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Lifestyle - La mode

À la Semaine parisienne de la mode masculine, un été résolument rose

Au monotone « ton-sur-ton »auquel sont généralement abonnées les collections masculines, le printemps-été 2020 préférera le « tout-sur-tout ». La prochaine belle saison promet à l’homme des mélanges réjouissants, une régression rafraîchissante et des razzias vengeresses dans les placards féminins. Un vestiaire ludique dont la Semaine parisienne de la mode masculine vient d’offrir un agréable avant-goût.

Difficile de circuler dans Paris cette avant-dernière et précaniculaire semaine de juin où l’ambiance était au vertige, entre fête de la Musique et mode masculine. Toujours surprenantes, les collections de l’homme anticipent le printemps 2020 avec un côté encore plus régressif, transgressif et totalement effervescent. L’esprit, entre glamour et absence de contraintes, récupère les codes du rock et du jazz, joue avec brio sur le tailoring, mixe genres et cultures, volumes et textures, sème fleurs et paillettes et, par-dessus tout, offre d’éblouissantes associations de couleurs. Une véritable « ode au rose », couleur politique s’il en est, lénifie le tout comme un appel à l’apaisement, sinon à la paix et, bien sûr, à l’équité entre genres. Les grands garçons en seront quittes avec leurs rêves, secrets ou pas, de petites filles. Démonstration par ordre alphabétique.


Balmain, en musique et contre le sida

Dans Balmain, on entend « baume », on entend « bal », on entend « main » et on entend « bain ». L’été tout entier en deux syllabes. La maison a offert, début juin, 1 500 entrées gratuites pour son défilé fixé au 21 juin, précisément le soir de la fête de la Musique. Un long intermède musical joué sur un show de lumières rouges puis bleues préparait l’entrée des mannequins sous un ballet de projecteurs blancs. Le logo de la marque avait été revisité dans le style californien en néon rose sur fond de palmiers. C’est au jardin des Plantes, aussi près que l’on puisse l’être de la nature en milieu urbain, que Balmain a déployé une collection tout en satin blanc ou gris pâle, micromiroirs et paillettes, mais aussi en jeans taille haute avec de nombreux Teddy de soie. Un retour aux années 1980 qui n’était pas anodin, car le directeur artistique Olivier Rousteing ressuscitait ces années sida où l’on a vécu à la fois le meilleur de la fête et le pire de la chute pour aider RED, association cofondée par U2, et Bono pour alimenter entre autres le Fonds mondial de lutte contre le sida.


Berluti selon Kris Van Assche

Au jeu des chaises musicales, Kris Van Assche, en quittant Dior, a retrouvé son inspiration chez Berluti où il succède à Alessandro Sartori retourné chez Zegna. La maison cordonnière de grand luxe dirigée par Antoine Arnault complète son offre avec des lignes prêt-à-porter depuis 2012. Dans la serre de l’Orangerie du Luxembourg, Berluti avait aussi fait défiler des filles et pas des moindres : Gigi Hadid et Natasha Poly, par exemple, mais le cœur du sujet était chez les hommes dont elles étaient de merveilleux faire-valoir. Cinquante modèles, entre redingotes et pantalons cigarette, grands manteaux d’été, parkas et costumes, déclinent en vêtements l’âme artisane de la maison. Cuirs et peaux affichent des couleurs aussi joyeuses qu’insolites. Le tout est complété par des chaussures et des sacs qui rappellent la vocation première de l’enseigne, mais avec une touche rock inhabituelle, tout en métal et matériaux réfléchissants.


Céline à la croisée de Soho et du Quartier latin

On attendait Hedi Slimane sur un camaïeu de noirs et des coupes au millimètre, or pas du tout. Chez Céline, le génie qui avait incité Karl Lagerfeld à perdre la moitié de son poids pour entrer dans ses costumes propose pour la prochaine belle saison un vestiaire de rock star ressuscitant les 70’s. Pantalons évasés et vestes étroite (si David Bowie nous regarde), tweeds classiques infiltrés de fil d’argent, galons, rayures, boutons, il y a une folle jeunesse, une arrogante adolescence et un chahut de rouge, blanc et argent dans cette collection qui nous rappelle à point nommé que la seule rigueur désormais admise est dans la confection et la perfection des coupes et des silhouettes. Pour le reste, tous les coups sont permis.


