Rechercher
Rechercher

Liban - Social

Des magistrats choisissent l’escalade

Le Conseil supérieur de la magistrature devrait tenir une réunion aujourd’hui pour stigmatiser la décision de poursuite du mouvement de grève.

Une vue de la réunion des magistrats protestataires.

Alors que la grève des fonctionnaires enclenchée la semaine dernière pour empêcher l’adoption de mesures d’austérité budgétaire à leur encontre a pris fin hier, les magistrats, eux, ont choisi l’escalade en décidant de poursuivre leur grève jusqu’à ce que le Conseil des ministres achève l’examen du projet du budget. Une manière d’afficher leur intransigeance face à une coupe éventuelle dans les recettes de leur caisse mutuelle qui pourvoit aux frais de leurs soins de santé et ceux de leurs enfants, ainsi qu’aux frais de scolarité de ces derniers.

Selon des informations recueillies par L’Orient-Le Jour, la décision a été prise par près de 200 juges judiciaires, administratifs et financiers, regroupés dans la salle de la Cour de cassation du Palais de justice de Beyrouth, qui avaient au préalable demandé au président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) Jean Fahd et au président de la Caisse mutuelle des magistrats, le procureur général financier Ali Ibrahim, de se joindre à eux pour les mettre au fait des pourparlers entrepris avec les responsables au sujet de l’amendement des clauses de l’avant-projet budgétaire. Clauses qui, selon eux, portent atteinte à leur indépendance financière et morale. Considérant que les propositions qui leur ont été communiquées par MM. Fahd et Ibrahim ne satisfont pas leurs revendications, les magistrats présents ont décidé de maintenir le mouvement de grève jusqu’à vendredi, jour où le projet du budget devrait être finalisé. Au cas où il ne l’est pas, mais « si les magistrats perçoivent des indices positifs quant à une prochaine satisfaction de leurs demandes, la tendance serait vers une reprise du travail », a affirmé à L’OLJ un juge protestataire.


(Lire aussi : Les grèves suspendues, place au dialogue par secteur)


« Un pouvoir ne peut se mettre en grève »

Toujours selon les informations recueillies, M. Fahd a tenté en vain de persuader ses collègues de reprendre la tenue des audiences, jugeant que de par sa nature, « un pouvoir ne peut se mettre en grève ». Samedi dernier, il avait désavoué la décision de grève annoncée la veille, invitant le corps de la magistrature à « poursuivre le travail comme à l’accoutumée », mais celui-ci a persisté dans sa volonté d’exercer la pression sur l’exécutif.

Dans leur communiqué publié hier, les quelque 200 juges (le corps judiciaire en compte environ 500) ont réclamé « un texte clair qui épargne au pouvoir judiciaire les clauses du budget touchant à ses droits et garanties » et ont souhaité que « le Conseil des ministres rejoigne le chef de l’État dans sa volonté de préserver l’indépendance du pouvoir judiciaire ». À noter à cet égard que M. Fahd, accompagné d’une délégation de hauts magistrats, s’était rendu mardi auprès du président Aoun, qui lui avait exprimé son attachement à l’indépendance de la justice.

Les participants à la réunion ont en outre rejeté ce qu’ils ont décrit comme « une agression constante d’un pouvoir contre un autre, agression qui empêche le pouvoir judiciaire de mener un réel combat contre la corruption ». Ils ont par ailleurs annoncé qu’ils maintiendront leurs réunions ouvertes jusqu’à satisfaction complète de leurs demandes, dont « la plus importante est l’indépendance », ont-ils insisté. Ils ont réclamé dans ce sillage une double autonomie administrative (nominations et permutations) et financière (budget spécial). À propos de cette indépendance judiciaire, véritable cheval de bataille de leur mobilisation, des juges en grève ont affirmé à L’OLJ qu’« il est aberrant de reconnaître un statut spécial aux fonctionnaires de la Banque centrale, qui est une institution publique, alors qu’on refuse d’admettre l’indépendance des magistrats, pourtant consacrée par la Constitution ».

Selon des sources informées, le Conseil supérieur de la magistrature devrait tenir aujourd’hui une réunion pour stigmatiser la poursuite de la grève. Dans les milieux du CSM, on trouve « incompréhensible » et « inattendue » la persistance de la mobilisation. On fait observer à cet égard qu’il fallait attendre que l’étude du budget soit achevée, d’autant que le chef de l’État a donné sa parole quant à sa ferme volonté de préserver les revenus de la Caisse mutuelle des magistrats. De plus, indique-t-on dans ces milieux, le chef du législatif Nabih Berry s’est engagé à œuvrer pour que le Parlement ne vote pas les clauses budgétaires qui porteraient atteinte aux droits des magistrats. Sur la question plus particulière de l’indépendance financière, ces sources estiment que dans tous les pays du monde, celle-ci ne peut être réalisée totalement, même si le pouvoir qui la réclame est indépendant. Et de citer l’exemple du pouvoir parlementaire qui, bien qu’indépendant, voit son budget discuté par le gouvernement.



Lire aussi 

Quels services ont été affectés par la grève de la BDL ?

Budget 2019 : le FMI fait « confiance » au gouvernement, assure Bteich

Budget 2019 : qui supportera le poids de l’austérité ?

Les tiroirs de la fêtel'édito de Issa Goraïeb

Lettre ouverte aux dirigeants libanais, de Médéa AZOURI

Budget : c’est à la classe dirigeante, et non au peuple, de payer pour ses erreurs

Alors que la grève des fonctionnaires enclenchée la semaine dernière pour empêcher l’adoption de mesures d’austérité budgétaire à leur encontre a pris fin hier, les magistrats, eux, ont choisi l’escalade en décidant de poursuivre leur grève jusqu’à ce que le Conseil des ministres achève l’examen du projet du budget. Une manière d’afficher leur intransigeance face à une...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut