Farès Souhaid. Photo d’archives
Aussi bien le Premier ministre Saad Hariri que le leader du Courant patriotique libre Gebran Bassil ont déployé de grands efforts pour convaincre les Libanais que le gouvernement qui a vu le jour jeudi dernier est un cabinet d’entente nationale, regroupant la majorité des protagonistes. Sauf que, contrairement à ce qu’auraient pu espérer MM. Hariri et Bassil, dans les milieux de l’opposition des voix commencent déjà à s’élever pour s’indigner contre ce qu’elles appellent « un gouvernement déséquilibré en faveur du Hezbollah ».
Et pour cause : le parti chiite dispose, selon certains opposants contactés par L’Orient-Le Jour, d’une majorité confortable au sein de la nouvelle équipe Hariri. Un constat qui permet à ces milieux d’assurer que le cabinet ne pourra prendre aucune décision sans l’approbation du parti de Hassan Nasrallah. Cet état des lieux, nombreuses personnalités hostiles à la ligne politique actuelle l’expliquent par le fait que les laborieuses tractations en vue de la mise sur pied du cabinet ont témoigné d’un changement radical au niveau des us et coutumes longtemps respectés dans le cadre des négociations en vue de la formation d’un gouvernement. Sans vouloir anticiper l’action de la toute nouvelle équipe avant de lui accorder une période de grâce de cent jours, certains opposants ne cachent pas leurs craintes de voir les nouvelles règles politiques imposées lors des négociations ministérielles se répercuter sur les décisions gouvernementales.
Sur ce registre, les Kataëb – perçus comme le fer de lance de l’opposition – sont particulièrement pessimistes. Interrogé par L’OLJ, Élias Hankache, député Kataëb du Metn, souligne que sa formation a longtemps mis en garde contre les retombées négatives de la guerre des quotes-parts à laquelle se sont livrés tous les protagonistes. « Les composantes gouvernementales se querellent déjà, alors que le Conseil des ministres n’a même pas encore tenu sa première séance », déplore-t-il, sans cacher ses craintes quant à un échec du gouvernement à « recouvrer » ses décisions d’ordre souverainiste, aujourd’hui hypothéquées par le Hezbollah. « Cela pourrait causer des problèmes », avertit le député du Metn, dénonçant le fait que « le Hezbollah et ses alliés sont parvenus à obtenir une large majorité au sein de l’équipe ministérielle ». Le président du Rassemblement de Saydet el-Jabal, Farès Souhaid, va, pour sa part, jusqu’à déclarer sans détour que le cabinet qui a vu le jour il y a près d’une semaine n’est autre que « le gouvernement du Hezbollah ». Lundi, M. Souhaid avait posté un tweet dans ce sens, tout en soulignant qu’il « n’a rien à voir avec Netanyahu ». Allusion aux propos, tenus samedi, par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu dans lesquels il avait estimé que le « Hezbollah contrôle le gouvernement libanais ».
(Lire aussi : Déclaration ministérielle : Les relations avec la Syrie épicent des débats globalement convenus)
Pour expliquer son constat, M. Souhaid ne le dissocie pas du contexte politique instauré par le compromis présidentiel conclu en 2016 entre le président de la République, Michel Aoun, alors député du Kesrouan et chef du CPL, et Saad Hariri, leader du courant du Futur. « Cette entente tient toujours, mais avec la formation du nouveau gouvernement, cet accord a enregistré une évolution », souligne l’ancien député de Jbeil, avant d’expliquer : « Dans un premier temps, ce compromis élargi reposait sur le Hezbollah, les Forces libanaises, le Futur et le Parti socialiste progressiste. Aujourd’hui, Meerab et Moukhtara en semblent écartés. Ainsi, l’entente est surtout appuyée par les partis de Hassan Nasrallah et Saad Hariri, Michel Aoun étant le dénominateur commun entre eux. » Mais pour M. Souhaid, l’importance de la nouvelle équipe Hariri réside dans le fait qu’elle pourrait bien « servir de bouche-trou pour combler une éventuelle vacance présidentielle ».
C’est également sous l’angle du compromis présidentiel que Naoufal Daou, activiste politique hostile à la ligne du pouvoir actuel et opposé de longue date au Hezbollah, aborde le gouvernement de Saad Hariri. « L’entente de 2016 était axée sur l’abandon de la souveraineté en contrepartie de la stabilité. Cette équation est toujours de mise », déclare M. Daou à L’OLJ, tout en rappelant que contrairement aux attentes des adhérents au compromis, le Hezbollah n’a jamais assuré la stabilité du Liban. Et d’ajouter : « Quand le Hezbollah contrôle les finances de l’État, sa politique étrangère et de défense, cela signifie que le gouvernement est largement entre ses mains. »
C’est également dans ce cadre qu’il conviendrait de placer des propos tenus par Harès Sleiman, membre du Renouveau démocratique fondé par l’ancien député Nassib Lahoud. Contacté par L’OLJ, il estime que « Saad Hariri dirige un cabinet dans lequel il n’a même pas l’appui d’un tiers des ministres, dans la mesure où c’est surtout le Hezbollah qui a vu sa part enregistrer une augmentation significative. Le cabinet est donc largement déséquilibré en sa faveur ». « Le parti est même parvenu à s’infiltrer dans la quote-part réservée au chef de l’État », dit-il. Une allusion à peine voilée aux ministres d’État pour les Affaires des réfugiés, Saleh Gharib (proche de Talal Arslane), et pour le Commerce extérieur, Hassan Mrad, représentant le sous-groupe des six députés sunnites hostiles à M. Hariri.
Les réfugiés syriens
L’écrasante majorité des opposants s’accorde sur le fait que le gouvernement qui vient de voir le jour n’est autre qu’une version « rectifiée » de l’ancien cabinet de Saad Hariri. Il n’en reste pas moins qu’un changement particulièrement significatif a été opéré au niveau du ministère d’État pour les Affaires des réfugiés, désormais entre les mains du camp favorable à la normalisation des rapports libano-syriens. Lors de sa conférence de presse, samedi dernier, Gebran Bassil avait été clair. Expliquant le choix de Saleh Gharib, il a souligné qu’il s’agit d’un ministre « qui peut dialoguer tant avec la Syrie qu’avec la communauté internationale en vue du retour des réfugiés ». Mais pour Farès Souhaid, ce retour est tributaire aussi bien de la reconstruction que de la mise en œuvre d’une solution politique au conflit.
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commentaires (7)
C'est inquiétant que Dieu ne plaise qu'Israel détruise le Liban , c'est ce que j'ai peur . Avec les terroristes que nous avons tout est possible , en Syrie les Daech et au Liban le Hezbollah
Eleni Caridopoulou
00 h 07, le 07 février 2019