Dior, archéologue du futur

C’est à l’Institut du monde arabe que Dior a fait défiler, sous la direction artistique de Kim Jones, en collaboration avec l’artiste américain Daniel Arsham, une collection qui rend hommage au célèbre et néanmoins oublié galeriste que fut Christian Dior. Dans un bunker nimbé de rose au cœur duquel s’élèvent, tels des vestiges pompéiens, les quatre lettres magiques de la marque moulées dans un ciment effrité, les modèles présentés offraient à l’homme une perspective haute couture inégalée. Le col châle en satin des vestes de smoking se prolonge en foulard contrasté relevant l’ensemble d’une touche japonisante d’une élégance inouïe. Par ailleurs, beaucoup de rose, manifestement couleur phare de la saison, et des combinaisons, des jeux sur les codes du sportswear, des graphismes vintage tels que la toile de Jouy et l’estampe japonaise. L’idée était, à la manière d’Arsham, de réfléchir sur l’ADN de la maison en imaginant ce que serait l’antique du futur.


Hermès, maître des matières et de la couleur

Dans la cour du Mobilier national, Hermès a présenté une collection que la directrice artistique Véronique Nichanian a voulue simple pour laisser le pouvoir à la seule beauté des couleurs et des textures. La « nonchalance estivale », sous le signe de laquelle a été conçue cette collection, est au contraire tout en rigueur, n’était la généreuse ampleur, le confort impeccable et si désirable des coupes. Pur bonheur pour les yeux, un mince foulard jouait les contrepoints sur des aplats sublimes : vert eau sur blouson prune, rose sur rouge, orange ou jaune sur violet, les contrastes d’une palette saturée étaient rendus encore plus voluptueux par la qualité des tissus, seersucker, nappa, soie, soie et soie. Les références à l’univers équestre propre à Hermès, tant pour son côté sportif que pour ses grands soirs, n’étaient évidemment jamais bien loin.


Loewe, un voyage à rebours

Dans une cour du siège de l’Unesco, Loewe, sous la direction artistique de Jonathan Anderson, a rendu hommage au modernisme sous lequel l’enseigne a vu le jour. Ce défilé était une véritable anthologie de tout ce que le maroquinier espagnol a créé de plus iconique depuis sa fondation, y compris un arrêt sur son apothéose dans les années 1970. Beaucoup de daim, des références aux îles Baléares qui ont transformé l’Espagne en destination touristique privilégiée pour les vacanciers de la génération hippie, entre caftans et djellabas aux genoux et palette solaire, déclinant sables et bleus, ombres et lumières, le tout accompagné de sublimes spartiates.


« Vetements » et le fantasme de l’uniforme

Créée par un collectif qui se voulait anonyme et dont a émergé le génial géorgien Demna Gvasalia, « Vetements » joue depuis une poignée d’années à détourner les logos et à recycler avec classe tout ce qu’on peut se mettre sur le dos en ce troisième millénaire. C’est au MacDo des Champs-Élysées qu’a eu lieu la présentation de la collection masculine printemps-été 2020 de l’enseigne qui a phagocyté toutes les autres en empruntant leurs codes et leurs tags. Le choix de MacDo était évidemment un manifeste en soi qui dédramatisait la fascination consumériste et remettait à leur vraie place les étiquettes poudre aux yeux. « Vetements » a emprunté aux serveurs de fast-food leurs uniformes, déshabillant dans la foulée les gardiens de l’avenue, les CRS et les filles qui ont profité des soldes du Black Friday pour s’acheter n’importe quoi, jetant le tout avec humour sur le dos des mannequins. À mi-chemin entre vêtement et déguisement, ce vestiaire décalé offre une stimulante distorsion du réel.


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