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Budget : des mesures "insuffisantes", selon les députés réunis au Parlement

"Il se peut que le président de la République, le président de la Chambre et le Premier ministre ne veuillent pas de ce budget, mais c'est tout ce que nous pouvons faire", déclare Hariri.

Le président de la commission parlementaire des Finances, le député Ibrahim Kanaan, lisant le rapport de la commission concernant le projet de budget 2019, lors d'une séance plénière du Parlement libanais, le 16 juillet 2019. Photo Ali Fawwaz / Parlement libanais

Les députés libanais ont commencé mardi à débattre du projet de budget de l'Etat pour l'année en cours, critiqué par la majorité des intervenants qui l'ont jugé insuffisant pour faire face à la crise économique et financière, alors que, non loin du Parlement, les anciens militaires poursuivaient leur protestation contre des mesures prévues dans le texte. 
L'absence de loi de règlement (la clôture des comptes des années précédentes), qui conditionne normalement l'adoption du budget de l'année (suivante) a également marqué les prises de parole des différents intervenants.
Les débats au Parlement doivent s'étaler sur trois jours et le budget 2019 devrait être adopté jeudi, avec plusieurs mois de retard sur les délais constitutionnels.

Dans son intervention, le président du Parlement, Nabih Berry, a invité le Premier ministre, Saad Hariri, à fixer la date d'un prochain Conseil des ministres consacré à l'approbation de la clôture des comptes (ou lois de règlement) de 2005 à 2017, alors que le gouvernement ne s'est plus réuni depuis les incidents de la Montagne le 30 juin.
Selon l’article 87 de la Constitution, le budget d’une année (suivante) ne peut être publié avant que le Parlement ne vote la loi de règlement (clôture des comptes) pour la précédente. La dernière loi de règlement votée par le Parlement est celle de 2003 (votée en 2005).

Selon M. Berry, la Cour des comptes a terminé la préparation de son rapport d'audit des comptes publics de 2017. Il a ajouté que le chef du gouvernement lui a promis de convoquer une réunion "mardi ou mercredi", avant le vote du Parlement sur le budget.

La semaine dernière, plusieurs sources concordantes avaient fait état d'un consensus portant sur le vote des comptes publics de 2017 uniquement, avant le vote du budget de 2019 au Parlement. "Il y a un compromis politique pour voter les comptes publics de 2017, pour sauver la face, même s’ils ne seront pas révélateurs (d’une bonne exécution budgétaire), car ils sont eux-mêmes basés sur les comptes des années précédentes", avait confirmé à L’Orient-Le Jour le député Jamil Sayyed.
L’audit des comptes publics par la Cour des comptes puis leur approbation par le Parlement sont un exercice primordial qui permet de contrôler les finances publiques et de s’assurer que le budget voté précédemment a été respecté et correctement exécuté. Il permet de délivrer donc une sorte de quitus au gouvernement. Or cela n’a pas été fait depuis 1993.

M. Hariri, qui refuse de convoquer le gouvernement avant un règlement de l'affaire de la Montagne pour ne pas accentuer les divisions, a cependant affirmé qu'aucune date n'avait été fixée pour la tenue d'un tel Conseil. Il a toutefois annoncé, au début de la séance parlementaire, qu'une solution concernant la loi de règlement faisait actuellement "l'objet de concertations", soulignant que le chef de l'Etat, Michel Aoun, "travaille" sur cette solution. Elle consisterait, selon le ministre d'Etat pour les Affaires de la présidence, Salim Jreissati, en en un délai de six mois accordé au gouvernement pour présenter les lois de règlement des années précédentes.



(Lire aussi : Budget 2019 : le gouvernement partagé sur la teneur du texte)



Echange acerbe Adwan-Hariri
Lors de la séance nocturne qui s'est ouverte à 18h, Nabih Berry s'est rétracté et a affirmé qu'il n'y aura pas de Conseil des ministres "de sitôt", en réponse à une question du député Georges Adwan (Forces libanaises) au sujet de la clôture des comptes.

