Le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a dénoncé dimanche "l'odieuse offense" faite au patriarche émérite Nasrallah Sfeir, décédé dimanche dernier, par le président de la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL), Béchara Asmar, qui fait l'objet depuis samedi d'un mandat d'arrêt après la fuite d'insultes à la mémoire du cardinal Sfeir enregistrées lors de sa conférence de presse qu'il a tenue vendredi, provoquant depuis un tollé dans le pays.
"Nous avons été profondément peinés, comme tout le monde au Liban et à l'étranger, par l'odieuse offense faite au patriarche Sfeir, à sa dépouille reposant dans sa dernière demeure sur notre Terre et à son esprit qui emplit le ciel de bonheur. M'est alors revenue l'image du soldat romain qui a transpercé avec sa lance le coeur du Christ sur la croix", a déclaré Mgr Raï dans son homélie prononcée lors d'une messe à Bkerké à la mémoire du cardinal Sfeir et de l’ancien vicaire patriarcal maronite, Mgr Roland Abou Jaoudé, décédé le 2 mai dernier.
"Ils en ont fait un saint", s’était moqué le président de la CGTL, provoquant des éclats de rire à gorge déployée des autres intervenants assis auprès de lui, avant de proférer de mauvaises plaisanteries insultantes sur la propension du patriarche défunt "à effectuer des miracles" désormais. L’Orient-Le Jour refuse de reprendre ces propos infamants. Ce que Béchara Asmar ne savait pas, c’est que ses propos avant la conférence de presse ont été filmés et diffusés sur certains sites web. M. Asmar, qui a d’abord essayé de démentir l’information dans un communiqué avant de se raviser (l’enregistrement vidéo de l’insulte étant devenu viral), et de présenter ses excuses, s’est immédiatement attiré les foudres de plusieurs personnalités et formations politiques hier.
Au sein des milieux politiques et syndicaux de tous bords, les appels à la démission de M. Asmar de ses fonctions et de poursuites en justice contre lui se sont multipliés ces trois derniers jours.
Samedi soir, Bkerké avait réagi aux propos tenus par M. Asmar, lesquels, selon Mgr Raï, "font perdre la capacité d'exercer une responsabilité publique", ajoutant que le chef de la CGTL est obligé de s'excuser auprès de tous les Libanais. "En dépit du fait que les portes du pardon demeurent ouvertes, celles du patriarcat resteront fermées devant lui jusqu'à ce qu'il ait expié son péché", conclut le communiqué du patriarcat maronite.
(Lire aussi : Macron à Aoun : L’esprit et l’héritage de Sfeir continueront d’inspirer le Liban)
Une délégation de la CGTL à Bkerké
Dimanche, une délégation du conseil exécutif de la CGTL, présidée par le chef du Bloc syndical indépendant, Georges Alam, ainsi qu'une délégation de la fédération générale des syndicats des travailleurs du Liban, ont assisté à la messe de Mgr Raï.
La veille, plusieurs fédérations syndicales avaient décidé de suspendre leur participation à la CGTL en réaction aux propos de son président. M. Alam avait annoncé une liste de dix fédérations syndicales qui se sont désolidarisées de la CGTL. Il s'agit de la Fédération libanaise des syndicats ouvriers, la Fédération libanaise des syndicats libres, la Fédération des syndicats indépendants, la Fédération des syndicats solidaires, La Fédération des syndicats unis, la Fédération des techniques modernes, la Fédération du secteur des transports, la Fédération du secteur commercial, la Fédération des syndicats du Mont-Liban Nord, et la fédération des syndicats du secteur des assurances. Tous ces syndicats se sont "mis à la disposition" du patriarche maronite, Béchara el-Raï.
Par ailleurs, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, à la tête d'une délégation de ministres CPL, de députés du bloc parlementaire du "Liban fort" et du parti aouniste, assiste aussi à cette messe et a présenté ensuite ses condoléances à Mgr Raï. "Nous nous tenons aux côtés de Bkerké et son message national pour préserver le message du Liban. Ce message, personne ne peut lui porter atteinte", a déclaré M. Bassil à l'issue de cet entretien. Réagissant à la polémique suscitée par les propos de M. Asmar, le leader du CPL a déclaré : "Cette insulte à Bkerké et aux Libanais est la preuve d'un problème de moralité au Liban. Il est naturel que nous ne reconnaissions plus la présidence du CGTL jusqu'à ce que la situation soit réglée".
Photo Ani
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commentaires (14)
Nous sommes tous d’accord que les propos de M. Asmar sont inacceptables. Tous ceux qui prennent la parole en public savent que pour déjouer le trac, il arrive fréquemment aux orateurs de raconter des conneries avant le début de la conférence. Il est tout aussi inacceptable, si ce n’est pas plus, que des représentants des anciennes milices et de leurs financiers, s’offusquent publiquement de la gravité de cette moquerie, avec véhémence exagérée, alors que pendant la guerre, certaines milices de tous les bords, ont organisé des tueries de masse, des assassinats, des enlèvements, des rapts, des bombardements de villes habitées, des déportements de population, posé des bombes à retardement, violé la paix civile, terrorisé des personnes non-armées, violé le repos des morts dans les cimetières, posé des voitures piégées, commis des vols à mains armées, contrebandes, cambriolages, destructions des biens et des usines, rançonné les commerces, condamné et liquidé des coreligionnaires sans jugement, menacé, inquiété, etc. et je ne parlerai pas ici de leurs usages des armes blanches pour ne pas dégoûter davantage les lecteurs. Ça suffit !
Shou fi
14 h 39, le 20 mai 2019