Une décision de justice ne semble être, pour certains, qu’une opinion parmi d’autres. La polémique autour du groupe pop Mashrou’ Leila, qui fait couler beaucoup d’encre depuis dimanche dernier, est censée pourtant s’achever après que la procureure générale du Mont-Liban, Ghada Aoun, a donné mercredi au département de la Sécurité de l’État l’ordre de relâcher deux membres du groupe. Ils avaient été interpellés le même jour, après une cabale menée contre Mashrou’ Leila sur les réseaux sociaux et des appels à interdire leur concert prévu le 9 août à Jbeil, sur fond d’accusations liées à une soi-disant atteinte aux croyances religieuses.
La décision de Mme Aoun ne paraît pourtant pas avoir convaincu le président de la municipalité de Majdel Akoura (caza de Jbeil), Samir Assaker. Dans un communiqué publié hier, il a exhorté les députés, présidents de municipalité et mokhtars de la région, absents de la réunion tenue mercredi par l’archevêque de Jbeil, Mgr Michel Aoun, à interdire l’événement inscrit dans le cadre du Festival international de Byblos. Au cours de la séance, à laquelle avaient pris part – outre des personnalités politiques et du monde administratif et partisan – les membres de Mashrou’ Leila, ces derniers avaient pourtant promis de tenir bientôt une conférence de presse en vue de présenter des excuses à ceux qui auraient été dérangés par ce qu’ils considèrent comme une atteinte aux signes religieux qu’ils auraient commise via des publications sur les réseaux sociaux ainsi qu’à travers deux de leurs chansons qualifiées d’offensantes. Le groupe s’était en outre engagé à retirer celles-ci de son concert.
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Mais M. Assaker s’est rabattu sur les responsables qui n’avaient pas participé à la réunion, leur demandant de « prendre une position claire en appelant le plus rapidement possible à un meeting que parrainerait Mgr Michel Aoun pour exprimer le rejet d’un groupe qui porte atteinte aux religions et symboles religieux ». L’édile a même évoqué « l’organisation d’un mouvement populaire sur le terrain pour protester contre l’insulte aux croyances ». L’Orient-Le Jour a tenté d’entrer en contact avec Mgr Aoun pour lui demander s’il entendait répondre à l’appel de M. Assaker, mais ni lui, ni Mgr Charbel Antoun, ni le P. Joseph Ziadé, respectivement vicaire général et secrétaire de l’archevêché maronite de Jbeil, n’étaient joignables.
Contacté par L’OLJ, Ziad Hawat, député de Jbeil, affirme qu’il n’était pas présent à la réunion de Jbeil mercredi. « Nous sommes contre toute atteinte aux croyances religieuses, mais nous considérons qu’une telle offense ne doit être sanctionnée que par les autorités compétentes, à savoir le pouvoir judiciaire et la Sûreté générale », affirme-t-il, appelant à « se plier aux lois et laisser ces institutions faire seules leur travail ». M. Hawat estime d’ailleurs que « ce n’est pas une image ou une chanson qui parviendraient à ébranler une foi bien enracinée », demandant à « mettre fin à l’exagération, au populisme et à la surenchère ».
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Pas de crime pénal
Une source judiciaire proche de la procureure générale du Mont-Liban affirme à L’OLJ que Mme Aoun a relâché les deux musiciens car, selon son appréciation, les faits qu’on leur reproche s’inscrivent dans le cadre de leur exercice de la liberté d’expression et ne constituent donc pas un élément de crime pénal. Ainsi, la juge n’a pas estimé opportun d’engager des poursuites, d’autant qu’aucune plainte personnelle n’a été déposée, ajoute la source précitée, soulignant, par ailleurs, qu’interdire le concert n’est pas du ressort de Mme Aoun, mais plutôt de celui du comité organisateur du Festival international de Jbeil.
Un proche de ce comité indique que, se basant sur les résultats de la réunion de mercredi, au cours de laquelle les musiciens avaient souscrit aux conditions requises, les organisateurs maintiennent leur volonté de produire l’événement. Au moment où L’OLJ est entré en contact avec l’un des neuf membres du comité, celui-ci n’était pas encore au fait de l’information concernant l’appel du président du conseil municipal de Majdel à interdire l’événement. « En tout état de cause, nous allons nous réunir au plus tard lundi ou mardi pour prendre la décision adéquate, qui sera fondée sur les derniers développements », indique-t-il.
C’est également en début de semaine prochaine que devrait avoir lieu la conférence de presse des musiciens, lesquels étaient inscrits hier aux abonnés absents, des sources bien informées affirmant qu’ils ne souhaitent pas pour l’instant s’adresser à la presse.
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commentaires (6)
Une éminente personne nous dit que le groupe pop "Mashrouh' Leila" s'est déjà produit à travers le Liban et dans le monde... C'est un peu vague. S'est-il produit dans les pays dits arabes ? Si oui, dans lesquels ?
Un Libanais
19 h 14, le 26 juillet 2019