"L'approche globale de la question du budget ne correspond pas aux exigences des circonstances difficiles en ce moment. Il y a certaines mesures que nous pourrions approuver", a pour sa part fait savoir M. Adwan. "Il faut mettre un terme au déni dans lequel nous nous trouvons concernant la situation économique et sociale du pays. Nous nous comportons comme si tout allait bien", a regretté le député. "Si le gouvernement ne tient pas une séance consacrée à la clôture des comptes, cela constituera une nouvelle entorse à la Constitution", a-t-il également mis en garde.

En réponse aux propos de M. Adwan, Saad Hariri a critiqué l'approche des FL. "Attaquez le gouvernement autant que vous le souhaitez, accablez-moi de vos attaques, mais lorsque vous abordez la question de la stabilité monétaire et financière, faites-le de manière responsable. Il est vrai que la situation est difficile, mais nous n'allons pas vers une catastrophe", a-t-il lancé. "Si les FL veulent que nous respections les consignes du Fonds monétaire international (FMI), que pensent-ils d'une livre libanaise à taux flottant, d'une TVA à 15% et d'une taxe de 5 000 livres sur l'essence ?", s'est également interrogé Saad Hariri. "Il se peut que le président de la République, le président de la Chambre et le Premier ministre ne veuillent pas de ce budget, mais c'est tout ce que nous pouvons faire", a ajouté le chef du gouvernement.



(Lire aussi : SOS, citoyens à l’abandon, l’édito de Michel TOUMA)




"Protéger les finances publiques"
Prenant la parole au début de la séance matinale, le président de la commission parlementaire des Finances, le député Ibrahim Kanaan, a lu le rapport des réunions de la commission qui a, en un mois, terminé l'étude du texte du budget et en a amendé le contenu. "Nous aurions pu apporter plus d'amendements si l'avant-projet de budget nous était arrivé dans les délais constitutionnels", a-t-il souligné. Il a, dans cette perspective, demandé au gouvernement de commencer à préparer le budget pour l'exercice 2020. Il a été rejoint sur ce point par la grande majorité des députés ayant pris la parole au cours de la première séance matinale.

"Nous demandons au gouvernement, même s'il est d'union nationale, de ne pas s'ingérer" dans le travail parlementaire, a ajouté Ibrahim Kanaan. Il a encore reproché au gouvernement de ne pas avoir encore envoyé au Législatif la loi de clôture des comptes. "La loi de règlement pour l'année 2017 n'a pas encore été adoptée, et le délai accordé au gouvernement pour préparer les projets de clôture des comptes des dernières années est dépassé, alors que leur adoption est une condition législative et constitutionnelle pour l'étude du budget", a-t-il souligné

Il a été secondé à ce sujet par le député du Hezbollah Hassan Fadlallah, qui a appelé à "ne pas se contenter des lois de règlement à partir de 2004, mais de 1997 à 2017, afin de disposer d'une base saine permettant de protéger les finances publiques".
M. Fadlallah a toutefois estimé que le travail effectué par la commission des Finances "est un pas dans la bonne direction" même si la loi de finance "n'a pas accompli tout ce que nous en espérions".



(Lire aussi : Enseignants et écoles privées reprennent langue, soucieux d’une rentrée scolaire moins chaotique)



Budget "hésitant et confus"
Même son de cloche du côté de ses collègues, le député Michel Moawad (allié du Courant patriotique libre) qualifiant le texte à l'étude par le Parlement de "budget d'atterrissage d'urgence dépourvu de toute vision économique". Anouar Khalil (du mouvement Amal) a, pour sa part, estimé que "les budgets de l'Etat libanais peuvent être surnommés "budgets d'exemptions des contraventions".

De son côté, la députée Sethrida Geagea (Forces libanaises) a qualifié la loi des finances de "budget hésitant et confus". "Les défis sont nombreux et nous ne pouvons plus les surmonter par une fuite en avant", a-t-elle estimé, annonçant que les députés des Forces libanaise "s'abstiendront de voter sur le projet de budget, malgré leur soutien à certains articles qui ne sont malheureusement pas suffisants pour sauver la situation économique actuelle".  Dans sa critique du texte du budget, Mme Geagea a pointé du doigt les dépenses du ministère de l'Energie et de l'Electricité du Liban, qui sont "les plus importantes du déficit public depuis des années", appelant la ministre concernée, Nada Boustani (Courant patriotique libre) à mettre en œuvre diverses procédures afin de réduire ces dépenses, notamment en installant des compteurs intelligents pour calculer la consommation de courant "sur l'entièreté du territoire libanais" et en construisant des centrales de production.

