de mener des campagnes médiatiques appelant le peuple libanais à renverser le gouvernement. Damas rétorque en affirmant que « la plainte libanaise n’est qu’un stratagème pour dissimuler l’impuissance du gouvernement à juguler les troubles nés d’un conflit intérieur ». Cinq jours plus tard, le Conseil de sécurité adopte une résolution prévoyant l’envoi au Liban d’un groupe d’observateurs « afin de s’assurer qu’il n’y a pas d’infiltration illégale d’individus ou de fournitures d’armes ou d’autres matériels à travers les frontières du Liban ». Seule l’URSS vote contre ce texte.
Le 4 juillet, les 94 observateurs envoyés par l’ONU indiquent, dans leur premier rapport, ne pouvoir « apporter aucune preuve d’infiltration d’hommes ou de munitions, ni établir le mode d’acquisition des armes ». Ils déplorent « l’impossibilité d’accéder aux zones limitrophes de la Syrie où s’effectue (selon le gouvernement de Beyrouth) la contrebande ». Le président Chamoun les accusera, le 8 juillet, de s’être « conduits en touristes ».
Débarquement des marines US
Le lendemain, le président Camille Chamoun revient officiellement sur son intention de briguer un nouveau mandat lors de l’élection présidentielle à venir. Les insurgés, qui réclamaient pourtant le départ de ce président trop proche, selon eux, des États-Unis, ne mettent pas pour autant un terme aux combats. Pour le chef de l’État, cela « prouve sans aucun doute que cette guerre n’est pas une affaire intérieure et qu’elle a un seul but : le contrôle par la RAU de la politique libanaise ».
Cinq jours plus tard, le coup d’État militaire qui renverse, à Bagdad, le roi Fayçal II, afin d’instaurer une république dont les dirigeants s’opposent à la coopération avec les Américains, a un impact immédiat sur le Liban. Craignant de perdre son influence sur la région au profit de l’URSS, et à la demande du gouvernement libanais, Washington ordonne, dès le lendemain, le 15 juillet 1958, le débarquement de milliers de marines américains sur la plage de Khaldé. Officiellement, ils seront chargés « d’assurer le verrouillage de la frontière syro-libanaise afin de permettre aux forces de sécurité locales de rétablir l’ordre », et ce jusqu’au déploiement d’une « Police internationale de l’ONU ». Ce débarquement, le premier des États-Unis au Moyen-Orient, sera décrié par l’URSS et par Nasser qui dénonce « une occupation du Liban et une menace ouverte contre les pays arabes ».
Washington et Le Caire finiront par trouver un terrain d’entente, en apportant tous deux leur soutien à la candidature du général Fouad Chéhab à la présidence de la République libanaise. Le général, fédérant les votes d’une écrasante majorité des députés, y compris ceux de l’opposition, sera élu à la tête de l’État le 31 juillet 1958. Dans son premier message à la nation, le 5 août, il annoncera que son « premier objectif national est le retrait des troupes étrangères » du territoire libanais.
Coup d’État manqué
Malgré la présence américaine, l’élection de Fouad Chéhab et les appels à un désarmement de la population, les violences se poursuivent sur le territoire libanais. Les forces de sécurité déjouent même un coup d’État, fomenté par un haut gradé proche de Damas, le 17 septembre. Une très brève accalmie est mise à mal par l’enlèvement et l’assassinat, le 19 septembre 1958, du journaliste proche des Kataëb Fouad Haddad, un événement qui embrase à nouveau les rues de la capitale et oblige les forces de l’ordre à décréter un couvre-feu strict. À la suite de cet assassinat, le parti Kataëb lance un appel à la grève générale, laquelle durera une vingtaine de jours du fait de la vive tension qui sévit dans les quartiers de Beyrouth. Cette réaction Kataëb constituera ce qui sera qualifié de « contre-révolution ».
Du point de vue politique, la situation ne va pas non plus en s’améliorant. Les responsables butent pendant plusieurs semaines sur la formation du nouveau cabinet, dont la présidence est confiée, le 24 septembre 1958, à Rachid Karamé, un des leaders de l’insurrection, au grand dam d’autres forces politiques, dont le chef des Kataëb, Pierre Gemayel.
Normalisation
C’est après la formation, le 14 octobre, du nouveau gouvernement au sein duquel siègent Rachid Karamé, Hussein Ouaini, Raymond Eddé et Pierre Gemayel, que le calme revient au Liban. Le 17, le Parlement accorde, à la grande majorité, sa confiance au cabinet Karamé. Des coups de feu se font à nouveau entendre à Beyrouth, « mais c’est en signe de réjouissance », souligne L’Orient du 18 octobre 1958.
La même semaine, et « après 48 heures de travaux, le rouleau compresseur a effacé toutes les traces de l’insurrection », annonce L’Orient, le 23 octobre. Deux jours plus tard, soit plus de trois mois après leur débarquement, tous les soldats américains sont évacués du Liban.
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comme c vrai que RIEN n'a change a part qqs noms & dates. UNE CONSTANTE DE TAILLE : une hypothéque a l'etranger est essentielle & ttes les raisons sont bonnes. sommage que Riad Salameh , la banque de l'habitat et l'autre ne puissent pas regulariser ca aussi. une hypotheque valorisee & a but noble au moins. mais bon.
11 h 06, le 08 septembre 2018