Le ministre de l’Économie, Mansour Bteich, proche du président de la République, a contesté hier l’analyse que fait de la situation financière du pays le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé. Lors d’une conférence de presse dans les locaux du ministère, il a estimé que la situation du pays est « difficile », mais que « des solutions existent ». Il a surtout réfuté les affirmations de M. Salamé selon lesquelles le secteur public est responsable du déficit budgétaire, lui demandant « de présenter une étude prouvant ses dires ».
« La réalité du pays est difficile. La dette publique est aujourd’hui de 87 milliards de dollars et le service de la dette s’élève à lui seul à 6,5 milliards. Mais les solutions existent et il n’est pas nécessaire d’effrayer la population ou d’être pessimiste », a déclaré M. Bteich. « M. Salamé a estimé que le déficit budgétaire est la source de tous les maux, et appelé à réduire la taille du secteur public, a-t-il ajouté. Je comprends ses craintes. Mais la loi permet d’y pallier. » Et le ministre Bteich d’inviter le gouverneur de la Banque centrale « à présenter la réalité dans une étude ». « Je crois d’ailleurs qu’il a confondu entre la participation du secteur public au PIB et la part de la dépense publique par rapport à ce dernier », a-t-il fait remarquer. Le ministre de l’Économie a par ailleurs reconnu que le Premier ministre Saad Hariri « n’a pas tort lorsqu’il dit que certaines mesures pourraient faire mal ». « Mais il est certain que ces mesures ne doivent pas être douloureuses pour les gens », a-t-il martelé.
(Lire aussi : Ce que le ministre de l’Économie reproche à la BDL)
Le quart des fonctionnaires, payés pour ne rien faire
Quelle est la portée politique de ces propos ? Les critiques adressées au gouverneur de la Banque du Liban sont-elles juste d’ordre technique, ou visent-elles à dégommer Riad Salamé, connu pour être proche du Premier ministre Saad Hariri, pour le remplacer par un gouverneur proche du chef de l’État ?
Rappelons que la communauté internationale a accordé au Liban une aide d’un montant de 11 milliards de dollars, dans le cadre de la conférence internationale dite CEDRE qui s’est tenue l’année dernière à Paris. Cette aide est toutefois conditionnée par une série de réformes et de mesures, notamment pour lutter contre la corruption. Le budget de 2019, qui sera adopté en dehors des délais constitutionnels – qui ont expiré fin janvier –, doit être conforme à l’engagement pris par le Liban lors de la conférence en question de réduire son déficit public d’un point de PIB par an en cinq ans.
Contacté par L’Orient-Le Jour, Moustapha Allouche, ancien député du courant du Futur, défend fermement la politique du gouverneur de la Banque centrale. « Le quart des fonctionnaires du pays perçoivent un salaire sans fournir le moindre travail en contrepartie, regrette-t-il. L’État paie toujours des salaires aux fonctionnaires des transports et du rail, alors que nous n’avons pas de voies ferrées ni de trains. Il en est de même pour les employés de la raffinerie de Tripoli dont l’activité est arrêtée depuis 35 ans. » L’ancien député rappelle aussi que « de nombreux enseignants sont employés dans des écoles publiques sans élèves », et que « la Caisse nationale de Sécurité sociale travaille avec un nombre de fonctionnaires deux fois plus important que ses besoins ». « Nous pouvons faire des économies dans tous ces secteurs », assure-t-il. Et d’observer qu’« il n’est pas possible de lancer des réformes et de couper dans le budget de l’État, sans porter atteinte aux personnes, de manière générale ». « Personne ne désire voir les petits fonctionnaires lésés, ajoute-t-il. Mais nous devons agir avec objectivité. Des décisions difficiles devront donc être prises. »
Dans une analyse politique plus globale, l’ancien député estime par ailleurs que « le CPL ne voit pas d’un œil favorable la puissance du gouverneur de la Banque du Liban, face aux forces politiques ». « Le président de la République considère que le gouverneur devrait plutôt être une personnalité qui lui est proche », note-t-il à ce propos. « D’où ce discours populiste d’un ministre proche du CPL, déterminé à montrer qu’il défend les petits fonctionnaires contre les autres partis, qui eux ne les défendent pas. » « Or ces propos ne reflètent pas la réalité », martèle M. Allouche, invitant le ministre de l’Économie « à faire son devoir et à présenter à son tour un plan » de réformes.
(Lire aussi : CEDRE : le gouvernement attendu au tournant pour le budget 2019)
Le débat se poursuit, dans l’attente d’un consensus
À ces propos, le député du CPL Alain Aoun, également contacté par L’OLJ répond avec fermeté qu’« il n’existe aucune volonté politique du CPL de porter atteinte au gouverneur de la Banque centrale ». « Et Riad Salamé n’est pas dans notre ligne de mire », affirme-t-il. « Les propos de Mansour Bteich ne sont donc liés à aucune intention quelconque vis-à-vis du gouverneur Riad Salamé, lequel travaille en totale coordination avec le chef de l’État et son équipe », ajoute-t-il. M. Aoun rappelle à ce propos « la rencontre » entre le ministre de l’Économie et le gouverneur de la Banque centrale, à l’initiative du président Aoun, « pour discuter des différents points de vue ». « Les propos tenus par le ministre Bteich, lors de sa conférence de presse, sont simplement l’expression de son point de vue sur la question (des réformes), dans le cadre du dialogue entre les deux hommes », soutient le député, précisant qu’« après l’avis du gouverneur sur la question, le ministre a présenté à l’opinion publique un avis différent ». « Le débat se poursuit donc et toutes les forces politiques y prennent part, sans pour autant être d’accord », indique le député du CPL, tout en espérant « un consensus prochain sur la question ».
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commentaires (6)
le liban appartient déjà aux banques donc a l'economie et par le fait meme a l'economie mondiale !! ceux qui cherchent a faire la politique de la moumana3a se trompe lourdement quand ils disent vouloir sortir du systèmes eco mondial et suivre un autre système …
Bery tus
00 h 10, le 06 avril 2019