Nazih Najem, du bloc du Futur, a de son côté appelé à donner à l'avenir la priorité aux industries libanaises plutôt qu'à l'importation, afin de sauver l'économie. 

Hassan Fadlallah a, lui, souligné qu'il n'est pas vrai que l'on ne peut assurer des recettes à l'Etat que via l'imposition de taxes" et affirmé "avoir refusé que l'on touche aux salaires des fonctionnaires". "L'idée proposée était que l'on diminue les salaires de 15%, mais elle n'est pas passée, a-t-il souligné, annonçant s'être également opposé à l'imposition d'une taxe de 2% sur les produits importés "mais avoir proposé des alternatives". Et de déclarer : "Nous avons baissé les dépenses de 500 milliards de livres libanaise et pourrions encore économiser 200 milliards si nous nous serrons la ceinture". En ce qui concerne la lutte contre la corruption, M. Fadlallah a affirmé vouloir "corriger les grandes fautes qui ont été commises et trouver les responsables". Il a reproché le manque de transparence des opérations de la Banque centrale, insistant sur l'importance de "limiter le gaspillage" financier. 

Par ailleurs, M. Fadlallah a affirmé que les sanctions contre des responsables politiques du Hezbollah sont "une nouvelle attaque contre le Liban, son peuple, ses institutions et sa démocratie et un affront au Parlement libanais". Ces sanctions "ne dissuaderont pas notre bloc parlementaire de rester fidèle à la résistance" armée contre Israël, a-t-il souligné.



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Les députés libanais ont commencé mardi à débattre du projet de budget de l'Etat pour l'année en cours, critiqué par la majorité des intervenants qui l'ont jugé insuffisant pour faire face à la crise économique et financière, alors que, non loin du Parlement, les anciens militaires poursuivaient leur protestation contre des mesures prévues dans le texte.  L'absence de loi de...

commentaires (2)

Le parlement peut se réunir en séance plénière, mais pas de Conseil des ministres à l’horizon… Si quelqu’un me fera un dessin… Rien que pour comprendre si c’est pour le budget de 2020, ou pour plus tard, pour anticiper quoi, CEDRE ? …. Accélérer le tempo, Messieurs/Dames, et laissez tomber ces ""mesures insuffisantes"", quand on pense à la chaleur et autres factures et taxes, comme celle sur le narguilé par exemple…

L'ARCHIPEL LIBANAIS

18 h 46, le 16 juillet 2019

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Commentaires (2)

  • Le parlement peut se réunir en séance plénière, mais pas de Conseil des ministres à l’horizon… Si quelqu’un me fera un dessin… Rien que pour comprendre si c’est pour le budget de 2020, ou pour plus tard, pour anticiper quoi, CEDRE ? …. Accélérer le tempo, Messieurs/Dames, et laissez tomber ces ""mesures insuffisantes"", quand on pense à la chaleur et autres factures et taxes, comme celle sur le narguilé par exemple…

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    18 h 46, le 16 juillet 2019

  • C,EST UN BUDGET DE LA RIGOLADE ! JE NE FAIS QUE LE REPETER DEPUIS DES MOIS. JE SERAIS ETONNE SI LES DONATEURS ET LES INVESTISSEURS DE LA CEDRE N,Y TROUVERAIENT RIEN A REDIRE CAR CES MESSIEURS NE SONT PAS DES SOCIETES DE CHARITE. LA SITUATION VA EMPIRER ET NOS ABRUTIS SERONT OBLIGES DE DIRIGER LE PAYS A L,IMAGE DE LA GRECE EN ADOPTANT LES MEMES MESURES D,AUSTERITE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 51, le 16 juillet 2019

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