Des combattants du Hezbollah. Photo d’archives Mahmoud Zayyat/AFP
Le débat autour de la déclaration ministérielle n’était pas vraiment houleux entre les différentes composantes du nouveau gouvernement, ce qui explique son adoption en un temps record. La volonté d’éviter les sujets litigieux et de s’en tenir aux anciennes formules était évidente tout au long de ces discussions. Seule exception : les réserves formulées par les ministres des Forces libanaises autour de l’article sur « le droit à la résistance contre Israël ». À ce propos, les ministres de ce parti ont proposé de « limiter la stratégie de défense aux forces armées libanaises », faisant référence aux armes du Hezbollah, ainsi que l’a précisé May Chidiac, ministre d’État pour le Développement administratif. « Nous avons demandé que soit ajoutée cette phrase, mais cela n’a bien sûr pas été retenu », a-t-elle déclaré avant d’entrer au Conseil des ministres à Baabda.
Si la formule sur la résistance est restée inchangée dans la déclaration ministérielle, des craintes entourent également le sort du concept de distanciation (par rapport aux conflits extérieurs) – qui fait pourtant l’objet d’un engagement du gouvernement – depuis que le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a déclaré mercredi, au cours de son discours à l’occasion des 40 ans de la révolution iranienne, que « l’Iran ne sera pas seul en cas de guerre contre les États-Unis ».
L’ancien ministre Achraf Rifi a été le premier à réagir, estimant que « ces propos mettent le Liban dans l’œil du cyclone ». Et d’ajouter, dans un tweet : « Le Hezbollah entraînera-t-il le Liban dans une guerre pour défendre l’Iran ? Le pays supportera-t-il une telle guerre ? Et qu’en pensent les différentes composantes du pouvoir, surtout que l’article sur la distanciation vient d’être inclus dans la déclaration ministérielle ? »
(Lire aussi : Nasrallah prêt à demander à Téhéran une aide militaire pour l’armée)
Quel sort réserve-t-on donc à la politique de distanciation et aux armes du Hezbollah, dans le cadre d’un silence qui n’a été rompu que par les FL ? Une source de ce parti s’est contentée de dire à L’Orient-Le Jour que celui-ci « aurait souhaité que ce point fasse l’objet d’un débat plus profond et sérieux, ce qui aurait été le cas si d’autres voix s’y étaient jointes ».
Et d’ajouter : « Telle est notre lutte depuis 2005, et elle persiste parce qu’il s’agit pour nous d’un problème fondamental. » Qu’en est-il de la politique de distanciation et de la déclaration de Hassan Nasrallah sur l’Iran ? « Nous avons en fait insisté sur trois points de la déclaration présidentielle, la stratégie de défense sous l’égide de l’État, une politique étrangère qui reflète la politique du pays et l’attachement au principe de distanciation », répond-on de même source.
Pour le député FL Wehbé Katicha, cette opposition est une évidence. « Nous agissons suivant nos principes, quelles que soient les circonstances, dit-il. Nous exprimons ce que nous pensons pour que l’opinion publique soit au courant que des armes restent sous contrôle iranien. »
À une question sur la position affichée par les FL au cours de la discussion sur la déclaration ministérielle, une source proche du Hezbollah affirme à L’OLJ qu’« il n’y a rien de surprenant, telle a été la position de ce parti de tout temps parce qu’il se base sur le fait que l’armée peut protéger le territoire libanais contre Israël ». Selon cette source, « l’action du Hezbollah a réussi à instaurer un équilibre parfait qui décourage l’ennemi tout en dissipant les craintes sur le plan interne ».
La contestation des FL portait cependant sur le fait qu’il faut placer ces armes et cette stratégie de défense sous l’égide de l’État… « Pourquoi changer une formule qui fonctionne bien ? » se demande cette source.
(Pour mémoire : Nasrallah à Netanyahu : Le nouveau gouvernement n'est pas "le gouvernement du Hezbollah")
« Des inquiétudes qui n’ont pas de sens »
La déclaration du secrétaire général du Hezbollah sur l’Iran ne va-t-elle pas à l’encontre de la politique de distanciation du gouvernement? « Ce genre d’inquiétudes n’a pas de sens, affirme-t-elle. L’Iran est menacé depuis 1979. Si une guerre éclatait contre ce pays, ce serait un bouleversement total de toute la région, et il serait alors impossible de rester neutre. » Et d’ajouter : « Le Liban est en sécurité, quoi qu’on en dise, et même l’intervention en Syrie a protégé nos frontières. Mais est-on seulement d’accord sur l’identité de notre ennemi au Liban? »
À l’opposé du Hezbollah, les alliés traditionnels des FL, eux, émettent certains doutes sur l’efficacité d’une opposition au sein du gouvernement. Interrogé par L’OLJ sur les réserves exprimées par le parti lors de la réunion portant sur la déclaration ministérielle, le général à la retraite Khalil Hélou, analyste politique et militaire, a estimé que « cette opposition des FL est de pure forme dans un gouvernement clairement mené par le Hezbollah ». « Tout le monde sait qu’il n’y a pas de déclaration ministérielle si le Hezbollah ne l’approuve pas, et les FL ont accepté ce marché », a-t-il ajouté.
À ces propos, tenus aussi par d’autres opposants, la source FL précitée dénonce « de la surenchère ». « Il ne fait pas de doute qu’il y a une coexistence politique actuellement, mais ni le Hezbollah ne peut annuler les partis souverainistes, ni ceux-ci ne peuvent obliger le Hezbollah à abandonner ses armes dans la conjoncture actuelle, poursuit-elle. Mais même au plus fort du 14 Mars, qu’avions-nous pu faire ? L’opposition au sein du gouvernement est la seule option possible actuellement. »
Le général Hélou ne se fait pas d’illusions sur la période à venir. « Toute opposition de poids est désormais inexistante, dit-il. Au Parlement, il n’y a que le bloc Kataëb hors du pouvoir, mais il a une marge de manœuvre limitée de par le nombre de ses députés. À l’extérieur, beaucoup d’opposants au gouvernement sont des membres de la société civile dont les revendications sont loin de cette question stratégique des armes en dehors de la légalité. Dorénavant, nous sommes clairement alignés sur l’Iran, et le concept de distanciation n’a plus aucun sens. »
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Le débat autour de la déclaration ministérielle n’était pas vraiment houleux entre les différentes composantes du nouveau gouvernement, ce qui explique son adoption en un temps record. La volonté d’éviter les sujets litigieux et de s’en tenir aux anciennes formules était évidente tout au long de ces discussions. Seule exception : les réserves formulées par les ministres des...
commentaires (14)
BRAVO Le Faucon Pèlerin, RÉSISTER AUX MOULINS À VENT. ISRAEL N'A PAS OCCUPER À CE JOUR LE LIBAN, MALHEUREUSEMENT CA NE VA PAS TARDER À VENIR.
Gebran Eid
18 h 55, le 08 février 2019